Pour sauver le consensus au sommet de l'Otan à Chicago, le nouveau président est prêt à moduler sa promesse d'un retrait des troupes françaises avec un an d'avance.
L'Amérique et l'Otan ont absolument besoin d'un succès sur le dossier afghan au sommet de l'Alliance qui s'est ouvert dimanche à Chicago, afin que ce rendez-vous des 28 puissances militaires occidentales ne se transforme pas en «sommet Potemkine».
Le blocage patent avec les Russes sur le bouclier antimissile, l'absence d'avancées sur le dossier de l'élargissement, les lourdes contraintes budgétaires qui pèsent sur les alliés ont entamé les ambitions exprimées à Lisbonne en 2010. En pleine campagne pour sa réélection, le président Obama devait, dimanche soir et lundi, démontrer sa capacité à orchestrer dans l'unité un retrait ordonné et responsable d'Afghanistan, s'assurer que l'Alliance n'abandonnerait pas la jeune armée afghane une fois la transition achevée et définir la nature de l'engagement allié après 2014. Il n'est pas surprenant que sa première rencontre à Chicago ait été pour le président afghan, Hamid Karzaï.
La fête est en réalité un peu gâchée. D'abord, «parce que l'Alliance quitte un pays toujours en guerre», note le stratège Bruce Jackson. Mais aussi parce que l'Amérique a drastiquement revu à la baisse sa définition du succès militaire en Afghanistan, limité désormais à la marginalisation d'al-Qaida et non plus à une victoire décisive sur les talibans. Obama espérait pouvoir revendiquer à Chicago un progrès dans les négociations avec les insurgés, «mais si les contacts continuent, les pourparlers sont au point mort», soulignait ce week-end une source diplomatique française.
Sécuriser les matériels
Surtout, malgré les appels insistants à l'unité venus de la Maison-Blanche et de l'Otan, l'engagement électoral de François Hollande à retirer les troupes françaises en décembre 2012 - un an plus tôt que le calendrier accepté par Nicolas Sarkozy - a bousculé l'édifice diplomatique qui avait été préparé de longue date. Les Américains n'ont pas caché l'embarras dans lequel les mettait la décision de Paris, au moment où ils tentent au contraire de freiner les velléités de départ des pays de la coalition et de prouver la solidité de leur engagement futur. Pour l'ancien ministre de la Défense Gérard Longuet, c'est une «mauvaise décision» et même une position «intenable», sur laquelle il serait bon de revenir «au nom de l'intérêt supérieur de notre pays». «L'idée clé, c'est qu'en dépit de la décision nationale qui peut être prise, on est membre de l'Alliance: on entre ensemble et on sort ensemble», notait jeudi le conseiller à la sécurité nationale du président Obama, Thomas Donilon.De part et d'autre, on a donc tout fait en coulisses pour déminer le terrain et maintenir un compromis de façade. Tout en confirmant qu'il maintiendrait sa décision, «un acte de souveraineté», François Hollande a expliqué samedi après le sommet du G8 qu'il organiserait le retrait anticipé «en bonne intelligence avec nos alliés». «La position française a été comprise… Ce sera un sommet de consensus», a dit le nouveau ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, réfutant l'idée d'un «scénario de rupture».
La guerre se conjugue déjà au passé
En réalité, le nouveau président a largement tempéré sa promesse électorale, pour des raisons autant techniques que diplomatiques. Concrètement, seules les troupes combattantes quitteront l'Afghanistan dans les délais imposés. Et encore, pas toutes, car des «forces résiduelles» devront rester sur place pour sécuriser le retrait des matériels. Sans s'engager sur les chiffres, qui seront négociés par le chef d'état-major de l'armée française et le commandant américain de la coalition en Afghanistan, le ministre Le Drian a confirmé le maintien de contingents pour des missions de formation de l'armée et de la police: «Cela ne veut pas dire que nous quittons la coalition, mais notre présence sera différente.» Sans le dire, l'équipe Hollande reprend en fait à son compte - à trois mois près - le calendrier de son prédécesseur. Beaucoup de bruit pour rien?Si l'épisode aurait pu être évité, il ne devrait cependant pas peser si lourd sur la relation franco-américaine. Les Français ont bien pris soin, comme le leur avaient demandé les Américains, de ne pas tenter d'entraîner à leur suite les autres pays contributeurs de troupes. Surtout, la guerre d'Afghanistan se conjugue déjà presque au passé en Amérique. Les États-Unis s'interrogent sur la dimension du contingent qu'ils laisseront après 2014. Leur souci est de s'assurer que les alliés contribueront au maintien sous perfusion de l'armée afghane, évalué à environ 4,1 milliards de dollars par an, dont Washington assurerait près de la moitié. N'en déplaise aux opinions publiques fatiguées de la guerre, si l'Afghanistan replongeait dans le chaos, ce serait un coup très dur pour l'Alliance et ses futures missions.
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