Depuis de Gaulle au balcon de l’Hôtel de ville, en 1967, l’air de Montréal est décidément une source inépuisable d’inspiration pour notre personnel politique hexagonal. En y promettant de changer le nom du ministère des affaires étrangères s’il était élu à la présidence de la République, Jean-Louis Borloo a fait un pas original dans sa course lente vers l’Elysée. Quelle meilleure garantie de sa détermination à concourir pouvait-il offrir que cette profession de foi touchant à un domaine réservé du chef de l’Etat ?
On ne l’attendait guère sur ce territoire-là, diplomatique, où sa figure peu conformiste devra trouver sa place si le chef du Parti radical veut acquérir la fameuse et insaisissable «dimension présidentielle» qui lui manquerait encore. Borloo, on le sait, faillit être arrimé au quai d’Orsay en novembre dernier quand Nicolas Sarkozy voulut l’empêcher, sans succès, de prendre le large. Il préféra, en effet, mettre tout de suite le cap sur 2012, mais ce romantique n’a pas perdu de vue la symbolique de la prestigieuse maison.
Le candidat présumé veut en faire la figure de proue d’une France ouverte sur le monde. Au troisième millénaire, les affaires de la planète ne sauraient être «étrangères» à un pays et à un peuple dont la vocation universaliste se confond avec son identité depuis le siècle des lumières et la Révolution. Si le message n’a rien d’étonnant dans la bouche d’un défenseur de l’environnement, qui ne peut penser qu’à l’échelle planétaire, il détonne dans le climat politique frileux de 2011. Quand l’UMP ne cesse d’envoyer des signaux de repli à une nation transie, son ancien allié l’invite au contraire à croire en elle-même pour affronter la mondialisation avec générosité, et avec une ardeur... gaulliste.
Si on les a bien entendus tous les deux, M. Borloo doit beaucoup souffrir en écoutant M. Guéant, défenseur inlassable d’une forteresse France qui serait assiégée par l’étranger. Le ministre le plus proche de Nicolas Sarkozy ne serait pas loin de la voir rongée de l’intérieur par l’immigration - contre laquelle il faudrait la protéger à tout prix - confortant ainsi les thèses de la droite «populaire» du parti présidentiel. A tel point que la proposition d’interdire la binationalité présentée par Marine Le Pen semble trouver aujourd’hui un écho favorable jusque dans l’oreille de Jean-François Copé quand hier elle aurait été jugée marginale, sinon régressive, en tout cas injustement stigmatisante pour quatre millions de Français, dans l’ancienne famille politique de Jacques Chirac.
Jean-Louis Borloo, qui se présente aussi en héritier de la bienveillance radicale de l’ancien président, était resté bien silencieux après le discours de Grenoble, mais n’en pensait pas moins. Libéré, il semble maintenant décidé à marquer sa différence sur ce terrain sensible.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire