Théodore PERDIKAKIS est le co-fondateur de l'agence ATTP, une agence
de publicité qui se place parmi les 10 premières d’Athènes. Dans son
portefeuille de clients, l'agence compte l'enseigne de hard discount Lidl, Leroy Merlin, et la banque HSBC. Depuis un an, la crise touche de plein fouet son activité. En 2011, la société a perdu 50% de ses effectifs.
Lorsqu'elle s'est lancée en 2000, l'entreprise connait pourtant une
croissance fulgurante. Ses locaux au design dernier cri sont jalousés
dans toute la ville. Aujourd'hui, alors que l'hypothèse d'une sortie de
la Grèce de la zone euro court dans Athènes, l'entrepreneur grec observe
avec amertume le monde de l'entreprise dans lequel il a du se faire une
place. Mais des signes positifs peuvent aussi être relevés, telle la
mise à disposition de "Hub"; ces grands espaces qui se sont vidés des
moyennes ou grandes entreprises en faillite et qui sont désormais
proposés à de plus petites entreprises pour un faible coût. Pour
l'instant, ATTP résiste et tient ses quartiers, mais "c'est très dur",
confie Théodore Perdikakis.
Envisage-t-on la création d’entreprise en Grèce comme un moyen de s’en sortir face à la crise ?
Non, ici ce n’est pas une règle pour s’en sortir. Mais dans le même
temps, la crise ne va pas empêcher de créer quelque chose de nouveau. Je
dirais qu’en Grèce, c’est encore possible de créer son entreprise et
que l’on peut même aussi profiter de la crise. C’est ce qu’il s’est
passé en 2009, lorsqu’une agence de publicité a profité du départ de Leo
Burnett, - la filiale de Publicis qui a quitté le marché grec à cause
de la situation qui se dégradait déjà beaucoup -, en récupérant une
partie de ses affaires.
Les démarches pour créer son entreprise sont-elles faciles ?
Elles ne le sont absolument pas. C’est d’ailleurs l’un des problèmes
les plus graves de notre économie que les experts de la troïka (la
mission mandatée par le FMI, la BCE et l’UE ndlr) ont
d’ailleurs souligné lors de l’une de leur dernière visite dans notre
pays. Ici, créer son entreprise, c’est presque une torture. La lourdeur
et l’importance de la bureaucratie est inimaginable, même pour un
entrepreneur de l’Europe du Nord qui se plaint aussi parfois des
démarches à accomplir. Pour illustrer cette difficulté, nous racontons
souvent l’histoire de ce promoteur grec dans le Péloponnèse qui avait
prévu de faire construire plusieurs hôtels dans un endroit magique de la
région. Pour y parvenir, cela lui a pris dix ans et, après les avoir
comptés, il a dû signer... 20.000 documents à l'administration. Imaginez
alors un peu pour un simple entrepreneur !
D’autre part, la corruption qui sévit dans notre pays touche
évidemment la création d’entreprise. Généralement, l’entrepreneur a la
possibilité de percevoir des fonds de la communauté européenne. Mais
avant cela, il y a des fonctionnaires qui sont chargés de juger de la
qualité du projet. Cette mission ils la remplissent avec un message à
peine dissimulé : « Si vous voulez que le projet soit retenu par l’UE,
il nous faudra 100.000 euros en contrepartie ».
La culture entrepreneuriale est-elle dans l’ADN grecque ?
Oui, je le crois. Les Grecs ont dans leur nature le goût du talent et
celui de la prise de risque. Le milliardaire Aristote Onassis,
l’armateur et ancien époux de Jacqueline Kennedy est pour nous un
exemple de réussite. Je crois donc que les Grecs sont de vrais
entrepreneurs. Mais dans le même temps, une mentalité un peu primaire
persiste chez les gens ; avec l’idée selon laquelle les entreprises
utilisent le capitalisme pour réussir et que c’est mal. Pour eux, c’est
mauvais de gagner de l’argent.
Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
De l’extérieur, il faut comprendre la mentalité de mon pays. Il a été
profondément marqué par la prise de Constantinople par les Turcs en
1453, à la fin du Moyen-Age. Depuis cette date, le pays a appris à se
plier à cette autorité. Lorsqu’il se réveille, en 1880, il est
complètement perdu. Pendant des années, il est façonné par une
mentalité, celle de l’Orient. Et avec elle, une certitude : l’Etat est
un ennemi. Pendant 400 ans, la Grèce n’a pas eu la possibilité
d’embrasser tous les changements économiques et culturels qui ont fait
la force de l’Europe du Nord. Aujourd’hui, elle essaye de rattraper ce
retard. Mais comprenez que, ne pas payer ses impôts à l’Etat, c’est
quelque chose de tout à fait normal ici. Voilà pourquoi je sais que nous
sommes de vrais entrepreneurs : nous aimons agir individuellement. Le
revers de la médaille est que nous ne sommes pas bons collectivement.
Les Grecs ne comprennent pas que l’intérêt individuel doit passer avant
par l’intérêt général. En, d’autres termes, pour se réaliser, il faut un
environnement favorable.
Il faut en finir avec la bureaucratie. Cela passe par une simplification de notre système de taxes qui est très injuste et corrompu : ceux qui payent sont ceux qui payent beaucoup trop par rapport à ceux qui ne payent rien du tout. Il faut ensuite baisser les impôts des entreprises et
Conseilleriez-vous à un entrepreneur français de venir s’installer en Grèce ?
Il faut du courage. Mais la crise offre de nombreuses opportunités dans tous les domaines. Par exemple, je constate l’ouverture de nombreux « Hub », ces espaces en commun ou incubateurs. Les entreprises ferment et les espaces se réaménagent pour de plus petites entreprises logées sur un même espace. Néanmoins, ce qui lui manquera cruellement sera le nombre de Business Angels potentiellement intéressés par son projet. Il n’y a plus beaucoup d’argent dans notre pays pour soutenir les projets prometteurs.
mieux répartir l’impôt en faisant payer tout le monde.
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