12 milliards d’allègement de la pression fiscale
Un budget clairement déséquilibré
Une grogne finalement bien utile
vendredi 27 septembre 2013
Pourquoi le patronat a tort de se plaindre du budget 2014...
Sus au nouvel impôt sur les entreprises! Suite à la présentation du Budget 2014, les organisations patronales expriment bruyamment leur mécontentement: la création d’un nouvel impôt qui taxerait de 1% leur excédent brut d’exploitation (EBE) serait un "mauvais coup" qui, selon Pierre Gattaz, au Medef, va "finir d’asphyxier les entreprises, déjà les plus taxées d’Europe, sous une fiscalité et des charges beaucoup trop élevées".
Même son de cloche à l’AFEP, qui représente les grandes entreprises, et à l’ASMEP, qui rassemble les sociétés de taille intermédiaire. La CGPME est, elle, plus discrète… car les entreprises de moins de 50 millions de chiffres d’affaires ne sont pas concernées par ce nouvel impôt.
Maltraités par le gouvernement, les patrons? Pas vraiment. Bien sûr, on peut discuter de l’opportunité, l'efficacité ou des effets pervers de l’impôt sur l’EBE, freinant potentiellement l’investissement des sociétés. Mais quand le Medef s’effraie d’une "hausse globale des prélèvements sur les entreprises de 2,5 milliards" dans ce budget, il fait acte d’une certaine mauvaise foi.
Car cet impôt sur l’EBE qui devrait rapporter 2,5 milliards à l’Etat en 2014, remplace ou fait suite à une série d’autres impôts payés par les entreprises en 2013 (majoration d’impôt sur les sociétés, impôt sur le chiffre d’affaires, mesures de trésorerie, taxes temporaires sur les banques et le secteur pétrolier…), supprimés ou en baisse… qui représentaient 4,5 milliards d'euros.
Résultat, l’un dans l’autre, les entreprises se retrouvent à payer 2 milliards en moins. Et ce n’est pas terminé. Car les représentants des entreprises ne comptent pas dans leur calcul une mesure qui date d’avant le budget 2014 mais dont ils bénéficieront bien à partir de l’an prochain: le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), qui leur donne une ristourne de 10 milliards. Au bilan, les entreprises vont donc bénéficier de 12 milliards d’allègement de leur pression fiscale… Le contraire de ce que dénonce le Medef, même si, derrière cet affichage global, certaines entreprises, selon leur taille et leur secteur, peuvent sortir perdantes de ce loto fiscal.
Cependant, les patrons ne sont clairement pas les plus à plaindre. Car, le gouvernement n’accordant évidemment aucun cadeau en ces temps de serrage de vis budgétaire, ce qu’on rend aux entreprises on le prend aux ménages. Pour eux, la note est bien plus douloureuse, entre la baisse du plafond du quotient familial (1 milliard), la suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité (0,5 milliard), la fin de la défiscalisation des majorations de pensions des familles nombreuses (1,2 milliard), l’abrogation de la déduction fiscale sur les complémentaires santé (1 milliard), la hausse des cotisations retraites (1 milliard)...
Les ménages devront payer en tout au moins 5,5 milliards d’impôts en plus en 2014. Et ce n’est pas tout car, pour financer le CICE, ils subiront aussi une hausse de la TVA de 6,5 milliards. Soit, au total, une augmentation de 12 milliards pour les ménages, correspondant, en un mouvement synchrone, à la réduction de 12 milliards consentie aux entreprises.
En fait, jamais on n’a vu un budget aussi déséquilibré. Le gouvernement a fait là un pari qu’il traduit dans son budget, celui d’une politique sociale-libérale, une politique de l’offre. Sans cependant oser, du moins pour l’instant, l’assumer verbalement. Et donc politiquement. Une anecdote est symptomatique de cette gêne manifeste. D'ordinaire, les documents de présentation du budget offrent toujours un récapitulatif de l’impact des mesures fiscales recensées selon qu’elles concernent les ménages ou les entreprises. Cette année, le tableau ne fait étrangement plus la distinction.
Et, à Bercy, personne ne veut plus raisonner avec ces catégories, devenues soudainement "artificielles"! Au-delà, dans le marketing du budget, l’Elysée, Matignon, Bercy se gardent bien d’afficher qu’il ont choisi de privilégier la compétitivité des entreprises sur le pouvoir d’achat des ménages, à l’approche des élections municipales et pour ne pas fâcher la majorité socialiste pas vraiment encore convertie au social-libéralisme.
Du coup, le gouvernement laisse la complainte des patrons se répandre sans lui apporter la contradiction voire lui rabattre le caquet. Pourquoi? D’abord, parce qu’il veut garder ses bonnes relations avec les patrons qui, derrière les postures, se sont grandement améliorées. Mais aussi parce qu’il ne veut faire aucune publicité sur ce coup de pouce qu’il donne aux entreprises… qui l’amènerait à devoir justifier de taper, en contrepartie, dans le portefeuille des ménages.
Paradoxalement, la grogne des représentants des entreprises sert donc même le gouvernement… car il laisse croire que le budget 2014 fait mal à tout le monde.
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