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samedi 21 avril 2012

Merkel se prépare au « pire scénario » en France

Engagée derrière Nicolas Sarkozy, la chancelière n'exclut pas l'échec de ce dernier.

Dimanche Angela Merkel aura les yeux rivés sur la bataille présidentielle française. Jamais aucun dirigeant allemand ne s'était à ce point engagé dans une campagne électorale à l'étranger. La raison est simple: pour la chancelière, en pleine tempête de l'euro, la réélection de Nicolas Sarkozy est devenue un enjeu de politique intérieure allemande. Plus cruciale que n'importe quelle élection régionale outre-Rhin, l'issue du scrutin français sera déterminante pour son propre avenir politique. Consciente que le pari de son allié de l'Élysée est loin d'être gagné, et guidée par sa légendaire prudence, Merkel se prépare cependant à l'éventualité d'une victoire de François Hollande.
«L'élection française, un supplice pour Merkel», annonçait cette semaine l'hebdomadaire Der Spiegel, soulignant le «double risque» auquel est confrontée la chancelière allemande. Si le candidat socialiste l'emporte, elle sera guettée par l'isolement sur la scène européenne. S'il est réélu, le président sortant, armé d'une nouvelle légitimité, sera un allié moins conciliant.

Tacticienne hors pair

S'attirant des critiques jusque dans son propre camp, Merkel avait affiché ostensiblement son soutien à Sarkozy en donnant une interview télévisée à ses côtés en début d'année et en refusant de recevoir François Hollande, alors qu'elle avait rencontré en pleine campagne 2007 Ségolène Royal, candidate du PS. La ­dirigeante chrétienne-démocrate avait même prévu de participer, selon la CDU, à des meetings électoraux de l'UMP, jusqu'à ce que le président français finisse par l'en dissuader.
En dépit des sondages, la coalition de centre droit de la chancelière continue d'espérer que Sarkozy finira par l'emporter à l'arraché. «Si ce n'est pas le cas, le gouvernement fédéral aura un gros problème parce qu'il aura perdu son meilleur allié pour la culture de stabilité de l'euro», souligne le ténor libéral Otto Graf Lambsdorff. Pour Angela Merkel et ses troupes, François Hollande est l'incarnation des sociaux-démocrates dans ce qu'ils ont de plus rétrograde: plus de dépenses publiques, plus de fonctionnaires et plus de dettes.
Pourtant, une distance s'est installée dans le couple «Merkozy» ces dernières semaines. Le cavalier seul du président français sur une sortie des accords de Schengen a irrité la chancellerie. Et le revirement de Nicolas Sarkozy sur le rôle de la Banque centrale européenne pour muscler le soutien à la croissance inquiète Berlin, où la moindre atteinte à l'indépendance de la BCE est un tabou absolu. Mais au-delà de la geste électorale, Sarkozy reste une donnée maîtrisable dans les calculs de Merkel, cette tacticienne hors pair, qui s'est appuyée sur lui pour asseoir son pouvoir en Europe. Hollande à beau l'avertir qu'elle «ne peut être sûre de rien» avec Sarkozy, la chancelière campe sur une certitude: l'élection du candidat socialiste serait le pire scénario pour elle.

Discipline budgétaire

Cela ne l'empêche pas de s'y préparer. L'entourage de la chancelière sonde l'équipe de Hollande sur ses réelles intentions, notamment le très germanophile Jean-Marc Ayrault. Les proches de ­Merkel espèrent que s'il arrivait au pouvoir, Hollande serait «dégrisé par la situation économique réelle de la France». Après tout, le couple franco-allemand a souvent fonctionné à rebours des affiliations politiques… La complicité de Schmidt-Giscard, Kohl-Mitterrand, Chirac-Schröder n'a rien à envier à celle du couple ­«Merkozy».
Cependant, Berlin peine à digérer l'intention affichée par Hollande de renégocier le pacte européen de discipline budgétaire, imposé à grand-peine par Merkel, pour y inclure des mesures en faveur de la croissance. Son soutien aux eurobonds risque de relancer le débat européen sur cette question et d'isoler la chancelière, pour laquelle ces obligations sont une incitation à ne pas se soumettre à la discipline budgétaire. Pis: l'arrivée au pouvoir des socialistes en France risquerait de remettre en selle les sociaux-démocrates allemands, que la chancelière pensait pouvoir maîtriser en vue d'une réélection lors des législatives allemandes de septembre 2013.

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