TOUT EST DIT

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jeudi 18 août 2011

DSK et BHL, la gauche dénaturée qui plombe le PS

Comment des hommes se proclamant ouvertement de « gauche » peuvent-ils afficher aussi ostensiblement leur immense fortune et leurs positions atlantistes ?, s'interroge Daniel Salvatore Schiffer*qui conseille au PS de moins exhiber Dominique Strauss-Kahn et Bernard-Henri Lévy s'il veut vraiment gagner... 

 

L’affaire DSK ne connaît décidément pas de trêve. Au contraire : entre l’offensive médiatique de Nafissatou Diallo, à New York, et la récente plainte de Tristane Banon, à Paris, elle continue, malgré les vacances, à agiter, aux quatre coins de la planète, le monde politico-judiciaire. Bref : c’est, encore et toujours, le feuilleton de l’été !

Certes ai-je moi-même contribué à alimenter ce débat puisque j’ai pris dès le départ, avec trois articles publiés successivement dans la presse française et internationale, la défense (tout en disant ma compassion, sans rien préjuger du procès à venir, pour la victime présumée) de Dominique Strauss-Kahn. Et ce, au nom d’un principe censé être universel au regard des droits de l’homme : la présomption d’innocence et, partant, le refus de voir un être humain, quel qu’il soit (y compris mon pire ennemi), voué, avant même qu’il ne soit jugé par un tribunal digne de ce nom, aux gémonies.

Car DSK, en ce qui me concerne, je ne le connais pas, ni de près ni de loin. Je ne l’ai jamais rencontré, ni même simplement croisé. C’est dire que les raisons pour lesquelles j’ai plaidé en sa faveur sont diamétralement opposées, en la circonstance, à celles, par exemple, d’un Bernard-Henri Lévy puisque c’est un argument aussi subjectif que celui d’une amitié de longue date qu’il invoqua, en premier lieu, pour le défendre. Et, de fait : qui peut prétendre suffisamment connaître une personne pour pouvoir a priori garantir, à son endroit, toute innocence ? Pas même une mère ou un père vis-à-vis de son fils ou de sa fille, surtout lorsque l’on sait à quel point l’amour peut parfois, comme le dit l’adage, rendre aveugle !

Cette complexité inhérente au tréfonds de l’âme humaine, c’est un de nos plus insignes poètes, Charles Baudelaire, qui, en fin psychologue qu’il était également, l’a repéra avec le plus de netteté au sein de la littérature : « Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre. », observe-t-il dans « Mon cœur mis à nu ».

Certes pourra-t-on reconnaître en cette foncière ambivalence, intrinsèque à tout être intelligent, la dynamique du parcours existentiel, depuis les ors des palais de la République jusqu’à sa déchéance dans la cellule de Rikers Island, de DSK lui-même. Mais ce n’est pas sur ce point, bien qu’il soit essentiel pour comprendre (je n’ai pas dit « justifier ») le comportement souvent contradictoire des humains, que je souhaiterais concentrer, pour l’heure, mon analyse. Car c’est un autre élément qui, malgré ce fait (que je ne regrette en rien) que j’ai pris publiquement la défense de ce même DSK, ne cesse, en l’occurrence, de tarauder ma conscience d’homme libre et, surtout, prônant l’honnêteté intellectuelle, autant que faire se peut, en ses combats.

Bhl chez Fog sur Dsk (20 mai 2011) par BernardHL
Cet élément, le social-démocrate que je me targue d’être pourrait le formuler, sous forme d’interrogation, de la manière suivante : comment des hommes se proclamant ouvertement de « gauche », tels DSK et BHL précisément, peuvent-ils afficher aussi ostensiblement, sans égard ni respect pour les millions de pauvres habitant cette terre, leur immense fortune ?

Certes n’est-il pas interdit à un riche de se vouloir « socialiste ». Mais à tout le moins peut-on lui demander, dans ce cas de figure, qu’il fasse preuve, sinon d’une réelle sensibilité, du moins d’une certaine décence… Ce qui, en effet, est loin d’être le cas, par leur constant et flagrant manque de tact, pour nos deux éminents représentants du socialisme à la française.

Mais, surtout, c’est là, de la part de DSK, un étonnant manque de sens politique, plus encore que d’élégance morale, en ce moment particulièrement stratégique où les projecteurs du monde entier se trouvent braqués sur lui, et, soit dit en passant, son admirable épouse, Anne Sinclair (hommage lui soit ici rendu pour son dévouement, confinant là à l’abnégation, à son mari). Et puis, l’argent, c’est un peu comme la culture : le simple savoir-vivre, qualité apparemment rare chez les nouveaux riches, veut que l’on ne l’étale point. Question de style, plus encore que de discrétion !

Davantage, et sans vouloir verser ici en un manichéisme de mauvais aloi, que j’ai par ailleurs toujours stigmatisé : comment concilier, sans contradiction aucune, les valeurs de la gauche sociale avec les symboles de la droite capitaliste ? Et je ne parlerais même pas ici de « gauche caviar », ni de « gauche tarama »… encore moins de « gauche tartufe », pour reprendre une expression due, tout récemment, à l’onéreux plat de pâtes que DSK s’en alla s’offrir sans vergogne, dès sa sortie de prison, dans un des restaurants les plus huppés, inaccessibles pour le commun des mortels, de Manhattan : comme quoi, si l’argent n’a pas d’odeur, le cynisme, lui, n’a pas de couleur, pas même politique ! Ce fut même là, sans vouloir faire ici d’inopportuns jeux de mots, une évidente faute de goût…

Car c’est bien là ce qu’incarnent aujourd’hui, hélas pour la gauche française, deux des fleurons de l’actuel PS : Dominique Strauss-Kahn, jusqu’à peu directeur général du FMI (Fonds Monétaire International), et Pascal Lamy, aujourd’hui directeur général de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Ils furent même, pis encore, tous deux propulsés à ces prestigieux postes de commande, apparemment très enviés par les pays les plus puissants sur le plan économique, par deux présidents, français eux aussi, résolument de droite : Jacques Chirac, en 2005, pour Lamy, et Nicolas Sarkozy, en 2007, pour Strauss-Kahn.

Aussi, en de telles conditions, qu’a de véritablement en commun un DSK avec Jaurès, un BHL avec Blum, ou un Lamy avec Mendès-France et même, à la limite, Mitterrand ?

Et puis, comment expliquer, encore, que ces hommes réputés de gauche, fût-elle rose plus que rouge, finissent toujours par s’aligner unilatéralement, en cas de conflit, sur les positions atlantistes, y compris lorsqu’elles ne sont pas votées par l’ONU (comme ce fut le cas, au Kosovo, lors de la guerre en ex-Yougoslavie), lorsque l’on sait que l’OTAN ne s’avère, la plupart du temps, que le bras armé des USA, nation championne, toutes catégories confondues, du mercantilisme le plus sauvage  ?

Ainsi, ces tenants de la nouvelle oligarchie des temps modernes, loin d’être la conscience critique de ce système qu’ils nous disent combattre, n’en sont-ils plus, par leur outrecuidant pouvoir financier, que les hypocrites mais sûrs chiens de garde. 

BHL et DSK ensemble, c’est un immense gâchis intellectuel, qui représente, à lui tout seul, le discrédit d’une bonne part des élites françaises : plus qu’une nouvelle « trahison des clercs », pour reprendre l’heureuse et célèbre formule de Julien Benda, c’est le détournement des valeurs mêmes de la gauche… raison pour laquelle le peuple s’en détourne, précisément, de plus en plus, pour se tourner alors - c’est là son effet le plus tragiquement pervers - vers la droite, et même extrême, hélas !

Mais, à ce type d’antinomie politico-idéologique, il est une explication qui, pour affligeante qu’elle soit, n’en demeure pas moins évidente. Je la livre, ici, au lecteur.

Vercors, grand écrivain français qui emprunta ce pseudonyme (Jean Bruller était son vrai nom) en hommage aux Résistants qui peuplaient, durant la Seconde Guerre mondiale, ce massif montagneux, publia un roman, « Les animaux dénaturés », qui, lorsqu’il parut, en 1952, laissa peu de lettrés indifférents au thème, philosophico-anthropologique celui-là, qu’il abordait : la définition de l’être humain. Ainsi, tachant de faire preuve, à notre tour, d’une identique rigueur intellectuelle et honnêteté morale, est-ce la nature du socialisme français, sinon européen, qu’il conviendrait très certainement d’interroger, aujourd’hui, en son ensemble… à moins, pour paraphraser ici le titre de ce livre culte justement, que les DSK, BHL, Lamy et Cie, ne soient, quant à eux, que des « socialistes dénaturés », sinon encore tout à fait pervertis (au strict sens étymologique, et non certes moral, du terme) !

Ces « animaux dénaturés » de Vercors connurent d’ailleurs, par la suite, une adaptation théâtrale non dénuée, elle non plus, de succès populaire (qui ne signifie pas, la nuance tant conceptuelle que sémantique est importante, « populiste ») : « Zoo, ou l’assassin philanthrope », avait-elle pour emblématique et surtout, au vu de l’engagement guerrier de BHL et des victimes collatérales de l’OTAN, ironique titre…

Conclusion ? Je conseille vivement au PS français de moins s’exhiber de façon aussi éhontée, dorénavant, avec ces histrions pour lesquels les masses n’éprouvent qu’une compréhensible méfiance, sinon mépris, et surtout de se diriger un peu plus courageusement vers sa gauche, s’il veut véritablement gagner - ce que je lui souhaite très sincèrement - les prochaines élections présidentielles.


Daniel Salvatore Schiffer est philosophe, écrivain et auteur de « Grandeur et misère des intellectuels - Histoire critique de l’intelligentsia du XXe siècle » (Ed. du Rocher), « La Philosophie d’Emmanuel Levinas » (PUF) et « Critique de la déraison pure - La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (Bourin Editeur).

2 commentaires:

Anonyme a dit…

ton blog est intéressant
cependant, ce penchant à toujours ramener le pouvoir à la justice entre "" au juge d'instruction me révolte....

je m'explique...
si un putain de pédophile viole ma fille, le juge peut l'acquitter faute de preuves, je le bute moi-même, et ça ne changera rien à sa culpabilité.
en gros, il peut même être disculpé, grâce à son fric ou à son pouvoir, et même par hasard, qu'il soit jugé innocent par le jury m'importe peu.

ce qui compte c'est la vérité, pas leur jugement à la con, et encore moins leurs préliminaires etc

droit de l'homme mon cul
si un pédophile viole tes enfants on verra si tu parles encore des droits de l'homme ou si tu ouvres les yeux sur les droits des enfants
les victimes ont des droits, et les criminels ont des devoirs.
mmême si il y a eu extrapolation ou piège, le fait est que son sperme a été trouvé sur elle, alors moi je dis, si je trouve du sperme dans la bouche à ma fille, je bute le fils de pute qui a osé lui craché dessus sa merde.

le quotidien a dit…

JE COMPRENDS votre position elle est tout à fait estimable, moi-même suis souvent un peu dérangé par ces discours convenus et le traitement particulier des politiques vis à vis de la justice.
Que ce soit DSK, CHIRAC? PASQUA et les autres, ils sont aussi justiciables que les autres sinon même plus !