lundi 26 mars 2012
La chasse aux classes moyennes
On comprend que les candidats à l'élection présidentielle fassent la
chasse aux classes moyennes. La France est, en effet, de tous les grands
pays développés, celui où elles représentent la fraction de la
population la plus grande.
Le Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des
conditions de vie) vient de publier sur le sujet une étude passionnante
que devraient lire tous les acteurs de la vie publique (1). Si
on définit l'appartenance aux classes moyennes à partir des revenus de
chaque famille (pour un couple avec deux enfants, entre 2 440 et 5 240 €
net par mois), cette catégorie sociale représente 58,7 % de la
population chez nous, contre 53 % en Allemagne, 50,6 % en Italie, 48,2 %
en Grande-Bretagne, 41,9 % aux États-Unis. Seuls quelques pays d'Europe
du Nord (Pays-Bas, Norvège, Danemark) et quelques pays d'Europe de
l'Est (héritage du communisme) comptent des classes moyennes plus
peuplées que chez nous.
Comment expliquer cette singularité ? Principalement par des
politiques sociales de redistribution des revenus plus ambitieuses
qu'ailleurs. Les classes moyennes sont les enfants des systèmes de
Sécurité sociale et de prélèvements fiscaux élevés. Elles sont aussi le
reflet de systèmes politiques plus consensuels, avec de fréquentes
coalitions au pouvoir. Sauf en France ! Nous faisons exception à cet
égard, avec un système politique très majoritaire où gauche et droite ne
s'allient guère, comme en Angleterre et aux États-Unis.
Depuis trente ans
Ces classes moyennes, si massives chez nous, ont-elles bien défendu
leur niveau de vie au cours des années de turbulences économiques que
nous connaissons depuis trente ans ? Quand on interroge les membres de
cette catégorie sociale, ils répondent souvent « non » à cette question.
Les chiffres donnent des résultats beaucoup plus nuancés. Depuis trente
ans, le niveau de vie des classes moyennes françaises a progressé d'un
peu plus de 1 % par an, ce qui est loin d'être négligeable. Mais il est
vrai que c'est moins que la progression du niveau de vie aux extrêmes
des classes sociales : la progression a été de 1,4 % par an chez les
plus riches (plus de 5 240 € par mois pour une famille de deux enfants)
et de 1,3 % chez les plus pauvres (moins de 2 440 € par mois).
Il est donc vrai que l'essor du libéralisme économique, parti des
pays anglo-saxons, a davantage profité aux catégories sociales les plus
aisées ; mais aussi aux plus pauvres, grâce précisément à la
redistribution par l'intermédiaire de la Sécurité sociale et de la
fiscalité.
Pour autant, en France, les classes moyennes n'ont pas reculé, en
pourcentage de la population totale, au cours des trente dernières
années, contrairement à ce que l'on observe dans d'autres pays
développés. Le sentiment qu'elles peuvent ressentir d'être moins à
l'aise aujourd'hui qu'hier tient pour beaucoup au changement profond
intervenu dans leur mode de consommation. La partie « contrainte » des
budgets familiaux, c'est-à-dire la partie sur laquelle les familles
n'ont pas le sentiment de pouvoir agir, a littéralement « explosé ».
C'est surtout vrai pour le logement, la voiture et les communications.
Oserait-on le dire ?
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