vendredi 17 août 2012
La Syrie n'est pas la Libye
Il n'est pas bon d'aborder de manière politicienne les questions de
politique étrangère. Alors que le rôle de la France dans le monde a été
quasiment absent de la campagne présidentielle, voilà que naît une
polémique sur un prétendu immobilisme de nos dirigeants, sur
l'opportunité d'aller à Moscou pour infléchir Poutine, ou encore sur le
rôle plus important que pourrait jouer notre pays au Conseil de sécurité
de l'Onu...
La tragédie syrienne, dans sa complexité extrême, mérite mieux que des formules simplistes ou des accusations sommaires.
Il
faut le répéter une fois encore : la Syrie n'est pas la Libye, Alep
n'est pas Benghazi. Certes, dans les deux cas, des civils souffrent et
sont délibérément pris pour cibles. Mais les données stratégiques,
diplomatiques et géographiques sont très différentes. Dans le cas
libyen, ni la Russie ni la Chine ne s'opposaient à une intervention
militaire occidentale à laquelle la Ligue arabe avait donné sa
bénédiction. Ce qui n'est pas le cas, aujourd'hui, en Syrie.
Le
régime Kadhafi n'était pas un acteur clé de l'équilibre régional et il
n'existait pas de risques sérieux d'internationalisation du conflit.
Bref, le risque que prenait alors la France en poussant à une
intervention militaire était réel mais « raisonnable ». L'engagement
stratégique n'est pas un jeu de poker. Si François Hollande faisait
aujourd'hui du « Nicolas Sarkozy » en Syrie, rien ne dit qu'il serait
suivi par ses alliés d'hier et Paris risquerait de se retrouver bien
seul. On ne brandit pas avec légèreté la menace d'une intervention
militaire directe que l'on ne peut tenir.
Ne pas « refaire la
Libye » ne veut pas dire ne rien faire. Si nous ne pouvons ni ne devons
pas envoyer nos avions et nos pilotes, nos bateaux et nos marins, nous
devons nous poser la question : existe-t-il vraiment une alternative à
la fourniture d'armes, notamment des armes antitanks et anti-aériennes,
aux rebelles ? Certes, l'option est loin d'être idéale. Nous devons être
conscients des risques d'escalade qu'un tel choix implique. Moscou et
Téhéran, qui soutiennent le pouvoir actuel de Damas, sentent bien que
l'équilibre des volontés politiques est en train de basculer du côté des
rebelles. Ils entendent nous dissuader d'intervenir à leurs côtés. Il
nous appartient de ne pas céder à ce bluff. Pour des raisons
stratégiques, tout autant qu'humaines.
Ma conviction personnelle
est qu'en dernier ressort, et ce moment est venu, il faut armer les
rebelles. C'est se doter des moyens d'influer sur eux, de les encourager
à s'unir et à contenir les plus extrêmes d'entre eux qui demeurent
encore très minoritaires. C'est aussi préparer l'après-Assad, plutôt que
de se contenter d'appréhender les risques de désordre, sinon de chaos.
C'est enfin agir, de manière peut-être décisive, sur le calendrier d'une
guerre dont la prolongation rendra la reconstruction de la Syrie
toujours plus difficile et plus coûteuse.
En d'autres termes, il
s'agit pour nous de mettre en harmonie nos discours et nos actes. On ne
peut, ainsi que nous le faisons, dénoncer l'inhumanité d'un régime et
continuer d'assister, passifs pour l'essentiel, à l'escalade de ses
crimes. Cette prise de risque réelle, mais nécessaire, doit
s'accompagner d'une pédagogie lucide et responsable.
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