jeudi 9 février 2012
Faites entrer les accusés
Cette Cour-là est sans pitié et pourtant respectée. Peut-être parce que sa sentence n’a pas de conséquence. Elle ne dit pas le droit, elle fait les comptes. Et chaque année, elle égrène son boulier, redoutable addition de gaspillages d’autant plus difficiles à excuser que l’argent public vaut de plus en plus cher.
Cette fois, pourtant, ses célèbres anecdotes tintent comme des histoires dérisoires dans le fracas d’un jugement qui sonne le glas des dernières illusions de l’élite politique du pays. Le rapport n’aligne pas seulement 1 600 pages de sombres nombres, il dessine une ligne d’horizon étriquée qui laisse peu d’espace, bien peu d’espace, si peu d’espace, aux compétiteurs de la présidentielle. À la lecture d’une telle somme, il leur faudra un haut degré de mental pour s’élever au-dessus des calculs implacables : comment oser les trajectoires de l’imaginaire qui projetteraient la nation vers l’avant quand la crise la retient plus que jamais dans ses rets.
L’intérêt d’un tel texte, c’est qu’il échappe aux dédales contingents du pouvoir dont il visite les travers sans complaisance, et sans politesse particulière. Le politiquement correct est décapé à tous les coins de paragraphe laissant apparaître la vérité toute nue d’une France qui parvient de plus en plus difficilement à cacher ses blessures sous sa superbe.
Les enjeux de 2012 s’imposent de la même façon à tous les prétendants, invalidant par avance les accusations rustiques et les défenses rudimentaires comme si la Cour leur disait : assez d’enfantillages les enfants ! Le gouvernement est crédité d’efforts incontestables mais largement insuffisants pour espérer réduire sensiblement le déficit public. Les conquérants de la gauche sont prévenus : ils ne pourront pas promettre l’impossible à moins de défier le réel. Les uns et les autres n’ont qu’à bien se tenir. L’autosatisfaction des uns et les fausses illusions des autres sont renvoyées dos à dos. Faites entrer les accusés ?
Président de cette Cour des comptes non élue, Philippe Séguin répétait souvent d’un ton fataliste que la politique était l’art de gérer l’impuissance. Issu du PS et placé là par la grâce pluraliste respectable d’un omniprésident UMP, son successeur, Didier Migaud affiche à son tour et dans un autre style une distance qui invite la République au sursaut, et ses élus à un détachement salutaire. Sauront-ils inventer une pratique à la hauteur de ce que leur impose l’inconnu ?
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