vendredi 16 mai 2014
C’est aux Français de redessiner la France
Quoi qu’en pensent nos dirigeants socialistes, seuls les Français pourront dire s’ils sont d’accord pour redessiner la carte de France et donc… la carte électorale.
Chacun connaît cette exclamation du général de Gaulle : « Comment voulez-vous gouverner un pays où il y a 365 sortes de fromages ? » Aujourd’hui, l’un des principaux handicaps de la France, ce n’est plus seulement son camembert ou sa fourme d’Ambert, mais son mille-feuille territorial, avec ses 36 682 communes, ses 4 055 cantons, ses 342 arrondissements, ses 101 départements et ses 27 régions, sans compter les intercommunalités et les métropoles.
Chacun, à droite comme à gauche, est d’accord sur deux points essentiels. D’une part, cette structure administrative héritée de la Révolution n’a plus aucun sens aujourd’hui. D’autre part, cette superposition d’échelons crée à la fois des pesanteurs et des doublons dont le coût annuel est estimé dans une fourchette comprise entre 12 et 25 milliards d’euros.
Manuel Valls, qui a eu l’occasion d’apprécier les folles dérives des différentes lois de décentralisation lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, a pu prendre la mesure des gisements d’efficacité, d’économie et de simplification que recèle la carte de France, à condition de la redessiner de manière intelligente.
Tout serait resté simple si François Hollande, dans son intervention du 6 mai sur RMC et BFM TV, n’avait lâché le fond de sa pensée : reporter les élections régionales de 2015 à 2016 afin « d’avoir le temps » de redessiner la carte de France. La ficelle est là bien trop grosse. Et de nombreuses voix se sont aussitôt élevées pour railler cette volonté de « tripatouillage électoral », cette « entourloupe présidentielle », voire même des méthodes de « République bananière ».
Il faut dire que le socialisme municipal s’est effondré au mois de mars dernier avec la raclée monumentale des élections. D’ores et déjà, la gauche est assurée de perdre la majorité au Sénat en septembre prochain. Et les différentes simulations effectuées par les ordinateurs de la Place Beauvau attribuent, en 2015, 19 régions métropolitaines sur 22 à la droite, alors que la gauche tient aujourd’hui 21 de ces baronnies. Lorsque la droite avait envisagé un très modeste redécoupage des circonscriptions législatives, en 2009, Jean-Marc Ayrault avait déclaré sans nuance : « Il est évident qu’on n’est pas dans le cadre d’un exercice démocratique. »
Le premier ministre entend donc aller très vite sur ce sujet, parce que la loi interdit de toucher à la carte électorale moins d’un an avant une élection. Son but est de diviser par deux le nombre de régions et de « supprimer » les départements. Mais comme la Constitution (article 72) dispose que ces derniers font partie « des collectivités territoriales de la République », les rayer d’un trait de plume ne pourrait se faire sans une révision de nos institutions et donc une convocation du Congrès avec approbation par les trois cinquièmes des suffrages exprimés ou bien par un référendum.
C’est pour contourner cet obstacle que Manuel Valls a parlé de supprimer les conseils généraux, sans toucher aux départements. Le problème, c’est que cette argutie ne résiste pas à la jurisprudence de nos sages. Une décision de 1991 du Conseil constitutionnel consacrée à la Corse a rappelé que « toute collectivité territoriale doit disposer d’une assemblée délibérante élue dotée d’attributions effectives ». Donc, quoi qu’en pensent nos dirigeants socialistes, qui se méfient de plus en plus du peuple, seuls les Français pourront dire s’ils sont d’accord pour redessiner la carte de France, et en même temps la carte électorale.
Bien sûr, Manuel Valls, qui a appris à composer des majorités parlementaires spécifiques à l’époque où il travaillait aux côtés de Michel Rocard, va être tenté de trouver un accord avec des élus de droite. D’autant plus que l’UMP comme l’UDI réclament eux aussi à cor et à cri une simplification administrative du pays. Mais aucun parti n’a envie que cela se traduise par une diminution du nombre de ses élus. Le problème de la France, ce n’est pas tant ses fromages au lait de vache ou de brebis que ses innombrables fromages électoraux.
De fait, on voit mal comment François Hollande et Manuel Valls pourraient éviter un référendum s’ils veulent arriver à leurs fins. Or, comme à chaque fois, les Français voteront non pas en fonction de la question posée, mais de la popularité de celui qui la pose. Comme aurait dit Woody Allen : « Ma réponse est non. Mais au fait, quelle est la question ? » Si le président de la République veut consulter les Français, il risque non seulement de connaître une nouvelle déculottée, mais surtout d’enterrer une fois encore pour longtemps la réforme du millefeuille territorial. Malgré tout, sur ce sujet-là, plus encore que sur l’Europe, la monnaie ou la famille, rien ne saurait être fait sans que chacun puisse s’exprimer.
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