TOUT EST DIT

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jeudi 11 septembre 2014

Libéralisme : de bonnes idées mal défendues ?

Non seulement les Français se méfient du libéralisme, mais les libéraux, « parfois réducteurs et même maladroits », ont leur part de responsabilité dans l’affaire.
Les idées libérales n’ont pas bonne presse. N’en déplaise à Rémi Godeau, rédacteur en chef de L’Opinion, qui jugeait les Français « libéraux malgré eux » suite à un sondage de l’Ifop il y a quelques mois, les propos tenus durant la dernière campagne présidentielle par Mathieu Laine, auteur du très remarqué Dictionnaire du Libéralisme, sont toujours valables aujourd’hui : non seulement les Français se méfient du libéralisme, mais les libéraux, « parfois réducteurs et même maladroits », ont leur part de responsabilité dans l’affaire.
Et c’est bien là le problème. Car loin de déghettoïser la critique libérale, certains promoteurs de l’initiative privée confortent ses détracteurs dans la croyance qu’en matière économique, la liberté ne profite qu’aux nantis. Erreur monumentale, mais compréhensible. Ceux-là mêmes qui imputent le chômage de masse au règne de l’État-providence ne résistent pas toujours à la tentation de faire du chômeur le premier responsable de sa situation. Manifestement, si dans cet enfer socialiste décrit par les libéraux, l’entrepreneur n’est pas assez libre pour entreprendre, le chômeur l’est suffisamment pour trouver un emploi.
Du point de vue libéral, certes, ce n’est pas tout à fait absurde. C’est un fait que le modèle social français dissuade les uns d’embaucher et les autres de prendre un emploi. En outre, ces deux entraves – à l’emploi d’un côté, à l’activité de l’autre – ne sont pas de même nature : on ne peut reprocher à une entreprise d’employer 50 salariés plutôt que 70, mais on reproche volontiers au chômeur de ne pas accepter n’importe quel job lui permettant de « sortir de l’assistanat ».
On dira que cette critique libérale de la sécurité sociale n’oppose pas le patron au travailleur, mais le travailleur au profiteur, et que les vices privés faisant la vertu publique n’incluent pas la paresse du chômeur, qui est certes un vice privé, mais « financé » par l’argent du contribuable. La vérité est plus complexe. En effet, cette critique du profit sur le dos de la collectivité épargne soigneusement le reste de la société en prêtant aux seuls chômeurs et fonctionnaires des comportements observables aussi bien chez les dirigeants d’entreprise et les honnêtes travailleurs sûrs de leurs mérites.
Les libéraux citant Frédéric Bastiat à tout bout de champ feraient bien de relire leur maître, qui définissait l’État comme « la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ». Pas seulement le cheminot en grèveou le chômeur en série : tout le monde.
Aussi sûr que certains chômeurs ne font pas tout leur possible pour résorber le trou de la sécu, de nombreux employeurs font valoir leur éligibilité à des aides dont ils pourraient se passer. Mais le malheur des profiteurs « du bas » est d’avoir la gueule de l’emploi : malgré leurs grands principes, les libéraux sont loin d’avoir pour l’employeur profiteur ou l’honnête travailleur faisant chauffer sa carte vitale la même rancœur que pour le chômeur assisté.
Bien sûr, dans le jardin d’Éden de la théorie, le libéralisme n’est pas cette riposte idéologique de l’ordre social contre ses laissés-pour-compte que dénoncent les panégyriques du « modèle français ». Reconnaissons du moins qu’en pratique, il n’y a pas de fumée sans feu.

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