TOUT EST DIT

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mercredi 29 mai 2013

Fractures en chaîne

Fractures en chaîne


Redessiner la carte du Proche-Orient. C'était, il y a dix ans, le but déclaré des faucons de l'administration Bush, au moment de l'intervention en Irak. Le récit officiel de l'époque nous disait que les autocrates avaient les jours comptés, que la démocratie pointerait, enfin, dans la région.
George Bush avait raison sur un point : la carte du Proche-Orient est effectivement en train d'être redessinée, mais de la pire des manières. Par les armes, le feu, le sang. Même aux pires heures des conflits israélo-arabes ou de la guerre du Liban, on avait rarement vu un massacre tel que celui que subit, depuis deux ans, la population syrienne.
Cette nouvelle carte, ce ne sont plus tant les frontières des États qui la dessinent que l'identité des protagonistes du conflit en cours entre chiites et sunnites. Ce clivage court dans toute la région. Le long d'un arc de crise qui va du Liban à l'Irak et dont la Syrie est l'épicentre, mais aussi au coeur même du Golfe Persique, dans des États comme Bahrein.
Les solidarités et les soutiens en armes suivent cette fracture. Avec d'un côté les monarchies du Golfe qui soutiennent la rébellion syrienne tout en réprimant la contestation à Bahrein. De l'autre, Téhéran et le Hezbollah qui prêtent main-forte à Assad. Cet arc de crise est identifié par les spécialistes depuis plusieurs années comme moteur des évolutions de la région. Ce qui est nouveau, c'est que la réaction en chaîne paraît au grand jour et semble, aujourd'hui, difficilement contrôlable.
Car depuis quelques semaines, le rapport de force en Syrie a changé. Assad contre-attaque et vient de marquer des points dans la ville stratégique de Qousseir.
Tout l'Irak est désormais parcouru par le conflit chiite-sunnite. Le Liban est chaque jour davantage au bord du précipice. Surtout depuis que le Hezbollah, la force chiite qui contrôle le sud-Liban, vient de tomber le masque en dépêchant en Syrie près de deux mille combattants en soutien du régime Assad.
Initialement fragilisé, l'axe Téhéran-Damas profite ainsi de plusieurs facteurs : soutien militaire de Moscou, divisions d'une opposition syrienne infiltrée par des réseaux djihadistes, hésitations du camp occidental, refus d'Obama d'entrer ouvertement dans le conflit.
Fallait-il armer massivement la rébellion ? La question était quotidienne il y a quelques semaines. Elle n'a plus le même sens aujourd'hui, depuis qu'Assad vient, peut-être, de sauver sa tête.
Alors, on parle diplomatie. On est prêt à reparler au tyran qu'on prétendait chasser il y a deux ans. On prépare un sommet international à Genève, pour début juin. Il était au coeur des conversations qu'ont eues, hier soir, à Paris, MM. Kerry, Lavrov et Fabius, respectivement chefs des diplomaties américaine, russe et française.
On aimerait y croire, mais trop d'indices contredisent les belles formules diplomatiques. Assad, s'il accepte comme on le dit à Moscou, de dépêcher à Genève ses représentants, n'a aucune raison de faire des concessions. Non seulement parce qu'il a davantage l'âme d'un tortionnaire que d'un négociateur, mais parce que la réalité du terrain lui est, aujourd'hui, moins défavorable. Le temps, que les Occidentaux cherchent à gagner dans l'espoir d'éteindre l'incendie, joue en fait en sa faveur. Cruelle prime au tyran.

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