La Cour suprême des Etats-Unis s'est révélée réticente lundi à l'idée d'autoriser le dépôt d'un brevet sur des formules de mathématiques financières, plusieurs juges estimant que cette forme d'invention était trop abstraite pour être protégée. Si la Cour se prononce contre cette autorisation, sa décision pourrait avoir d'importantes répercussions sur l'accord de nombreux brevets, notamment sur les logiciels.
La plus haute juridiction américaine examinait hier le cas de deux mathématiciens, Bernard Bilski et Rand Warsaw, inventeurs d'une méthode pour se protéger contre le risque de fluctuation des prix d'une marchandise, comme par exemple une source d'énergie. Ces deux scientifiques se sont vu refuser en 1997 le dépôt d'un brevet auprès de l'autorité publique des brevets et marques déposées, celle-ci estimant que l'invention présentée était une idée qui ne pouvait être protégée, et non une "machine ou une transformation", comme le requièrent la loi et la jurisprudence.
LES JUGES SCEPTIQUES
Aucun des neuf juges de la Cour suprême n'a paru ouvertement favorable aux plaignants, et les juges qui ont posé des questions lors de l'audience publique ont paru sceptiques à l'idée que cette définition s'applique aux mathématiques. "En quoi n'est-ce pas une idée abstraite? Je pourrais breveter un processus où je fais de même (...) J'achète bon marché, je vends cher : c'est mon brevet pour faire commerce de la richesse", a considéré le président de la Cour John Roberts.
A l'avocat des plaignants, Michael Jakes, qui faisait remarquer que le code morse était breveté alors qu'il était abstrait, Sonia Sotomayor a répliqué que "ce qui a été breveté, c'est l'usage du morse avec une certaine machine". La Cour suprême ne s'est pas prononcée sur le périmètre des brevets depuis 1981. Pour les plaignants, la définition retenue à l'époque est trop étroite et correspond au monde industriel, où primait le savoir technique.
CONSÉQUENCES POSSIBLES SUR LES "BREVETS LOGICIELS"
L'affaire a attiré une forte attention, la décision de la Cour pouvant avoir des conséquences sur des milliers d'inventions qui deviendraient brevetables, et suscitant des craintes sur la libre circulation des idées scientifiques. Plusieurs des plus grandes entreprises américaines ont écrit à la Cour pour lui faire part de leur position, mais sans s'accorder.
De grandes entreprises d'électronique et d'informatique (Microsoft, Philips, Google) ou de la banque (Bank of America, Morgan Stanley) ont déposé auprès de la Cour suprême des argumentaires en soutien à l'autorité des brevets, craignant que l'innovation ne soit bridée si les juges donnent raison à M. Bilski et Warsaw. D'autres entreprises du secteur, comme IBM, qui souhaite que les logiciels soient toujours "brevetables", ont également écrit à la Cour sans se prononcer pour aucune des parties. Le laboratoire pharmaceutique Novartis et le groupe américain de services informatiques Accenture ont quant à eux soutenu les plaignants.
Le statut des "brevets logiciels" aux Etats-Unis est assez particulier. Si, depuis 1981, les logiciels ne sont théoriquement pas brevetables aux Etats-Unis, la jurisprudence autorise les brevets pour les appareils utilisant ces logiciels. Depuis, la jurisprudence est majoritairement favorable aux détenteurs de brevets, notamment parce qu'il appartient aux personnes contestant un brevet d'apporter la preuve qu'il est abusif.
S'il a paru peu probable que M. Bilski et Warsaw obtiennent gain de cause et renversent la jurisprudence, la Cour pourrait être tentée de mieux définir le périmètre de ce qui est brevetable, à la lumière de l'évolution des sciences. L'avocat de l'autorité des brevets dans cette affaire a recommandé à la Cour de ne pas être trop spécifique, mais a affirmé que "l'histoire économique de ce pays aurait été très différente s'il avait été considéré que les méthodes commerciales pouvaient être brevetées". La décision doit être rendue d'ici à juillet 2010.
mardi 10 novembre 2009
La Cour suprême américaine pourrait limiter la portée des brevets
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