lundi 21 mai 2012
Les 6591 candidats aux législatives sont-ils vraiment représentatifs des Français...?
A trois semaines du scrutin, le
politologue David Valence se livre à une sociologie des 6591 candidats.
Outre la féminisation, le personnel politique est plus que jamais issu
du sérail, notamment à gauche, où les collectivités territoriales
fournissent l’essentiel des futurs députés.
David Valence : Le
phénomène marquant de ces dernières années est la montée en puissance
des "professionnels de la politique" : je pense aux collaborateurs
d’élus, pour l'essentiel, qui parfois occupent ou finissent par occuper
des postes dévolus aux fonctionnaires territoriaux. Le cursus honorum
suivi par beaucoup de responsables politiques, surtout à gauche, est
désormais le suivant : un poste de cabinet dans un exécutif local ou
auprès d'un parlementaire, un engagement fort dans le parti, puis
souvent une élection à un scrutin de liste pour commencer, avant la
candidature à un mandat parlementaire.
Une
Marylise Lebranchu (PS) ou une Sylvia Pinel (PRG), toutes deux membres
du gouvernement Ayrault et candidates aux législatives correspondent
assez bien a ce profil, par exemple.
Ce
modèle tend à supplanter, à gauche, celui du militant pur et dur,
souvent enseignant ou fonctionnaire moyen, qui conquiert progressivement
des mandats locaux avant d’entrer à l’Assemblée : bref, le modèle
"André Laignel" (maire d'Issoudun) ou "Edmond Hervé" (ancien maire de
Rennes), qui dominait à gauche dans les années 1970.
Quoique générale, cette professionnalisation reste plus marquée à gauche. Ceci pour plusieurs raisons. D'abord,
la culture de parti y est plus forte qu’à droite, même à l'UMP. Par
ailleurs, la reconquête des pouvoirs locaux engagée par la gauche à
partir des régionales de 2004 a produit ses effets sur la sociologie de
partis comme le PS ou EELV. Les hommes et femmes qui vivent de
la politique d'une façon ou d'une autre y ont pris un poids
considérable, en particulier le petit monde des cabinets d'exécutifs
territoriaux (mairies, conseils régionaux et généraux...).
Le
phénomène est moins marqué à droite, pour des raisons de culture
politique, mais aussi, tout simplement, parce que les pouvoirs locaux
sont aujourd'hui à gauche, dans leur grande majorité.
Pendant
longtemps, l’essentiel des ouvriers candidats aux élections
législatives l'étaient sous la bannière du PCF. Les communistes tenaient
en effet à afficher une identité "ouvriériste". Les ouvriers se
faisant rares au PCF et rechignant, plus que d'autres catégories
socioprofessionnelles encore, à s'engager dans les partis, leur place
dans la masse des candidats aux législatives devient infime...
Alors même que la proportion des ouvriers dans la population active
totale est plutôt stable, après avoir beaucoup baissé dans les années
1960-1970.
En
milieu rural ou périurbain, ce sont souvent les agriculteurs ou des
figures de notables "classiques" – médecins, pharmaciens ou notaires –
qui exerçaient les mandats municipaux. Or, on assiste depuis les
municipales de 1995 à une évolution silencieuse mais décisive à cet
égard : agriculteurs et notables sont souvent remplacés par de
jeunes retraités ou des actifs issus de la fonction publique ou des
entreprises publiques.
Sans prendre de
carte dans un parti, ces nouveaux élus ruraux ou périurbains sont plus à
gauche que leurs prédécesseurs, souvent considérés comme des "divers
droite" par les analystes électoraux. Telle est une raison du
basculement du Sénat à gauche en septembre 2011. Car au-delà des grandes
villes, la gauche a gagné ces dernières années des sièges de sénateurs
dans des départements ruraux comme la Haute-Saône ou l'Aveyron, ou les
"nouveaux maires" issus des élections de 1995, de 2001 ou de 2008 sont
souvent de gauche, même de façon discrète.
La
surreprésentation des fonctionnaires et des professions indépendantes
(médecins, pharmaciens, avocats…) parmi les parlementaires est typique
de la Vème République. Ces catégories sont celles qui
bénéficient des conditions les plus favorables, en termes d'aménagement
possible de leur temps de travail, pour s'engager en politique.
Tout est une question de temps, même si des dispositions sont aussi
prévues pour les salariés du privé qui exercent des mandats politiques.
Contrairement
à d’autres pays, où le repli sur la sphère privée est beaucoup plus
marqué, la France ne connait pas une dépolitisation brutale de sa
population.
En revanche, on observe que la
réticence bien connue des Français vis-à-vis de l'engagement partisan
persiste et se renforce même. La sociologie des partis a changé
en conséquence ces dernières années : les partis de gauche, et
notamment le PS et EELV, comptent beaucoup de fonctionnaires et/ou de
professionnels de la politique dans leurs rangs.
Enfin,
la plus grande complexité des enjeux, et notamment institutionnels, a
favorisé les professionnels de la politique au détriment de la société
civile.
Le
chiffre de 41% est relativement bon. Il traduit notamment les efforts
timides de la droite, qui était jusqu’à récemment le mauvais élève de la
parité, et les engagements tenus de la gauche pour respecter les règles
de la parité.
Oui,
je le crois. Dans les années 1980 et 1990, il était courant de voir
plusieurs candidats dissidents à droite, notamment en raison de la
souplesse de la structure de l’UDF, composée de plusieurs formations.
Aujourd’hui, le niveau électoral du Front national tend à limiter le nombre de dissidents.
Ceux qui se présentent contre le candidat investi par l'UMP ou le PS
risquent d'empêcher la présence de leur famille politique au second
tour. C'est un mistigri difficile à porter et cela calme bien des
ardeurs dissidentes !
Les
candidats fantaisistes ne sont pas d'hier : le Parti de la loi
naturelle, assimilé par d'aucuns à un mouvement sectaire, avait présenté
des candidats en 1997 ; le Parti de l’amour, animé notamment par des
prostituées, était également présent en 2007.
Mais
la France est encore loin d'un schéma à l’italienne, ou le parti de
l'humoriste Beppe Grillo est en passe de s'imposer aux municipales à
Parme, par exemple. C'est que la désillusion démocratique est moins sévère en France qu'en Italie, pour le moment.
Le
rapport des Français au politique reste marqué par une forme de sérieux
démocratique, du moins pour les élections qui comptent.
En 2007, malgré l’engouement suscité par la campagne présidentielle, la participation avait chuté de 82 à 60% aux législatives. Je tablerais volontiers sur un chiffre de 56-57% de participation en juin prochain.
Autre
point important : le jugement de votre employeur quand vous vous
engagez en politique. Dans l'absolu, il est préférable d'avoir un
"patron" abstrait comme l'Etat, ou d'être son propre patron.
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