C'est oui. Au cours de sa séance plénière de mardi dernier, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a autorisé le rachat de TMC et de NT1 par le groupe TF1. Il fixe toutefois plusieurs conditions à ce rachat, concernant notamment NT1, pour qui TF1 a pris des engagements très précis. Michèle Reiser, présidente du groupe de travail sur les « télévisions privées gratuites », et Emmanuel Gabla, le vice-président, ont répondu aux questions des « Echos ».
Vous allez autoriser, sous conditions, le rachat de TMC et de NT1 par TF1. Pourquoi une telle décision, alors que TF1 est déjà très puissant ?
Michèle Reiser. Comme il l'a déjà dit, le Conseil supérieur de l'audiovisuel est favorable à la création de grands groupes audiovisuels français. Pas des groupes tout-puissants, écrasant la concurrence ou poussant à l'uniformisation des contenus. Mais des groupes solides, capables de mettre en oeuvre des synergies, d'innover, d'investir dans la création tout en rivalisant avec les nouveaux acteurs de l'Internet offrant l'accès à des contenus délinéarisés. Le rachat de TMC et NT1 par TF1 s'inscrit dans cette logique. Après de longues discussions, nous avons trouvé un accord. Les conventions des chaînes vont pouvoir être modifiées et signées dès la semaine prochaine.
Qu'allez-vous imposer à TF1 ?
Emmanuel Gabla. L'autorité de la Concurrence, après avoir été destinataire de notre avis, avait déjà imposé un certain nombre de conditions, comme la séparation très claire et contraignante des régies publicitaires ainsi que l'interdiction des promotions croisées en faveur des programmes de TMC et NT1 sur TF1. C'est une obligation lourde pour TF1, car France Télévisions fait par exemple beaucoup de promotion entre ses différentes chaînes, et M6 y a également accès. Cette restriction sur les promotions courra jusque fin janvier 2015, avec une clause de rendez-vous en cas de modification substantielle du paysage audiovisuel ou six mois après l'extinction de la diffusion analogique.
Et comment favoriser le pluralisme en termes de contenus ?
M. R. Un programme diffusé sur TF1 ne pourra être rediffusé que sur une seule autre antenne du groupe, qu'il s'agisse de séries américaines comme d'oeuvres originales françaises. Et cet engagement, qui court jusqu'en 2015, s'appliquera à tous les programmes diffusés depuis début 2007. Les programmes sportifs seront également encadrés, dans la mesure où le groupe ne pourra pas répondre à un appel d'offres impliquant la diffusion sur plus de deux chaînes en mode gratuit.
Mais comment s'assurer que le groupe investira dans la création pour ses petites chaînes ?
M. R. Les obligations financières en termes de production seront certes rapportées au niveau du groupe TF1, qui va mutualiser ses investissements (12,5 % du chiffre d'affaires, NDLR). Une partie de cette production sera primo-diffusée sur TMC ou NT1. Par ailleurs, nous avons exigé en parallèle des obligations quantifiées de diffusion d'inédits par chaîne. Le groupe s'est engagé, sans limitation dans le temps, à diffuser au moins 365 heures de programmes inédits par an sur TMC et 456 heures sur NT1, ce qui correspond à une heure par jour sur TMC et à une heure et quinze minutes sur NT1. C'est une véritable avancée, car ces chaînes n'avaient aucune obligation de diffusion de programmes inédits. NT1 s'est engagée, de surcroît, à exposer des formats innovants et à promouvoir de nouveaux talents. Nous avons même obtenu la diffusion d'une émission hebdomadaire consacrée à la culture sur cette chaîne. Aucune autre chaîne privée gratuite n'est soumise à ce genre d'obligations. TMC et NT1 se sont également engagées en faveur du spectacle vivant, avec l'obligation de diffuser chaque année 6 spectacles sur TMC et 12 sur NT1. Des spectacles qui, pour plus de la moitié d'entre eux, n'auront pas été diffusés sur TF1 dans les deux années précédentes.
Qu'en est-il des heures de grande écoute de NT1, qui, pour l'instant, sont particulièrement favorables puisqu'elles vont de 12 heures à 24 heures ?
M. R. Nous avons obtenu que les heures de grande écoute de NT1 reviennent dans la norme des chaînes généralistes, c'est-à-dire de 18 heures à 23 heures. C'est sur ce créneau horaire que la chaîne devra diffuser 60 % d'oeuvres européennes, dont 40 % d'oeuvres d'expression originale française. Cette modification importante interviendra dès le 1 er janvier 2011, ce qui impliquera un bouleversement dans la programmation de la chaîne. C'est une décision qui est très engageante pour TF1.
Quels sont les autres engagements ?
E. G. TF1 s'est engagé à favoriser l'accès des programmes aux sourds et aux malentendants sur NT1 dès l'année prochaine, avec 50 % des programmes qui leur seront accessibles. NT1 va également s'engager à promouvoir une alimentation saine et équilibrée via un programme hebdomadaire, ce qui représentera un volume de quinze heures par an.
Quelle est, au final, l'ambition du CSA en autorisant cette opération ?
M. R. TMC est une chaîne qui a déjà sa couleur et une convention classique. NT1, par contre, est une chaîne dont la couleur est encore à définir. Son adossement à TF1 doit lui permettre d'enrichir son offre, et l'ambition est que NT1 ne devienne pas un clone de TF1, ni un robinet à séries américaines ou la jumelle d'une autre chaîne. Cette série d'engagements doit permettre à NT1 d'acquérir une identité, une chaîne généraliste ayant sa couleur propre. Ce sera un plus pour le monde de la création comme pour les téléspectateurs.
Dans les télécoms, le régulateur a freiné l'essor de France Télécom. N'êtes vous pas trop généreux avec TF1, qui domine la télévision en France ?
E. G. L'audience ou la part de marché publicitaire de TF1 n'ont rien de comparable avec celle de France Télécom sur le marché des télécoms. La part d'audience de la chaîne est inférieure à 30 %. La baisse du nombre d'opérateurs qu'induit cette opération est compensée par la diversité des programmes.
PROPOS RECUEILLIS PAR NATHALIE SILBERT, DAVID BARROUX ET GRÉGOIRE POUSSIELGUE, Les Echos
jeudi 25 mars 2010
« TF1 ne pourra faire de NT1 un robinet à séries américaines »
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