Mais au fait… cela fait un moment qu’on n’a pas parlé de
l’avancement de la déroute financière de l’État français, non ? Faisons
un bref point.
Pour résorber son déficit, la France devrait avoir une croissance de
7%. L’alternative : doubler les impôts. Après 37 années consécutives de
déficit, notre marge de manoeuvre paraît bien maigre…
Ces 7% ne sont pas un lapin sorti d’un chapeau. Je vous rappelle que notre dernier déficit public est supérieur à 10%. Pour étaler le déficit d’une année, vous devez, l’année suivante, avoir plus de rentrée. Vous gagnez 100 et vous dépensez 110. Votre déficit est donc de 10, au lieu de 3. Vous êtes obligé de rentrer environ 107 l’année suivante pour contenir votre déficit à 110/107 soit environ 3% (2,8% précisément). Bien sûr, ceci suppose que vous limitiez votre train de vie et que votre outil de travail soit capable de monter en régime.
Vous comprenez pourquoi Monsieur Le Marché s’intéresse en ce moment à nos obligations d’État et les aime de moins en moins. Notre taux d’emprunt augmente, car sur le marché obligataire, lorsqu’une obligation baisse, son rendement monte. Les acheteurs de nos créances veulent être mieux rémunérés, estimant que le risque grandit.
De plan en plan avec de mauvaises hypothèses, le marché perd confiance
Faute de croissance, pour redresser la barre, il faut mettre en place des plans d’austérité, qu’il serait plus juste d’appeler plans d’assainissement. Depuis fin juillet, nous en sommes au deuxième. À peine un plan élaboré, les hypothèses de croissance sur lequel il se fondait deviennent obsolètes : 1,75% pour le plan de fin juillet ; puis 0,9% pour le plan de fin octobre ; sachant que la croissance réelle sera proche de 0,2% selon les dernières prévisions.
On comprend que Monsieur Le Marché s’agace… Supposez que, lourdement débiteur, vous présentiez à votre banquier des business plans successifs irréalistes, il commencerait à devenir nerveux.
En tant que citoyen vous devez cependant regarder d’autres chiffres que ceux de Monsieur Le Marché.
Les journaux et les média vous présentent toujours la situation économique en ratios dette sur PIB ou déficit sur PIB. Ceci suppose que l’État préempte toute la richesse nationale. Mais vous conviendrez avec moi qu’il faut bien vous vêtir, vous nourrir, vous loger et vous chauffer. Bref le PIB d’une nation n’appartient pas à l’État.
Il serait donc bien plus honnête de présenter les chiffres de déficit et de dette rapportés aux recettes fiscales. Là, c’est plutôt l’horreur, comme l’a très bien déjà démontré Philippe Herlin dans son livre France, la Faillite ?
La pression fiscale, un inquiétant indicateur encore ignoré des marchés
La pression fiscale déjà existante est un important indicateur de solvabilité nationale. Si un État prélève déjà plus de la moitié de la production de richesse de ses citoyens, sa marge de manoeuvre est beaucoup plus étroite que s’il en prélève 25% (cas de la Grèce).
Or la France fait partie des pays à la pression fiscale déjà très élevée. Un Français travaille uniquement pour l’État jusqu’au 28 juillet de l’année civile, selon l’étude de l’institut économique Molinari.
Au taux auquel nous empruntons actuellement sur les marchés, la charge de la dette, c’est-à-dire le paiement des intérêts sur notre passif de 1 692,7 Mds€, absorbe 80% de l’impôt sur le revenu. Chaque pourcent d’intérêt supplémentaire nous coûte 15 Mds€, soit le tiers des recettes de l’impôt sur le revenu.
Si vous raisonnez en tant que citoyen, vous comprenez vite que la France est insolvable. Personne n’acceptera de voir ses impôts doubler du jour au lendemain. Le taux de prélèvement atteindrait un niveau jamais vu dans l’Histoire.
C’est l’impasse : nous sommes insolvables, mais si nos créanciers l’admettaient, ce serait le chaos. La perte du triple A de la France portera un coup fatal à l’usine à gaz du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et signera la dislocation de l’Eurozone. Vous comprenez mieux la volatilité actuelle des marchés
Quelqu’un à qui on demandait comment il s’était ruiné aurait répondu : « au début tout doucement, puis très vite ». C’est probablement ce qui nous attend après trente-sept ans de déficits.
Le bon côté de la faillite, c’est qu’elle réapprend à vivre selon ses moyens. Ce doit être ce que le jargon économique moderne appelle le « développement durable »…
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Une première version de cet article a été publié sur Atlantico.fr le 22 novembre 2011.
(*) Simone Wapler est rédactrice en Chef des Publications Agora (analyses et conseils financiers).
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