vendredi 11 janvier 2013
Gauche haineuse : l’esprit sans-culotte est-il en train de ressurgir en France ?
Il faut confisquer les biens des riches émigrés, boycotter leurs œuvres, ce sont des traîtres à la patrie, un procès s’impose... On croit entendre le discours des sans-culottes contre leurs adversaires politiques, royalistes et tenants de l’Ancien régime au moment de la Révolution française.
Avec force démagogie, Lui-Président, pour se donner un vernis de gauche lors de sa campagne électorale, avait dénoncé le monde de la finance et agité la menace d’un impôt confiscatoire sur les hauts revenus. Que la République française ne puisse désormais payer ses fonctionnaires qu’en s’endettant auprès de cette finance honnie ne lui posait aucun problème pourvu que cette triste réalité n’affleure pas l’esprit de son électorat.
Il n’en fallait pas davantage pour faire oublier sa genèse politique : le delorisme bon teint des énarques carriéristes ayant misé sur la gauche au début des années 1980. Cette petite manipulation lui permit de circonscrire efficacement Mélenchon à une embellie sondagière sans prolongement dans les urnes. Une chose était sûre : les diatribes contre les possédants rencontraient un joli succès dans les meetings.
Mais la boîte de Pandore était entr’ouverte et, confronté à une hausse inexorable du chômage et de son impopularité, Hollande voit croître désormais, parmi ses soutiens de plus en plus déroutés, un sentiment anti-riches qu’il ne contrôle plus. L’affaire Depardieu en est le symptôme évident et l’on aurait finalement tort de ne pas la prendre au sérieux. La haine des "possédants" devient en effet la planche du salut psychologique d’un "peuple de gauche" qui se sent menacé par le monde tel qu’il devient.
Tout a singulièrement commencé. L’octroi par Poutine d’un passeport russe à l’acteur français était un camouflet pour Hollande mais aussi pour tous les partisans de sa recette miracle, faire payer les riches. Malédiction : ces ploutocrates peuvent vraiment s’en aller ! Alors que, dans un premier temps, le Monde, le Nouvel Obs et Libération avaient tenté de minimiser le symbole et n’avaient placé l’affaire du passeport qu’en sujet annexe, sur leurs sites Internet la marée des commentaires montrait à quel point leurs lecteurs, eux, brûlaient d’en découdre : près de 2737 "posts" sur Libération.fr en quelques heures.
Il est intéressant d’écumer ce flot de haine et d’acrimonie. Plusieurs thèmes dominent : il faut confisquer les biens de ces émigrés, boycotter leurs œuvres, ils sont gros et gras, dépravés et alcooliques, ce sont des traîtres à la patrie, un procès s’impose.
Mots pour mots, on retrouve les écrits et éructations des Sans-culottes contre leurs adversaires politiques, d’abord les royalistes et autres tenants de l’Ancien régime puis tous ceux qui ne partageaient pas leurs penchants. Du Monde à Libération, les réactions sont peu ou prou les mêmes : comme en 1793 les "accapareurs", les horribles nantis d’aujourd’hui sont la cause de tous les maux de la France.
Reconnaissons-le, Poutine est certainement un dirigeant aussi peu recommandable que Chavez, que beaucoup à gauche respectent et même admirent. Il est le chef d’un régime pétro-autoritaire qui se maintient au pouvoir grâce à la rente que les matières premières lui procure abondamment. Ni plus, ni moins.
Longtemps pourtant, la gauche française n’a guère trouvé à s’indigner du nouveau régime russe. Michaël Khodorkovski, son opposant emblématique, est en prison depuis bientôt dix ans et les protestations sont quasiment inexistantes. Pourquoi se battre pour la liberté d’un homme d’affaires ? Après avoir soutenu ou toléré la dictature communiste en Union soviétique, après tout, il n’y avait que peu de légitimité et d’intérêt à dénoncer l’autocrate du moment. A contrario, il a suffi que Poutine délivre un passeport à Depardieu pour que soudain la longue liste de ses méfaits envahisse les colonnes de la presse bien pensante.
Ce ne sont que bile et ressentiment d’internautes frustrés, objecterez-vous. Certes. Mais leur masse est insistante et impressionnante. Et surtout on entend, deci delà, des idéologues, dignitaires, hiérarques et bureaucrates du nouveau régime entonner le même refrain. Les exemples abondent et nous n’en prendrons que quelques uns.
Dans la catégorie des folliculaires, l’inénarrable Bruno Roger-Petit, mordeur de mollets pour le Nouvel Obs, y va de magnifiques dénonciations : " On veut défendre la liberté d'entreprendre, dénoncer le matraquage fiscal et un jour, on se retrouve à défendre un acteur à la dérive béatifié par Vladimir Poutine. La belle affaire, le beau bilan. Et tout cela pour le plaisir de haïr François Hollande et la gauche au pouvoir. S'il s'en trouve encore, après cette irruption de Poutine et son funèbre cortège d'atteinte aux droits de l'homme, des Copé, NKM, Deneuve et autres Elmaleh pour venir, face aux Français, défendre l'indéfendable citoyen Depardieu de la Russie de Poutine, ce sera bel et bien le signe que la droite française n'est plus seulement décomplexée, mais folle. Et bien moins authentiquement française qu'elle le prétend. " L’amalgame le dispute à l’accusation de folie et de trahison à la patrie, à quand l’appel à l’enfermement ?
Chez les politiciens, on retiendra les vœux de Pascal Cherki, député socialiste et maire du 14ème arrondissement de Paris qui, fin 2011, s’était contenté de faire payer aux contribuables parisiens une carte les appelant à voir la vie en rose, clin d’oeil appuyé aux échéances électorales imminentes.
Cette fois, il va jusqu’à écarter de ses souhaits de bonne santé et prospérité le Medef et les exilés fiscaux qui ne méritent que son "mépris républicain". Après quelques années passées comme avocat défendant des associations lourdement subventionnées telle Sos Racisme, dont il devint membre des instances dirigeantes, ce brave Cherki fait depuis plus de dix ans une confortable carrière d’élu-bureaucrate socialiste, cumulant désormais les indemnités grâce aux impôts dont on comprend bien qu’il a tout intérêt à les voir entrer dans les caisses de l’Etat et de la ville de Paris. Mais ça, ce n’est pas méprisable, c’est démocratique.
Le thème de la dépravation de ces sordides émigrés est, quant à lui, repris par l’inoxydable Cohn-Bendit, dont la carrière politique a commencé sous De Gaulle et qui réussit à conserver un vague air juvénile alors qu’il pulvérise tous les records de longévité d’élu professionnel. Chapeau l’artiste ! Pour le très ancien leader de la très lointaine révolte proto-bobo de mai 1968, l’argument de la dépravation des émigrés tombe sous le sens : "S'ils ont envie de dormir tous avec Poutine, qu'ils se mettent dans son lit et puis l'affaire est réglée". Ce sont donc des adorateurs de la virilité russe que ces gens là ! Nous aurions du y penser plus tôt. Ces anathèmes ne doivent pas faire oublier une chose. En 2011, un quart des diplômés des grandes écoles de commerce françaises recherchaient prioritairement un travail à l’étranger, une proportion record.
L’an dernier, à l’Edhec, le tiers de la promotion a quitté la France. Année après année, c’est vers Londres, Montréal, la Californie, l’Australie, la Chine que se tourne une jeunesse désireuse d’un autre avenir que le service de la rente foncière aux aînés et de la rente fiscale aux fonctionnaires.
Face à cette fuite des capacités, le malaise s’installe en Socialie. Que le PIB, comme c’est de plus en plus probable, stagne et même recule en 2013 et l’air va y devenir irrespirable. La haine du Riche, du Gros et de l’Emigré prospérera dans une France qu’on finira par ne plus reconnaître.
Pauvre Jean-Marc. Son "Nouveau modèle français" a fait un bide, avec une audience qui n’a guère dépassé la tribune du Monde où il était publié. Il faut dire que ce texte est une resucée anachronique du discours sur la "Nouvelle société" de Chaban-Delmas. Près de 40 ans sont passés mais Ayrault semble ne pas s’en être aperçu. C’est sans doute un signe de fraîcheur en politique.
Ce catalogue de formules creuses qu’on croirait produit par un logiciel de fabrication automatique de poncifs politiciens contient un curieux passage avouant que le niveau de la fiscalité et des dépenses publiques est trop élevé en France. Problème : Ayrault doit avoir oublié que cela résulte du programme même de son chef, Hollande, lequel, dans son impérissable ouvrage "Changer de destin" envisage noir sur blanc une hausse de la part des prélèvements obligatoires dans l’ex richesse nationale.
Pour montrer, qu’au contraire de Sarkozy à Gandrange, il est capable de tenir une promesse et revenir devant des salariés menacés de la fermeture de leur usine un an après ses engagements, Super-Normal s’est offert une virée très médiatisée à Petit-Couronne, rencontrant les salariés de la raffinerie Petroplus. La réalité est plus prosaïque et Montebourg a vendu la mèche il y a un mois : il existe un repreneur sérieux, un investisseur souverain libyen et l’Etat lui donnera un solide coup de pouce via le Fonds stratégique d’investissement. Mais rassurez-vous, ce ne sera pas une nationalisation ! A propos, les 470 salariés de Petroplus représentent 10 heures de hausse du chômage dans la France post mai-2012 ...
Comme le chômage ne va faire qu’augmenter et touche les salariés des services en zone urbaine, qui votent davantage socialiste que ceux des industries de province, le pouvoir s’inquiète. Si la FNAC vacille après Virgin, le traumatisme sera violent.
Une parade vient d’être bricolée : Cahuzac a constitué 2 milliards d’euros de réserve budgétaire supplémentaire pour financer davantage d’emplois factices, connus sous le nom de contrats d’avenir ou de génération, qui permettront de maquiller cette hausse. On ne sait jamais, deux ou trois cent mille embauches cosmétiques permettront peut être de vendre aux médias, d’ici la fin de l’année, l’inversion de la courbe du chômage. Le Rimmel va couler sous les cils de Marianne ...
Pour l’heure, des quelques réformettes suggérées par la Commission Jospin, qui devait proposer une refonte de nos institutions, seule la suppression de la présence des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel est retenue. Elle ne vaudra que pour l’avenir. Bref, cette coûteuse commission permettra peut-être d’économiser un emploi après 2017.
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