samedi 19 janvier 2013
Harcèlement moral: l'Opéra de Paris dans le viseur de l'inspection du travail
Huit mois après une première condamnation, et alors que les prud'hommes doivent examiner une nouvelle plainte pour harcèlement, les tensions sont loin d'être apaisées à l'Opéra, comme le prouve un courrier de l'inspection du travail que s'est procuré L'Express.
Le feuilleton du harcèlement moral à l'Opéra national de Paris pourrait connaître un nouvel acte. Lundi, les prud'hommes devaient examiner une troisième plainte -finalement renvoyée en avril- contre l'établissement, déjà condamné deux fois l'an dernier. Quant à l'inspection du travail, elle a relevé ces dernières semaines de nouveaux faits qualifiés de graves et répétés à l'encontre de salariés, qu'elle dénonce dans un courrier dont L'Express a pris connaissance.
Le 25 avril dernier, la justice avait sanctionné la vénérable maison pour la mise au placard d'une salariée. Les représentants du personnel avait vu dans la décision -dont l'Opéra a aussitôt fait appel- la reconnaissance d'un climat social délétère dénoncé depuis une dizaine d'année. D'autant que les prud'hommes ont récidivé peu après: le 15 juin, ils ont donné cette fois raison à une cadre de la programmation, qui dénonçait elle aussi une mise à l'écart.
Huit mois plus tard, la situation a-t-elle évolué? Le syndicat Snapac-CFDT, qui avait demandé "à la direction d'engager très rapidement, avec l'ensemble des partenaires sociaux, une négociation sur la prévention des risques psychosociaux ", estime ne pas avoir été entendu. "Nous n'avons pas eu de réponse, affirme aujourd'hui un syndicaliste. Il vaudrait pourtant mieux règler ces problèmes récurrents de manière durable, plutôt que d'aller régulièrement en justice."
Christophe Tardieu, directeur général adjoint de l'Opéra de Paris, conteste. "Un groupe de travail dirigé par le médecin de prévention planche depuis environ un an sur une cartographie des risques. Ca avance très bien et nous nous appuierons sur ses conclusions pour travailler sur la question", explique-il.
Et s'il reconnaît de la "souffrance" dans la deuxième affaire portée aux prud'hommes, il la juge "partagée parmi tous les salariés du service". "On l'a réorganisé, avec de nouvelles fiches de postes, détaille-t-il. Un cabinet spécialisé tente d'opérer une médiation pour résoudre un problème qui relève d'une confrontation de personnalités."
Rien qui reflète un malaise plus profond, assure-t-il, dans l'un des établissements culturels au plus faible taux de turn over, selon lui: "Je ne crois pas que l'Opéra soit une maison où le harcèlement fasse partie des méthodes de management. Mais on ne rencontre pas des divas que sur scène, il n'est pas étonnant que sur plus de 1700 salariés, quelques uns fassent une analyse erronée."
Un courrier de l'inspection du travail daté du 7 janvier témoigne pourtant de nouveaux cas de mal-être. La lettre "d'observations" adressée à Dominique Legrand, directeur des relations sociales et des ressources humaines, fait suite à des visites à l'Opéra les 28 novembre et 19 décembre, réalisées après les réclamations de salariés. Ces derniers "font état de situations de travail particulièrement dégradées au sein de plusieurs directions de [l'] établissement à Bastille", et notamment le service des caisses.
Sévère, l'inspecteur du travail constate que les employés en question ont effectivement fait l'objet de "convocations disciplinaires intempestives, s'apparentant à de véritables 'interrogatoires' sans qu'aucun courrier de convocation ne leur ait été préalablement adressé". A chaque fois, les salariés caissiers ou techniciens de vente ont été sommés de se rendre chez le DRH, qui leur aurait reproché des "malversations".
Des assignations sans préavis ni représentant du personnel qualifiées de contraires au "droit disciplinaire" de l'établissement, mais aussi dangereuses: "La violence inhérente à de telles convocations irrégulières parce qu'informelles et intempestives constitue une atteinte manifeste à la dignité et au droit des personnes, et est susceptible d'affecter gravement la santé mentale des salariés concernés", assène l'inspecteur. D'autant que deux d'entre eux "font d'ores et déjà l'objet d'arrêts maladie réguliers".
L'inspection du travail met aussi directement en garde le DRH contre des "interventions répétées à l'encontre de salariés de services ne relevant pas de [son] autorité". Et prévient que ses initiatives peuvent constituer un "'détournement du pouvoir de direction' caractéristique du délit de harcèlement moral, dès lors que cette pratique a pour but et/ou effet de porter atteinte à la santé mentale des salariés".
Christophe Tardieu se dit "très surpris" par le contenu du courrier. "Compte tenu de la gravité des faits invoqués, de leur caractère répété", son auteur se réserve pourtant "l'opportunité de mettre en oeuvre toutes les voies pénales indiquées" et de saisir le procureur de la République de Paris. Le rideau ne semble pas près de tomber...
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