lundi 21 mai 2012
Electionscope : pourquoi notre modèle qui prédisait Nicolas Sarkozy élu à 50,2% a échoué
Le mois dernier, entre les deux tours
de l'élection présidentielle, Bruno Jérôme proposait un modèle d'analyse
différent des instituts de sondage. Il était le seul à donner Nicolas
Sarkozy vainqueur. Si le résultat du scrutin a prouvé l'échec de ses
hypothèses, était-il vraiment si loin d'avoir raison ?
Jérôme Bruno : Le danger, lorsque
l’on fait de la prévision et que l’on cherche à la vulgariser, c’est que
l’on donne toujours la sensation de vouloir donner un résultat vrai à
priori. Il y a toujours une marge d’erreur. Bien souvent, lorsque l’on
communique, on se passe de cette marge d’erreur car les gens attendent
un résultat qui doit passer pour vrai. Nous l’avions d’ailleurs bien dit lorsque nous vous avions répondu : nous évaluions cette erreur potentielle à 1,7 point.
Au
premier tour, notre modèle avait été assez précis sur le rapport de
force droite / gauche. Effectivement, notre modèle de second tour, qui
repose sur une extrapolation fondée sur l’historique des reports de voix
lors des précédents scrutins, nous a donné des résultats qui terminent
du mauvais côté du trait. Par contre, petite satisfaction, si l’on
raisonne en valeur absolue, nous sommes plus proches du résultat exact
que les sondeurs. Finalement, notre prévision qui donnait un avantage à
la droite depuis octobre 2010, montrait bien que, quoi qu’il arrive, il y
aurait un résultat serré. Contrairement aux instituts de
sondage qui donnaient jusqu’à 60% pour François Hollande en octobre
2011, nous avions bien perçu le faible écart entre les deux candidats.
Le
problème, c’est que nous nous retrouvons du mauvais côté du trait.
Notre travail, maintenant, c’est de décrypter. En regardant dans le
détail, nous avons les bons rapports de force dans 16 régions sur 22.
Dans les six régions où notre modèle échoue, nous pouvons enlever la
Corse, qui reste totalement imprévisible. La droite a perdu la main
entre les deux tours en Pays de Loire et en Basse Normandie. Ce sont
deux bastions historiques qui, sous la Vème République, n’avaient jamais
été à gauche sauf en 1988.
Exactement. Moralité, nous observons qu’il s’est passé des choses.
En Ile de France, Basse Normandie et Pays de la Loire, c’est clairement
l’électorat centriste qui a fui Nicolas Sarkozy. Notre modèle montre
que le vote blanc du Front national a pu avoir un impact en Languedoc
Roussillon et en Bourgogne. Un rapide calcul, qui mérite encore
d’être affiné, montre que si un tiers des bulletins blancs émis étaient
récupérés par Nicolas Sarkozy, il aurait approché les 50%. Or cette
présidentielle a été marquée par un record du nombre des votes blancs.
Ce
vote blanc nous montre non seulement un certain suivi des consignes de
Marine Le Pen dans ces régions, qui reste, par ailleurs, fortement
marquée par un taux de chômage plus élevé que la moyenne. La
fuite vers la gauche de l’électorat centriste est peut-être une
conséquence de la droitisation du discours de Nicolas Sarkozy.
Alors que la logique voulait jusqu’ici, pour le candidat
Théoriquement, le Front national devrait être un peu moins haut. Il devrait tourner autour de 14-15%.
Tout dépendra de l’abstention. Nous devons donc formuler des hypothèses
sur cette abstention, selon qu’elle soit forte ou pas, ce qui aura pour
conséquence de qualifier ou non le Front national au second tour. C’est
très difficile à analyser.
Pour la gauche, il y a
une prime majoritaire historique sous la Vème République aux scrutins
majoritaires. Elle devrait donc l’emporter de ce fait. Maintenant,
l’enjeu pour la droite, c’est d’empêcher une majorité de trois
cinquièmes au Parlement. Pour ce qui est de remporter les législatives,
elle a très peu de chances.
Reste enfin à voir comment la gauche obtiendra sa majorité : devra-t-elle s’allier avec Jean-Luc Mélenchon et les Verts.
sortant, de
rassembler son camp au premier tour et de viser l’électeur médian au
second tour, Nicolas Sarkozy s’est tourné vers l’extrême en espérant que
ce réservoir de voies plus important puisse basculer vers lui. Or les
analyses ont montré que les électeurs frontistes n’avaient pas tellement
évolué dans leur intention de voter pour le candidat de l’UMP au second
tour.
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