mercredi 25 avril 2012
"Hollande se dérobe face à Sarkozy"
Philippe Tesson estime qu'en refusant les trois débats proposés par le président-candidat, le candidat du PS piège le peuple.
Ce n'est pas insulter les Français que de douter qu'ils aient voté
dimanche dernier et qu'ils votent le 6 mai en pleine connaissance,
premièrement des enjeux essentiels de ces scrutins et deuxièmement des
solutions respectives que leur proposent les candidats en lice face à la
situation critique du pays. Dans leur majorité, ils ont d'abord et
surtout donné leur voix en pleine connaissance des problèmes qu'ils
rencontrent dans leur vie quotidienne, et c'est tout à fait légitime.
Certes, ils ont conscience que nous traversons une crise grave dont
la complexité leur interdit d'analyser exactement la nature. Certes, ils
comprennent que cette crise va exiger des sacrifices induits par une
obligation impérative de rigueur. Certes, ils savent qu'une politique de
gauche et une politique de droite n'ont pas le même sens. Mais c'est
évidemment leur sensibilité qui a parlé et qui va parler à travers leur
vote davantage que leur entendement, leur intérêt immédiat davantage que
leur compétence.
Et pour cause : c'est essentiellement sur les ressorts de leurs
passions qu'ont joué au cours de la campagne les différents candidats.
C'est bien ce qu'on est en droit de reprocher à ceux-ci : ils n'ont rien
fait pour donner un contenu solide à leur discours, ils ont négligé le
plus élémentaire souci pédagogique, ils n'ont eu de cesse d'abaisser le
débat soit au niveau anecdotique, soit au niveau polémique. Ils ont
éludé les questions majeures comme si elles les dépassaient, ou comme
s'ils en avaient peur. Quant à la confrontation, elle fut pratiquement
inexistante.
C'est pourquoi on s'étonne que, parvenu à l'entre-deux tours, étape
décisive qui permet aux deux candidats restés en présence d'en venir à
l'essentiel, l'un d'entre eux se dérobe aux face-à-face que lui propose
son concurrent. Les arguments qu'invoque François Hollande à l'appui de cette dérobade ne tiennent pas la route une seconde. Que Nicolas Sarkozy,
qui n'est pas un enfant de choeur, lui tende un piège, c'est évident.
Mais toute campagne électorale est un champ de mines et Hollande n'est
pas une rosière. Que n'a-t-il tendu ce même piège à Sarkozy ? S'il ne
l'a pas fait, c'est qu'il redoutait d'être victime de ce piège. C'est
donc qu'il a conscience de son infériorité. C'est qu'il redoute son
adversaire. C'est qu'il ne tient pas à mettre en jeu sa position de
favori. Et qui est le dindon de la farce ? Le peuple.
On comprendrait Hollande si ces débats entre les deux finalistes
désignaient le vainqueur de l'élection, comme au sport. Mais ce n'est
pas le cas. Ils ne désignent que le vainqueur de l'épreuve. C'est le
peuple qui prend la décision ultime par son vote. Le candidat qui
s'impose au terme du débat n'est pas fatalement celui qui l'emportera
dans les urnes. Alors que craint Hollande, puisqu'il est certain de
gagner, il nous le dit assez ? L'enjeu d'un débat est d'éclairer le
peuple, de lui donner les armes nécessaires pour comprendre sur quoi il a
précisément à se prononcer, et pas seulement sur qui.
Or au moins deux dossiers d'une importance capitale ont été escamotés
au cours de la campagne. Le premier concerne la crise sous ses
différentes déclinaisons : la dette, la croissance, l'Europe.
Quel électeur, sinon celui qui suit au jour le jour depuis son origine
et avec attention l'évolution du tumulte qui secoue le monde et en
particulier la France, est capable d'en dénouer les fils et d'en mesurer
les effets ?
On n'a rien expliqué au peuple. La campagne s'est déroulée comme si
la crise n'existait pas, alors qu'elle est dramatique et que tout
découle d'elle. Qui peut mesurer le prix qu'elle coûtera à chacun de
nous ? Qui distingue exactement ce qui sépare les deux candidats dans
les remèdes qu'ils proposent ? Le second dossier est relatif à
l'immigration. Il est au coeur de notre avenir, il est au coeur de nos
passions. Il divise le pays. Il ne suffit pas de l'appréhender en termes
réactifs, épidermiques ou moraux. Il pose des problèmes concrets,
économiques, politiques, culturels. Que nous a-t-on enseigné là-dessus
qui ait fait avancer notre connaissance et qui ait nourri notre
réflexion ? Est-ce que suffit l'énoncé de quelques propositions ?
Chacun de ces deux sujets exige une explication contradictoire entre
les deux candidats. Chacun mérite un débat spécifique. Au lieu de quoi
nous allons avoir droit mercredi prochain à une unique confrontation
forcément superficielle autour d'un inventaire hétéroclite. Singulière
conception du débat démocratique ! Sarkozy tend peut-être un piège à
Hollande en lui proposant trois débats télévisés et en acceptant de
surcroît une invitation à un débat radiophonique. Mais au moins les
Français qui ne demandent que cela, vu les audiences flatteuses que
recueillent ces émissions, auraient-ils fait leur profit de ces
échanges. C'est Hollande qui piège le peuple en refusant de se prêter au
jeu.
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