vendredi 18 mai 2012
"Derrière l’arbre du salaire des ministres, une forêt d’avantages cachés"
François Hollande a annoncé aujourd’hui
en conseil des ministres une diminution de 30% de la rémunération des
membres du gouvernement. Mais la France est encore loin d'une
moralisation complète de la rémunération des cabinets ministériels.
Comme prévu sur sa feuille de route
parue pendant la campagne, François Hollande a annoncé ce jeudi en
conseil des ministres une diminution de la rémunération des ministres à
hauteur de 30%. Ce geste est important parce qu’il témoigne de la
volonté affichée par la nouvelle équipe de rompre avec la logique prêtée
au précédent quinquennat, en montrant personnellement l’exempl
En
même temps, le nouveau Président s’attaque de façon très symbolique et
très partielle à un sujet très vaste, et très ancien en France, la
rémunération du gouvernement. Rappelons-nous de la décision
très importante prise par Lionel Jospin en 2001: la suppression des
fonds secrets, c’est-à-dire le terme qu’il avait mis à la distribution
d’argent liquide dans les cabinets ministériels. Il y avait alors
substitué les indemnités de sujétion particulière (les fameuses ISP) qui
sont versées sur fiche de paye et théoriquement déclarées au Parlement
en loi de finances.
Lionel Jospin eut le mérite
de rendre transparentes des pratiques obscures qui permettaient aux
conseillers de se verser des sommes parfois très coquettes en toute
illégalité. Les mauvaises langues disent même que les fonds secrets
servaient régulièrement à financer des campagnes électorales. Ou des
dépenses privées des ministres.
Dans tous les cas, la suppression des fonds secrets a obligé, dès août 2002, à revaloriser fortement le salaire des ministres.
Ceux-ci n’étaient pas habilités à percevoir des indemnités de sujétion
et se retrouvaient donc avec le seul salaire versé par l’Etat. Par
décret, il fut décidé d’en changer le mode de calcul en l’indexant sur
les plus hautes rémunérations de la fonction publique. Cette décision
revenait à augmenter les salaires des ministres de 70%.
François
Hollande a donc choisi de revenir partiellement sur cette mesure. Si
l’on comprend bien l’intention et si celle-ci paraît louable, on
regrettera néanmoins que cet engagement n’aille pas jusqu’à une
moralisation complète de la rémunération des cabinets ministériels. En
effet, derrière l’arbre du salaire brut des ministres, se cache une
forêt d’avantages qu’il serait bon de rendre transparents et de
moraliser.
Tout d’abord, concernant les
ministres eux-mêmes, la mesure passe sous silence les avantages en
nature dont ils disposent: le logement, les frais de bouche, parfois les
frais de garde des enfants. Il est de notoriété publique que le personnel de maison dont bénéficient les ministres peut coûter très cher. Ensuite, la mesure ne dit rien concernant les membres de cabinet. Hors, ceux-ci sont parfois pléthoriques, et peuvent bénéficier d’avantages financiers relativement importants.
Il
existe en fait deux cas de figure. Le moins choquant concerne les
collaborateurs de cabinet recrutés sur contrats. On notera que ces
contrats sont très précaires et permettent des ruptures unilatérales
sans aucun préavis et sans indemnité. Il s’agit le plus souvent de
jeunes conseillers ou attachés, notamment parlementaires, qui ont un
pedigree très politique. Pour leur rémunération, le ministre dispose
d’un volume financier global qu’il répartit à sa guise. Il peut décider
d’avoir peu de conseillers bien payés, ou beaucoup de conseillers moins
bien payés. L’essentiel est de ne pas dépasser la masse salariale
inscrite au budget.
Le plus choquant
concerne les fonctionnaires qui «montent» en cabinet. Ce sport très
pratiqué au moment des nominations ministérielles constitue souvent une
timbale pour les intéressés. En effet, le service en cabinet
permet de conserver tous les avantages du service actif dans la fonction
publique: rémunération, ancienneté, protection, en y ajoutant les
avantages du cabinet: primes, privilèges divers, postes de sortie
prestigieux. Les primes peuvent s’élever mensuellement à plusieurs
milliers d’euros et permettent ainsi de doubler et plus la rémunération
de base.
Certains considéreront que les
fonctionnaires récupèrent ainsi l’énergie qu’ils ont mises à ramper dans
la boue pour obtenir leur nomination en cabinet. En termes
démocratiques, on s’étonnera néanmoins de voir qu’un fonctionnaire,
supposé politiquement neutre, puisse se consacrer à des missions
politiques avec tous les avantages qu’elles procurent, sans aucun des
inconvénients.
Une mesure véritablement
transparente consisterait à interdire cette pratique, en exigeant des
fonctionnaires en poste dans les cabinets qu’ils renoncent à leur statut
au moins pendant la période où ils servent un ministre. D’une part,
cette mesure resterait très protectrice, puisqu’elle garantirait le
retour automatique dans la fonction publique à l’issue du passage en
cabinet. D’autre part, elle permettrait de limiter la pléthore de
fonctionnaires qui grenouillent activement dans les antichambres de
ministre. Et qui nourrissent l’idée qu’il existe une caste de mandarins
qui a confisqué le pouvoir à son profit.
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