Et si l’Allemagne à son tour faisait défaut en pleine tourmente financière, en réduisant à néant les plans de sauvetage laborieusement établis pour la Grèce et les autres pays en difficulté, jusqu’à refuser le Fonds européen de stabilité (FESF) ? Non pour des raisons économiques: notre voisin reste de loin le meilleur élève de la classe européenne. Mais par malaise politique proche de la crise gouvernementale.
D’abord, il y a eu l’admonestation du président fédéral Wulff dénonçant la Banque centrale de Francfort qui outrepasserait son mandat et renierait son indépendance en rachetant les obligations des sinistrés de la zone euro... avec l’aval tacite du gouvernement Merkel. Des critiques inattendues de la part d’un personnage normalement réduit aux fonctions protocolaires, chrétien-démocrate de surcroît. Mais elles reflètent une opinion largement partagée outre-Rhin: l’Allemagne payerait pour les autres, dans une zone euro qui se transformerait en «union de transfert», contrairement au traité de Lisbonne, contrairement aux textes fondateurs de la monnaie unique. D’où plusieurs requêtes déposées auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Elle doit commencer à se prononcer en novembre, laissant planer une épée de Damoclès sur tout le système politique : voir s’installer un «gouvernement des juges».
A cette inconnue s’ajoute la grogne de nombreux députés CDU/CSU-FDP. La chancelière prendrait de plus en plus d’engagements, encore le 16 août à Paris auprès de Nicolas Sarkozy, sans le Bundestag. Or l’Allemagne est une pure démocratie parlementaire où le poids de l’assemblée fédérale pèse lourd. Cette grogne pourrait déjà se manifester fin septembre, lors du vote sur le fameux FESF...
Plus inattendue était la volée de bois vert administrée par l’ancien chancelier Helmut Kohl à celle qu’il appelait sa «gamine». Il a fallu que cet octogénaire en ait vraiment gros sur le cœur pour sortir de sa réserve ! Helmut Kohl reproche à la chancelière son manque de solidarité européenne («elle casse mon Europe») et au gouvernement actuel de naviguer «sans boussole», en citant aussi les sacrifices que lui a su consentir pour la réunification allemande. Et en vilipendant la politique étrangère de Berlin qui dans l’affaire libyenne s’est désolidarisée de Paris et de Washington, les alliés traditionnels de l’Allemagne.
Evidemment, pour l’opposition SPD-Grünen portée par les sondages, cette polémique est pain bénit. Bien que le SPD accuse à son tour Angela Merkel de «trahir l’héritage de Konrad Adenauer et de Willy Brandt», l’idée d’une «grande coalition» n’est plus à exclure, au cas où la chancelière se débarrasserait de son insignifiant allié libéral (lire ci-dessous). Les sociaux-démocrates plaident pour une Europe – et une zone euro – plus solidaire et ne rejettent pas, pour sortir de la crise des dettes, les «euro-obligations» honnies par le FDP et les ultras du camp chrétien-démocrate.
Mais Angela Merkel qui a toujours su écarter ses rivaux et mettre au pas ses grognards n’a pas dit son dernier mot. On verra lors de la prochaine plénière du Bundestag. En attendant, l’ambiance reste électrique...
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