samedi 22 mars 2014
Tout commence aux municipales
Parce que c’est là que se constituent le réseau et l’enracinement du parti qui vous porte ensuite durant la campagne de la présidentielle et des législatives.
La défaite socialiste de 2002 s’est préparée aux municipales de 2001 ; la victoire socialiste de 2012 s’est construite à partir des municipales de 2008. Certes, cela paraît facile à dire quand on connaît les résultats ; on peut toujours affirmer que Lionel Jospin a été éliminé du second tour de la présidentielle de 2002 par sa propre faute, que François Hollande a moins été élu par son propre succès que par la défaite (courte) de Nicolas Sarkozy. Il n’empêche : c’est aux élections municipales que tout commence. Parce que c’est là que se constituent le réseau et l’enracinement du parti qui vous porte ensuite durant la longue campagne des “quatre tours” (présidentielle et législatives), là que se fabriquent les personnalités, que se jouent les réputations, que se révèlent les ambitions.
Si Jospin perd son combat en 2002, alors que tout Paris le donne gagnant, c’est parce que ça “flotte” derrière lui : la victoire de la gauche à Paris et à Lyon l’année précédente a masqué sa défaite dans 59 villes de plus de 10 000 habitants. Les points que la droite a marqués vont permettre à Chirac de mieux résister l’année suivante au premier tour et de triompher au second. Au contraire, aux municipales du printemps 2008, la droite au pouvoir est durement sanctionnée : la gauche reprend 90 villes de plus de 10 000 habitants. À partir de là, elle va s’incruster, surmonter sa crise de leadership et se remettre en ordre de bataille. Ces villes de plus de 10 000 habitants représentent la moitié de la population française : plus qu’un échantillon, c’est la représentation de notre réalité politique. Directeur général délégué de l’institut Ipsos, expert de la carte électorale, Brice Teinturier s’interrogeait la semaine dernière devant les invités de la Revue des deux mondes : le résultat de 2014 sera-t-il pour François Hollande équivalent à ce qu’il fut pour Lionel Jospin en 2001 (− 59 villes) ou, plus brutal, de l’ordre de ce qu’il a été pour Nicolas Sarkozy en 2008 (− 90) ? Si la défaite est inscrite, son ampleur dépend d’un facteur clé : le taux d’abstention.
Il y a trente ans, au scrutin de 1983, il était en moyenne, d’un tour à l’autre, de 20 %. Il a bondi à 32 % en 1995 et a continué de monter depuis, jusqu’à se rapprocher des 35 % en 2008. Les sondages le situent cette année entre 38 et 40 %. Le climat de défiance généralisée n’y est pas pour rien ; quand la cote de confiance de l’exécutif se situe à moins de 20 %, on ne peut pas être surpris. Selon une étude d’Ipsos, 8 % des électeurs — oui, 8 % — font encore confiance à leurs partis politiques… Brice Teinturier a voulu en savoir plus : il a décelé une “abstention différentielle” dans le comportement électoral de la gauche et de la droite : à gauche, l’électorat est démoralisé pour les motifs que l’on sait, à droite en revanche, il est prêt à se mobiliser. De cette mobilisation dépend son succès. Au contraire, le vote de dissidence, de diversion, comme le blanc ou l’abstention, profite toujours à l’adversaire. La multiplication des triangulaires, avec la présence du Front national au second tour, est à peu près le seul espoir sur lequel compte la gauche pour écarter la sanction sans appel que mérite sa politique.
Un maire est élu pour six ans, un mandat plus long que celui du président de la République. Que la gauche soit battue dans trois ans, son réseau d’élus locaux préparera sa revanche. Prenez le cas d’André Laignel, maire socialiste de l’une de ces villes de plus de 10 000 habitants, Issoudun, sous-préfecture de l’Indre : son sixième mandat s’achève, il se présente pour un septième ! C’est à lui que l’on doit la phrase célèbre, prononcée en 1981 quand il était député : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. » Une doctrine qu’il applique chez lui à la lettre : l’opposition n’a pas voix au chapitre ; les conseils municipaux se tiennent en moins de dix minutes et tout y est verrouillé, emplois muni cipaux, logements, marchés publics, associations, moyens d’expression, partout où se pratique l’achat de voix. Eh bien, les socialistes ont fait de Laignel le patron de leur Comité des finances locales ! Des caricatures comme celle-ci, il en existe bien d’autres (voir Ces maires autoritaires, éditions L’inventaire).
Inquiets, Hollande et les ténors du PS se cramponnent à l’idée d’un enjeu local, espérant pouvoir se maintenir dans un certain nombre de “villes médiatiques” comme paravent de leurs revers ailleurs. Mais de ces défaites-là découleront les suivantes : aux sénatoriales, en septembre prochain, puis aux conseils généraux et aux assemblées régionales, en 2015. Pour la droite, l’enjeu est national, c’est celui de la reconquête. Toute voix va compter.
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