Il est légitime de s'interroger sur les projections du Conseil d'orientation des retraites (Cor) à l'horizon 2050. On ne saurait, en revanche, s'exonérer d'un constat immédiat : le système français des retraites est en quasi « faillite ». Pratiquer la politique de l'autruche sur un sujet aussi crucial est inconséquent. Personne ne doit désormais en douter : des décisions lourdes et urgentes sont à prendre, des mesures douloureuses et difficiles à assumer. Même s'il faut s'empresser de préciser qu'il faudra, dans leur application, donner du temps au temps, comme ont su faire les Allemands, entre autres.
Quoi qu'il en soit, la réforme des retraites ne sera pas un long fleuve tranquille. Encore moins en France que chez nos voisins qui ont eu, eux, le courage de la mener en temps opportun, en tout cas avant que le choc détonnant vieillissement démographique - crise économique ne provoque les ravages que l'on sait, susceptibles de saper la solidarité nationale si les politiques n'y prennent garde.
La messe n'est pas dite. Sous le couvert d'un discours volontariste, le pouvoir a tendance à donner des signaux contradictoires. C'est entendu, il veut aller au fond des sujets, mais en bousculant curieusement le calendrier. C'est promis, ce sera « la » grande réforme du quinquennat. Mais en se limitant d'entrée aux seuls leviers de l'âge et de la durée des cotisations, son format et sa portée se réduisent déjà singulièrement.
C'est juré, la justice et l'équité seront le fil rouge des décisions, mais l'Élysée ne paraît pas très pressé de mobiliser au-delà des salariés, de nouveaux contributeurs argentés et de nouvelles ressources : revenus patrimoniaux, financiers etc. La crainte d'une réforme a minima n'est finalement pas à écarter, d'autant que le précédent des régimes spéciaux n'est pas si lointain. Là aussi, la réforme était « vendue » comme emblématique. Or, elle est loin d'avoir prouvé sa pertinence.
Si le gouvernement avance sur des oeufs, ce n'est pas seulement à cause du retour en force du PS et de la gauche. De sondage en sondage, les Français confirment un refus obstiné de travailler au-delà de 60 ans. De communiqué en communiqué, les syndicats s'arc-boutent à un rejet déterminé du recul de l'âge légal. Il serait d'ailleurs hasardeux de croire qu'ils puissent lâcher leur totem des 60 ans pour appuyer la réforme gouvernementale. Chacun se souvient du lourd tribut de « fuite » militante payé la CFDT pour son soutien à la réforme Fillon de 2003.
Pour éviter de buter sur le mur politique du symbole de la retraite à 60 ans, le gouvernement sait qu'il doit contourner l'obstacle. Jouer sur le levier de l'allongement des cotisations, mais aussi donner des gages substantiels sur deux fronts : la justice et l'efficacité.
La pénibilité et l'emploi se retrouvent au carrefour de ces problématiques. La pénibilité offre une belle chance de baliser le chemin d'une retraite équitable, à la carte, qu'il faudra bien, de toute façon, ouvrir un jour ou l'autre. Et l'emploi est la première garantie du financement des retraites. Les seniors sont évidemment en première ligne d'un dossier qui mérite mieux que les incantations et les hypocrisies que patronat et syndicats nous servent depuis de longues années. En occultant la question qui fâche : pourquoi finalement tant de salariés aspirent, en France plus qu'ailleurs, à décrocher avant 60 ans ?
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