La défaite des régionales et l'incapacité pour le moment du chef de l'Etat à reprendre la main ont libéré la parole des élus UMP, qui, à vingt-quatre mois de la présidentielle, se défient de plus en plus de Nicolas Sarkozy. Certains militent même ouvertement pour qu'un autre que lui soit candidat en 2012. Quatre outsiders se détachent.
Il y a quelques jours, le sénateur UMP Alain Lambert a ouvert une brèche : « Nicolas Sarkozy n'est pas en situation de faire gagner nos idées en 2012 », a-t-il asséné, critiquant « les méthodes » du chef de l'Etat « qui nous entraînent tout droit dans l'abîme ». L'ancien ministre du Budget n'est pas isolé : il a dit tout haut ce que nombre de parlementaires UMP susurrent sous couvert d'anonymat depuis la lourde défaite de la droite aux régionales. Aucun élu de la majorité ne croit réellement que Nicolas Sarkozy renoncera à briguer sa réélection. Mais certains se mettent à l'espérer, se tournant vers l'un des quatre « jokers » de la droite.
François Fillon, le recours
Son statut de présidentiable le flatte et l'embarrasse à la fois. Lorsqu'un premier sondage Ipsos paru début mars a fait de François Fillon le candidat à la présidentielle préféré des sympathisants UMP au cas où Nicolas Sarkozy ne se représenterait pas, le Premier ministre a commencé par sourire. Puis, très vite, pour calmer l'irritation du chef de l'Etat, il a cherché à couper court : « C'est de la science-fiction. » François Fillon candidat en 2012 ? L'idée est caressée par des parlementaires UMP qui se défient de plus en plus du style Sarkozy. Et, au Nouveau Centre, on explique que cette candidature-là serait « la seule » rendant inutile la présence d'un centriste au premier tour. Mais, voilà, des quatre « jokers » de la droite, François Fillon est le seul à dépendre - par sa fonction -de Nicolas Sarkozy. S'il a une endurance certaine, le chef du gouvernement ne peut ni ne veut jouer les rebelles. Lorsque le président lui demande de renoncer à participer au journal de 20 heures sur TF1 et à un vote de confiance au Parlement, il s'exécute. La seule différenciation qu'il s'autorise tient à ses plaidoyers répétés pour les réformes et la maîtrise de la dépense publique, car, au fond, le Premier ministre aimerait bien apparaître comme l'aiguillon réformateur du couple exécutif. En 2017, il aura soixante-trois ans, ce qui, même pour certains de ses proches, est jugé un peu vieux pour être candidat. Avant cela, François Fillon a une priorité : réussir sa sortie de Matignon, programmée pour l'automne.
Alain Juppé, l'outsider
Lui se pose ouvertement en recours pour 2012. Ouvertement - ce qui alimente l'hypothèse d'une autre candidature que celle de Nicolas Sarkozy -mais sans franchir le Rubicon : s'il « envisage » d'être candidat à des primaires pour la présidentielle de 2012, c'est seulement dans l'hypothèse où celui qu'il qualifie de « candidat naturel » ne se représenterait pas. « Je me sens un homme libre, aujourd'hui je n'ai de comptes à rendre qu'aux Bordelais. […] Mais je suis dans la majorité présidentielle, je souhaite que [le chef de l'Etat] réussisse », a-t-il expliqué vendredi sur Europe 1. L'ancien Premier ministre, âgé de soixante-quatre ans, qui demande « un effort de solidarité » des « très hauts revenus » dans la réforme des retraites, s'apprête à lancer son propre laboratoire d'idées, baptisé « Les Entretiens de Bordeaux ». Pour peser sur le fond en insistant notamment sur la justice fiscale et sociale. Son problème est qu'il n'apparaît pas aujourd'hui comme le mieux placé dans l'opinion. Selon un sondage Ifop, 65 % des Français et 54 % des sympathisants UMP estiment qu'il ne serait pas « un bon président de la République ». « Pour quelqu'un qui n'est pas très présent dans le débat national, cela constitue une bonne base de départ », a-t-il rétorqué dans « Le Monde » ce week-end, tout en réaffirmant n'avoir « jamais cru à la rupture » sarkozyste.
Jean-François Copé, l'aiguillon
Le chef de file des députés UMP, déjà dans la course pour briguer l'Elysée en 2017, continue de jouer les équilibristes, avec un objectif qu'il a jusqu'ici plutôt bien rempli : être au centre du jeu à droite. Convaincu que Nicolas Sarkozy se représentera en 2012 même s'il est en position difficile, soucieux de ne jamais apparaître comme celui qui pourrait faire perdre son camp (« Nous n'avons pas le droit de prendre le risque de la division »), Jean-François Copé s'est rapproché du chef de l'Etat et promet de faire campagne « à fond » pour sa réélection. Mais, comme il veut se faire entendre et démontrer aux électeurs qu'il a une colonne vertébrale plus forte que ses rivaux, il s'applique à défendre ses convictions. Quitte à faire entendre une voix discordante. C'est ce souci d'imprégner durablement l'opinion publique qui explique sa position sur la burqa, la parité hommes-femmes dans les conseils d'administration, la dette publique ou la publicité dans l'audiovisuel public (qu'il souhaite « plutôt » maintenir dans la journée). Non content d'utiliser son poste à l'Assemblée, où il surfe sur la réforme des institutions, l'ancien ministre du Budget dispose d'une autre tribune qui lui permet d'avancer ses idées et de tisser ses réseaux : son club Génération France. Lui a le temps : il fêtera le mois prochain ses quarante-six ans.
Dominique de Villepin, l'adversaire
Parmi les prétendants à la succession, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac est, à droite, un cas à part. Lui ne prend pas de gants. Lui est un rival déclaré de Nicolas Sarkozy et peut même le faire perdre. A cinquante-six ans, Dominique de Villepin se prépare à la bataille de 2012 en marge de l'UMP, que Nicolas Sarkozy se représente ou pas. Plus remonté que jamais contre le chef de l'Etat depuis le procès Clearstream, il met sur pied sa propre formation politique, qui verra officiellement le jour le 19 juin prochain, au lendemain du 70 e anniversaire de l'appel du général de Gaulle. Il travaille à un projet présidentiel (avec pour slogan « une République solidaire ») et, à défaut de s'être jamais frotté au suffrage universel, se montre « à l'écoute » des Français, avec un talent qu'on ne lui connaissait pas pour serrer des mains et tâter « le cul des vaches ». Depuis l'automne, il multiplie les déplacements sur le terrain, privilégiant pour l'instant banlieues et zones rurales. Vendredi, il était en Haute-Saône, sur les terres du député villepiniste Michel Raison, à l'occasion de l'assemblée générale des Jeunes Agriculteurs du département. Objectif : séduire les électeurs de droite déçus par Nicolas Sarkozy. Il est crédité par l'Ifop de 6 % des intentions de vote.
ELSA FREYSSENET ET PIERRE-ALAIN FURBURY, Les Echos
jeudi 15 avril 2010
Présidentielle 2012 : quatre « jokers » en réserve pour la droite
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