Oui, les mots ont un sens. Le mot "résistance" évoque immédiatement les quelques Français qui ont lutté contre l'occupation nazie, et il est maladroit de l'utiliser pour protester contre l'adoption d'une loi ouvrant le mariage aux homosexuels. François Hollande condamne d'ailleurs la dénonciation d'un État fasciste par ceux qui souhaitent que l’État ait son mot à dire dans les unions que les individus veulent consentir entre eux, et qu'il ne donne sa bénédiction qu'à certains types de couples.
Pour autant, l'étonnement de notre cher président est surprenant. Où étaient ses condamnations, vives à l'encontre de la Manif pour Tous, lorsque Jean-Luc Mélenchon se revendiquait d'une résistance contre la dette, contre la tyrannie du grand capital apatride et de ceux qui avaient prêté à un État toujours plus gourmand ? Mais surtout, comment oser s'offusquer qu'on puisse utiliser les mots dans le sens qu'ils recouvrent ?
La base de la doctrine fasciste est la conception de l'État. Pour le fascisme, l'État est un absolu en face duquel l'individu et les groupes sont le relatif. Sans l'État, il n'y a pas de nation. Pour le fasciste tout est dans l'État et rien d'humain et de spirituel n'existe hors de l'État, pas d'individus, pas de groupes […] l'État fasciste s'attribue aussi le domaine économique. Le corporatisme dépasse le libéralisme, il crée une nouvelle synthèse où tous les intérêts sont conciliés dans l'unité de l'État. (Mussolini, "Œuvre et discours" via Wikiberal)
Quelle conception de l’État notre cher président défend-il ? Quelle place occupe l'individu dans sa vision de l’État ?
Quelle place laissent aujourd'hui à l'individu les interventions incessantes de l’État dans tous les domaines de la vie des citoyens, de leurs échanges volontaires à leurs choix alimentaires ? À force de proposer un nouveau modèle pour la société, de nouvelles habitudes de consommation, de nouveaux modes de vie, il faudra bien qu'un jour les constructivistes français reconnaissent que c'est bien un homme nouveau qu'ils cherchent à construire.
Et cet homme nouveau, lui, ne connait pas le sens des mots, n'accepte pas la réalité pour ce qu'elle est. Cet homme nouveau accepte la réalité telle qu'on la lui présente.
Il accepte l'esclavage comme un tort de l'homme blanc, cet éternel colon esclavagiste raciste. Mais pas celui des arabo-musulmans, pour éviter que les descendants d'immigrés ne portent sur leurs épaules ce fardeau. Le blanc devrait porter sur ses épaules un fardeau issu d'une responsabilité collective transmise de génération en génération, mais pas les autres. Si les mots ont un sens, il faudrait sans doute qu'ils aient le même sens pour tous, en toutes circonstances.
Il faudrait également, pour que les mots aient un sens, qu'on accepte de les prononcer. En considérant que la dictature et le totalitarisme relèvent de l'histoire, François Hollande nie la possibilité qu'ils existent aujourd'hui, comme si refuser de prononcer les mots permettait d'éviter que la réalité qu'ils décrivent ne soit ce qu'elle est.
Comment appeler, pourtant, un pays où la propriété privée n'est pas garantie par l’État, mais menacée par lui ? Où ce qu'un individu produit revient avant tout à l’État ? Où l'éducation, la culture, les médias sont sous le contrôle ou dépendants de l’État ? Où l’État est une nouvelle religion, enseignée dès le plus jeune âge, une religion laïque et environnementaliste qui ne laisse pas la place aux avis divergents ?
Certes, ceux qui dénoncent l'oppression fasciste pour protester contre le mariage homosexuel n'utilisent sans doute pas les mots dans leur acception exacte, et ont sans doute eux-mêmes le fascisme facile. Mais, monsieur le Président, n'ayons pas peur des mots. Je vous propose, pour que leur sens soit respecté, que nous laissions la parole à ceux qui les ont forgés. Qui mieux que Mussolini pourrait nous parler du fascisme ?
Le fascisme est absolument opposé aux doctrines du libéralisme, à la fois dans la sphère politique et dans la sphère économique. L’État fasciste veut gouverner dans le domaine économique pas moins que dans les autres ; cela fait que son action, ressentie à travers le pays de long en large par le moyen de ses institutions corporatives, sociales et éducatives, et de toutes les forces de la nation, politiques, économiques et spirituelles, organisées dans leurs associations respectives, circule au sein de l’État.
J'ai le sentiment, monsieur le Président, que nous n'en sommes finalement pas si loin.
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