4. Bien entendu, il ne manquera pas d’âmes sensibles pour stigmatiser la violence intrinsèque de ce livre conçu lui-même, avec son titre spectaculaire et sa couverture orange brutale, comme un compte à rebours façon Irréversible de Gaspard Noé (les chapitres allant de 10 à un hypothétique quoique "explosif" zéro) ou même comme une thérapie de choc destinée à excéder le lecteur en le saturant d’informations toutes plus horribles les unes que les autres et finir par le persuader que décidément la violence est partout et que lui-même peut en être la victime, un peu comme ce que l’on fait justement subir à Alex dans le film de Stanley Kubrick. C’est là l’indéniable côté "traitement Luduvico" de cette France Orange mécanique – à la différence de taille qu’il s’agit là non d’endormir les conscience mais bien de les réveiller.
3. Voici donc un livre certainement excessif mais d’un excès qui est à la mesure de la réalité. Et une réalité qui, comme toujours, a l’art de contrarier les dogmes de la sociologie dominante. Ainsi, un bourdivin sera fort irrité d’apprendre que la criminalité ne va pas forcément de pair avec la pauvreté, l’environnement et le chômage, et que, par exemple, des départements comme la Creuse, le Cantal et le Lot, qui ont le PIB le plus bas de France, sont aussi ceux qui ont le taux de criminalité et de délinquance le moins élevé alors que des départements à forte criminalité comme l’Essonne, le Val-de-Marne ou la Seine-et-Marne, sont beaucoup plus riches, beaucoup plus entreprenants, et le comble, beaucoup plus subventionnés.. C’est que contrairement à ce que pensent nos journalistes officiels, évidemment tous de gauche (car comme le rappelle Obertone, citant une étude étonnamment sérieuse de Marianne datant du 23 avril 2001 : 94 % des journalistes votent à gauche – ou au centre pour les plus subversifs d’entre eux), les problèmes sont parfois beaucoup moins "sociaux" qu’ethniques et religieux. Et force est de constater, avec Eric Zemmour, Malek Boutih, les sociologues Hugues Lagrange et Sébastien Roché, et n’importe quel Ministre de l’Intérieur qui daignerait montrer ses chiffes, qu’il y a en effet une sur-délinquance des Noirs et des Arabes. Mais qu’on se rassure, la criminalité des autochtones a augmenté elle aussi. Ouf !
1. Ce que montre en définitive cette enquête, c’est qu’en France les "débats" sont la plupart du temps idéologiquement faussés. Ainsi des féministes, toujours prêtes à se battre contre un "mademoiselle" ou une campagne de mode jugée putassière, mais rarement sur place lorsqu’il s’agit de juger de ce qui se passe vraiment dans les cités – au contraire de ce documentaire de Cathy Sanchez, intitulé La Cité du Mâle, diffusé, après moult hésitations par peur d’être accusé de "discrimination", sur Arte en septembre 2010, et dans lequel des djeuns, nourris au rap et au RnB, parlaient librement de leur conception de la femme, assez éloignée, il faut le reconnaître, de celle de Marianne. Pour certains commentateurs officiels, c’était ces jeunes que la réalisatrice avait "piégés". Culpabiliser les coupables, ça ne se fait pas. En revanche, ce sont les innocents qu’il faut convaincre de mauvaise conscience. Et le travail de sape par les médias est telle que l’on tombe parfois sur des victimes d’agression qui plutôt de s’indigner de leur agression, s’indignent qu’on "l’instrumentalise" - tel ce jeune homme de 19 ans qui en décembre 2008 se voit provoqué, volé et tabassé par une bande de voyous en plein Noctilien parisien, et qui, parce qu’on a filmé son agression et qu’elle est passée sur Internet, ne trouve rien de mieux à dire qu’il ne veut surtout pas qu’on en fasse un "amalgame", parce que ce soir là, il était habillé "de façon bourgeoise" (donc sans doute un chouïa provocante pour les voyous qui l’ont pris à partie) et qu’il ne voudrait surtout pas qu’on stigmatise ces derniers, tant il tient plus que tout à ce que l’on préserve ce vivre-ensemble plutôt que son instinct de survie à lui. Il est vrai qu’à notre époque, l’ordre est devenu caduque, alors que c’est le premier besoin de l’âme, comme le disait Simone Weil, et le premier souci des pauvres - un souci qui n’est visiblement pas celui de Christine Taubira ni de Noël Mamère pour qui "la justice n’est pas là pour envoyer des gens en prison". Punir, pour ces gens qui raisonnent comme le maire de Monsieur Ouine, c’est ajouter du mal au mal, c’est dramatiser encore plus un meurtre ou un viol, c’est insister trop sur le scandale de la violence. Malheur à celui par qui le scandale arrive ! Malheur, surtout, à la victime qui oserait se rebeller – tel ce père qui ose gifler le violeur de 13 ans de sa fillette de 4 ans et qui se voit traîner au tribunal par la mère du premier et condamné à 200 euros d’amende avec sursis. "La part des victimes, c’est la part des ténèbres", écrit superbement Obertone dans ce livre qui pourrait, pour ceux qui croient encore à la justice et au contrat social, être une lueur d’espoir.
Laurent Obertone, La France Orange Mécanique, Editions Ring, 352 pages, 18 euros, n vente depuis le 17 janvier 2013.
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