La hausse de l’impôt sur le revenu ? Pour ceux qui gagnent plus de 150 000 euros par an. Le rétablissement des anciens taux de l’ISF ? Oui mais pas de retour en arrière sur le relèvement du seuil d’imposition à 1,3 million. Le seuil d’exonération des droits de succession abaissé de 150 000 à 100 000 euros ? Certes, mais avec maintien de l’exonération du conjoint survivant. Le plafonnement du quotient familial ? Seuls les revenus au-dessus de 8 000 euros par mois seraient affectés par la mesure.
Bref tout est fait pour que le plus grand nombre puisse s’identifier à ce concept flou de classes moyennes et se dire que les 30 milliards d’impôts nouveaux qu’implique le programme du candidat socialiste ne les concernent pas.
Les hausses d’impôt pour les autres, qui est contre ? Surtout s’il s’agit des riches, catégorie dans laquelle peu de Français se classent spontanément. Soi-disant épargnés, ils doivent se réjouir du contraste avec la kyrielle de prélèvements supplémentaires que nous ont valu les plans de rigueur de l’an dernier ! Prélèvements sur lesquels François Hollande ne compte pourtant pas revenir en dépit de sa condamnation du bilan de l’actuel quinquennat.
D’ailleurs, les principales nouveautés fiscales ne concernent-elles pas surtout les entreprises (17,2 milliards contre 11,8 pour les ménages) ? Et surtout les très grandes entreprises dont l’impôt sur les sociétés sera porté à 35 %, tandis que pour les petites et moyennes il sera ramené à 30 % et pour les très petites à 15 % (un taux qui existe déjà pour les TPE). La taxation des banques et des compagnies pétrolières frappe des catégories d’entreprises qui ont mauvaise presse.
Les PME seront la priorité du candidat qui les chouchoutera : pour elles, le plafond du Livret de développement durable sera doublé et elles auront plus facilement accès au crédit d’impôt recherche qui, finalement, n’est pas remis en question. Classes moyennes et entreprises moyennes du pays, unissez-vous pour voter Hollande, le candidat du Livret A (dont il veut aussi doubler le plafond pour financer le logement) et du “livret d’épargne industrie” face à Sarkozy, candidat du Cac 40 ! Il doit être bien entendu que l’argent auquel s’attaquera la gauche, ce sera l’argent des autres, pas le vôtre.
Les Français pourront-ils vraiment épargner pour doubler leurs avoirs sur livret, dont la rémunération sera augmentée (avec quel argent) pour être supérieure à l’inflation ? On peut en douter. Car il faudra bien trouver quelque part les 100 milliards nécessaires pour ramener le déficit budgétaire à zéro en 2017 comme François Hollande le promet, tout en engageant au moins 20 milliards de dépenses nouvelles. Même avec 30 milliards d’euros d’impôts nouveaux, le compte n’est pas bon, comme l’a dit Alain Juppé face à François Hollande sur France 2. Celui-ci ne prévoit pas de réductions de dépenses : la révision générale des politiques publiques (RGPP) sera abandonnée, de même que le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Pire, 65 000 nouveaux fonctionnaires seront recrutés, pour l’essentiel dans l’enseignement, mais aussi dans la police, la gendarmerie et la justice. Par un mystérieux tour de passe-passe, ce recrutement se ferait à effectif constant. Sera-ce au prix d’une réduction massive des personnels des armées ? Mais celui qui espère devenir leur chef assure qu’il veillera à ce que ces dernières « disposent des moyens de leur mission et d’une organisation performante » (soixantième proposition de son programme).
Pour faire la différence, François Hollande mise sur la croissance, sans laquelle rien ne sera possible quelque soit le futur président de la République. Sur ce point il a sûrement raison. Reste à savoir si les mesures qu’il propose seront de nature à la stimuler.
L’un des principaux freins à la croissance en France est, de l’avis de nombreux experts, un handicap de compétitivité en raison de l’excès de charges qui pèsent sur les entreprises et les particuliers. Or que propose François Hollande ? D’augmenter le taux de l’impôt des grandes entreprises alors que, rappelle le Medef, celui-ci est déjà supérieur de 3,4 points à celui de l’Allemagne. Il relève leur cotisation retraite de 0,1 %, de même que celle de tous les salariés, pour financer le retour à la retraite à 60 ans pour ceux d’entre eux qui ont cotisé toutes leurs annuités. Il plafonne la déductibilité des intérêts d’emprunt des grands groupes, assujettit l’épargne salariale aux cotisations sociales, supprime l’exonération des heures supplémentaires. Toutes mesures qui alourdissent les charges des entreprises, mais aussi des salariés qui ne sont pas toujours riches, notamment ceux qui font des heures supplémentaires.
En créant un taux d’impôt différencié entre grandes entreprises et PME, François Hollande prend le risque d’accélérer la délocalisation des sièges sociaux des grands groupes et, à terme, la perte du contrôle français sur ces grands noms de l’industrie mon diale qui font encore la force économique du pays et réalisent l’essentiel de nos exportations. Il crée un nouvel effet de seuil alors que la France souffre des barrières qui empêchent ses entreprises de grandir.
Quant aux banques, accusées de ne pas faire leur travail de financement des entreprises, François Hollande propose de les éclater pour séparer les activités de marché des autres activités. Surtaxées et affaiblies au moment où elles doivent renforcer leurs fonds propres en application de la règle de Bâle III, il est douteux qu’elles puissent financer davantage la croissance. Paradoxalement, en affaiblissant les banques françaises, le candidat socialiste encourage la finance anglo-saxonne et les fonds d’investissement, ses adversaires sans visage qu’il dit vouloir combattre. Car il faudra bien que nos entreprises aillent chercher sur les marchés les financements que les banques françaises ne pourront plus leur procurer.
La croissance ne suffira pas pour combler les déficits
Autre obstacle à une reprise de l’activité en France, l’incertitude sur la résolution de la crise européenne. François Hollande, en annonçant qu’il entend renégocier le futur pacte fiscal que s’apprêtent à conclure les États membres de l’Union européenne (à l’exception du Royaume-Uni), ajoute un facteur d’incertitude peu favorable à la reprise. C’est sans doute la raison pour laquelle il prévoyait pour 2012 et 2013 une croissance inférieure aux prévisions du gouvernement, avant que celui-ci ne les révise à la baisse lundi dernier.
Ce n’est donc pas du côté d’un surcroît de croissance qu’il faudra attendre, à court terme, le surplus de recettes nécessaires pour financer les 60 000 nouveaux professeurs, les 150 000 emplois d’avenir, les aides à la réindustrialisation (tout en fermant une usine qui fonctionne, la centrale nucléaire de Fessenheim), la retraite à 60 ans et les autres douceurs promises aux électeurs. Comme l’a dit François Bayrou sur Radio classique, « cela veut dire que les socialistes ont fait une croix sur le retour à l’équilibre simplement pour proposer au pays des mesures agréables que d’ailleurs on ne respectera pas ».
À moins que la clé du financement se trouve dans cette grande réforme fiscale « permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu » (proposition numéro 14 du programme). Ce qui signifierait un prélèvement à la source, nouvelle charge pour les entreprises, facilement modifiable au gré de la conjoncture, et une CSG qui, de proportionnelle deviendrait progressive. Si tel était le cas, la prétention de François Hollande à vouloir protéger les classes moyennes s’apparenterait à la tactique du Grand Méchant Loup vis-à-vis du Petit Chaperon rouge pour mieux le dévorer. David Victoroff
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