À la veille du sommet des chefs d'États européens, Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel négociaient, mercredi à Berlin, un consensus sur l'aide à la Grèce.
Après avoir soufflé le chaud et le froid ces derniers jours, la chancelière allemande s'est dite mercredi «très confiante» quant aux chances d'obtenir de «bons résultats» lors de la réunion extraordinaire des dirigeants des pays de l'Union monétaire prévue ce jeudi. Ces signaux rassurants ont été émis quelques heures avant l'arrivée à Berlin du président français, en fin de journée pour une séance de travail et un dîner à la Chancellerie. «Les marchés ont besoin d'un nouveau 14 octobre 2008, quand les chefs d'État avaient affirmé qu'ils ne laisseraient faire aucune faillite bancaire», résume un conseiller présidentiel, en établissant un parallèle avec le risque de «défaut» de la Grèce, qu'il faut à ses yeux éviter à tout prix. Une position à laquelle il semblait mercredi très difficile de rallier Angela Merkel.
Cette dernière a prévenu dès mardi qu'il ne fallait pas s'attendre à une «issue spectaculaire» du sommet de Bruxelles. Un point de vue qui, pour une fois, n'a pas contrarié l'Élysée : «Merkel a raison de ne pas vouloir survendre Bruxelles, cela crée des attentes qui sont souvent déçues», tranche un proche du président. En revanche, Berlin peinait à digérer une indiscrétion rapportée par le Canard Enchaîné, selon laquelle le président français aurait déploré le «manque de solidarité» de l'Allemagne, affirme la presse allemande. «L'égoïsme allemand est criminel. Il prolonge la crise», aurait-il dit.
Mercredi soir, le président de la banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a rejoint les discussions, qui devaient se poursuivre tard dans la nuit, pour tenter de parvenir à un compromis suffisant pour rassurer les marchés.
«Union de transferts»
Vendredi, les Vingt-Sept chercheront en effet avant tout à ficeler un accord sur le sauvetage de la Grèce. Et Nicolas Sarkozy devait mercredi tenter de convaincre son homologue de surmonter les réticences de ses partenaires de coalition libéraux et des faucons de la CDU.Au-delà, l'enjeu du marathon de ces dernières heures est de parvenir à donner des gages supplémentaires d'union au sein de la zone euro. Dans le cadre du plan grec, mais aussi de façon plus générale, les négociations sur un éventuel élargissement des possibilités d'utilisation du Fonds européen de stabilité financière (FESF) sont à cet égard cruciales. Le FESF est aujourd'hui l'outil européen par excellence, qui mutualise les ressources de tous les pays de la zone et formalise leur solidarité. Jusqu'à présent Berlin s'opposait fermement à ce qu'il fasse autre chose que des prêts directs à un pays engagé dans un programme d'aide UE-FMI. Depuis quelques jours, des missions bien plus ambitieuses sont envisagées (lire ci-dessous). L'Allemagne reste divisée sur l'opportunité de donner à une institution européenne le pouvoir d'engager sans contrôle la signature du Trésor allemand.
Certains patrons de Länder (régions) comme le ministre -président conservateur de la Hesse, Volker Bouffier, mettent en garde contre tout excès de solidarité, jugeant qu'il ne doit pas y avoir d'«automatisme». La Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui examine en ce moment même le premier plan d'aide à la Grèce, pourrait aussi mettre un coup d'arrêt à tout ce qui pourrait créer une «union de transferts» en Europe, du contribuable allemand vers des pays en difficulté.
Selon les médias allemands cependant, plusieurs ténors de la direction de la CDU réclament un changement radical dans la gestion de la crise de l'euro. Helmut Kohl, le chancelier de la réunification et père de l'Union monétaire, se serait selon Der Spiegel récemment désolé en privé : «Angela Merkel est en train de me saccager mon Europe.» À la CDU, certains appelleraient désormais la chancelière à ouvrir la voie à une union de transferts dans laquelle les États membres de la zone euro garantiraient mutuellement leurs dettes. Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances, aurait par ailleurs estimé que l'urgence de la situation est telle que «tous les outils doivent désormais être étudiés, sans tabou».
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