lundi 2 avril 2012
Le million
Taxer les revenus à un taux de 75 % au-dessus d'un million d'euros
par an, est-ce bien raisonnable ? La proposition de François Hollande
aura fait pousser quelques hauts cris ces dernières semaines. Elle ne
concerne pourtant que les 30 000 foyers qui encaissent chaque mois plus
de 50 fois le salaire médian. Une infime minorité, en somme, que l'on
peine à regarder comme des victimes.
Mais justement, répondent les
adversaires de ce projet, les riches étant peu nombreux, même en leur
prenant beaucoup, cela ne rapporterait pas grand-chose. Le jeu en vaut
d'autant moins la chandelle, ajoutent-ils, que ces grasses rémunérations
sont aussi un facteur de motivation pour les intéressés : qu'on les
prive de ce surplus de richesse et ils cesseront instantanément de
produire, d'investir, d'innover… A moins, bien sûr, qu'ils ne fassent
tout simplement leurs valises pour gagner des climats plus hospitaliers.
Bref, dans tous les cas, la société n'y gagnerait presque rien et elle y
perdrait beaucoup.
Il est certain que, concentré sur une si
petite population, même un impôt totalement confiscatoire serait d'un
piètre rapport. Mais celui-ci pourrait avoir une autre forme
d'efficacité : dissuader les individus concernés de rechercher des
rémunérations aussi exorbitantes. A quoi bon se fatiguer à gagner plus,
si c'est pour remettre les trois quarts de ses gains à l'Etat ? Un tel
niveau de prélèvement tend de facto à plafonner les revenus. Ce qui
serait une bonne chose : l'argent qui n'irait plus dans ces poches déjà
pleines à craquer trouverait certainement bien meilleur usage ailleurs.
Faut-il
craindre, ce faisant, de décourager l'ardeur entrepreneuriale des plus
fortunés ? Outre que nombre d'entrepreneurs gagnent en réalité beaucoup
moins, rien ne permet d'affirmer que la motivation des cadres dirigeants
de grandes entreprises ou des avocats d'affaires décroîtrait
brutalement en dessous de 85 000 euros par mois, et qu'ils en perdraient
l'envie de se lever tôt. Les infirmières et les policiers le font pour
beaucoup moins que ça.
Reste le risque de voir des cohortes de
millionnaires prendre le chemin de l'exil. Cette crainte, qui taraudait
déjà le gouvernement Sarkozy en 2007 au moment où il mettait en place
son fameux " bouclier fiscal ", ne semble pourtant pas fondée. C'est ce
que suggèrent les chiffres disponibles au sujet de l'impôt de solidarité
sur la fortune (ISF), véritable repoussoir aux yeux de la majorité
actuelle : en réalité, moins de 0,2 % des assujettis à l'ISF ont quitté
le territoire ces dernières années. Ou, si l'on préfère, plus de 99,8 %
d'entre eux ont préféré rester prisonniers des griffes du fisc
hexagonal.
Mais même en imaginant qu'un tel taux d'imposition soit
non seulement inefficace mais de nature à faire fuir les plus fortunés,
faudrait-il pour autant y renoncer ? Pour ceux qui pensent que la
morale ne nuit ni à la politique ni à l'économie et que l'égalité reste
la boussole de nos démocraties, la réponse est non.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire