Juste avant de tuer, de torturer, de violer, ils étaient les plus ordinaires des hommes. Les circonstances, leur soumission aux ordres, leur fanatisme, les ont transformés en monstres. Ils ont évacué toute commisération, ils ont nié toute considération morale au nom d'une cause suprême qui justifiait les atrocités commises.
Des historiens, des philosophes, des écrivains, des artistes, ont tenté de comprendre ce qui a fait d'hommes normaux à la vie banale des monstres. On connaît mieux aujour-d'hui les mécanismes qui ont rendu possibles les phénomènes totalitaires et les dérives terroristes.
La société, en se retournant ainsi vers les heures sombres d'un passé qui n'en manque pas, construit une conscience universelle, propose des valeurs communes, nourrit un code de bonne conduite collective, apaise les tensions en les identifiant, démine les conflits par le débat.
Le même travail d'analyse s'appliquant aux horreurs contemporaines est plus difficile à mener parce que les phénomènes, trop proches, sont encore flous.
Et quand certains prennent le temps de l'observation patiente et objective, on ne les entend pas. On leur prête l'intention de chercher à comprendre pour mieux justifier.
La dernière livraison de la revue Le Débat prend le temps de présenter le travail d'un grand connaisseur de l'Islam et du monde arabe contemporain. Dans Quatre-vingt-treize, Gilles Kepel a pris le temps de déchiffrer l'islam en France à partir de la Seine-Saint-Denis où vivent quatre cent mille personnes de confession musulmane.
Il démontre qu'il est possible de regarder cette réalité-là en face, sans peur et sans préjugés.
Il est même très nécessaire de le faire. Le titre Quatre-vingt-treize désigne le département mais fait aussi référence au livre de Victor Hugo, qui traite de la Révolution française version Terreur.
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