Plus de 3400 femmes ont accepté de répondre à un long questionnaire sur leur sexualité. Les résultats détaillés et surtout l'analyse du Dr Brenot, psychiatre, sexologue et anthropologue, sont réunis dans un livre qui sort le 29 mars (édition Les arènes). Certains chiffres attirent l'attention mais les commentaires ouverts n'en sont pas moins intéressants. Le Dr Brenot note d'ailleurs que «bien qu'elle soit très intime, la confession des fantasmes est aujourd'hui étonnamment facile pour beaucoup d'hommes et de femmes».
Signalons tout de suite une limite à laquelle les scientifiques sont familiers: en théorie, il faut se garder de toute extrapolation. Ces résultats concernent des femmes forcément hétérosexuelles et en couple (il s'agissait de deux conditions impératives pour participer à l'enquête) mais aussi volontaires pour passer près d'une heure à répondre bénévolement à des questions indiscrètes. Dès lors, on s'étonne moins de certains résultats a priori surprenants, comme le fait qu'une participante sur cinq (19 %) ait déjà ressenti un orgasme uniquement par stimulation de l'imagination ou qu'une sur trois (33 %) ait connu des orgasmes fontaine (avec émission de liquide), des aptitudes habituellement plutôt rares.
L'orgasme, mauvais indice de satisfaction
Considérons donc qu'il s'agit de femmes motivées et intéressées par la sexualité. Autre précaution: se garder de piocher les chiffres un par un car on risquerait d'en tirer des conclusions hâtives. Par exemple: imaginer qu'une femme sur trois n'est pas épanouie sexuellement puisqu'elles ne sont que trois sur quatre à avoir régulièrement des orgasmes lors du rapport sexuel (17 % toujours et 56 % souvent). En réalité, on s'aperçoit que si certaines femmes placent la barre très haut (une sur trois juge par exemple très important que le partenaire jouisse en même temps qu'elle), d'autres sont beaucoup moins centrées sur l'orgasme: une sur quatre estime peu important (23 %) ou pas important du tout (3 %) d'en avoir un lors du rapport. Il n'empêche que la moitié des femmes interrogées dit avoir déjà simulé l'orgasme.Philippe Brenot ne s'y trompe pas qui dénonce une nouvelle fois cette injonction à jouir. «Malgré les injonctions et les mises en garde de toutes parts, le culte de la performance s'est insidieusement mis en place, au point qu'aujourd'hui, on a même plus besoin de prononcer le mot (performance) pour que chacun sache qu'elle est requise», estime-t-il. Et le sexologue de conclure: «Non, il n'y a pas de modèle idéal en matière de sexualité ; non, votre sexualité n'est pas anormale ; non, vous n'êtes pas astreinte à jouir quotidiennement ; non, l'orgasme n'est pas un but obligatoire de l'intimité entre deux personnes, les jouissances sont multiples et l'épanouissement mutuel passe par la reconnaissance du partenaire et de sa manière de vivre l'intimité quelle qu'elle soit, orgasmique ou non. C'est ainsi que la sexualité peut être épanouissante.»
Des résultats étonnants
En définitif, mais c'est aussi le but d'une enquête, bon nombre de résultats, qui vont un peu à l'encontre des idées reçues, ouvrent des pistes à creuser. Ainsi, la moitié des femmes pensent que sexe et sentiments ne sont pas forcément liés (l'année dernière on avait à l'inverse découvert dans l'enquête similaire menée chez les hommes que la moitié pensaient que le sexe et les sentiments étaient forcément liés!), en dépit d'un principe souvent enseigné dans l'éducation sexuelle, en particulier des petites filles, selon lequel c'est l'amour qui autorise la sexualité. Plus de la moitié des femmes ne trouvent pas leur sexe «beau et désirable», or des recherches ont montré le poids d'une mauvaise image du corps dans les troubles sexuels. Mais l'enquête ne permet pas d'en savoir plus sur les autres relations qu'entretiennent ces femmes avec leur corps. Font-elles par exemple partie des 44 % de femmes qui se disent stimulées par la pornographie (70 % le sont par l'érotisme), ou des 67 % qui se jugent néanmoins sensuelles?Les femmes, le sexe et l'amour ouvrent des portes que personne n'avait osé pousser. A chacun de savoir s'il a envie de regarder derrière.
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