vendredi 11 janvier 2013
Cameron : être ou ne pas être européen ?
Cameron : être ou ne pas être européen ?
Depuis la rupture britannique, en décembre 2011, sur le traité fiscal instaurant la règle d'or, la Grande Bretagne s'interroge sur sa place en Europe. Face à une zone euro contrainte de se souder pour surmonter la crise, Londres a-t-elle encore des raisons de faire partie du club ? Sa stratégie d'influence de l'intérieur de la machine européenne aurait-elle atteint sa limite ?
Dans la presse, les milieux d'affaires, à la Chambre des Communes, le débat fait rage depuis des mois. Un audit sur deux ans a même été lancé par le gouvernement pour comprendre l'impact de l'Europe sur la société et l'économie britanniques. David Cameron doit, tout prochainement, prononcer un discours très attendu sur le sujet.
L'euroscepticisme, au-delà du Channel, est un sentiment ancien et bien enraciné. De nombreuses raisons l'expliquent : l'histoire, l'économie, la tradition juridique, la culture politique. Depuis l'adhésion de la Grande-Bretagne, en 1973, ce scepticisme a servi de boussole aux Premiers ministres de Sa Majesté sur le chemin de Bruxelles. Tout comme il a fait office de toile de fond évidente pour leurs partenaires sur le Continent.
Cela n'a pas empêché l'Europe d'avancer dans son processus d'intégration. Certes, la singularité britannique a toujours été un paramètre encombrant. Elle a valu des négociations musclées avec Londres, certaines dérogations, quelques retards et une ristourne (le fameux chèque britannique) aujourd'hui injustifiable. Mais après tout, le constitutionnalisme allemand n'a pas été moins encombrant lorsqu'il s'est agi d'aider Athènes. Ou la France moins inflexible en matière de politique agricole.
Poussée eurosceptique
Ce qui est nouveau dans le débat sur la place des Britanniques en Europe, c'est la radicalisation induite par la crise. Sur le front intérieur, les sondages montrent une forte poussée de l'euroscepticisme et avec lui du parti de l'Indépendance britannique, l'Ukip, crédité désormais de 15 % d'intention de vote. Ce parti rogne sur l'aile droite des Tories et sont une menace directe pour Cameron à mi-mandat.
Sur le continent, la peur de l'éclatement de la zone euro a favorisé un sursaut. Et si la sortie de la Grèce, « Grexit », n'est plus à l'ordre du jour, celle de la Grande-Bretagne, « Brexit », n'est plus taboue. À tel point qu'un Jacques Delors, insoupçonnable d'antijeu en matière européenne, imagine sans difficulté une Europe sans les Anglais qui ne resteraient liés que par un accord de libre-échange.
Au même moment, de l'autre côté de l'Atlantique, on s'inquiète, en revanche. De façon totalement inhabituelle, un haut responsable de l'administration Obama vient, mercredi, d'inciter clairement Londres à rester dans l'Union européenne. Pour mieux y conserver une influence, naturellement. Comme si, à Washington, on craignait que le projet de référendum sur l'appartenance à l'Union européenne, caressé par Cameron, ne finisse pas devenir ingouvernable.
Sur le même ton, quelques grands patrons britanniques mettent en garde aujourd'hui contre les répercussions économiques d'une rupture avec la première zone d'échange au monde. De fait, l'Union européenne absorbe plus de 50 % des exportations britanniques. L'intérêt économique est évident. Mais l'intérêt politique ? C'est tout le dilemme de David Cameron dans les prochains mois, lui qui va sans doute jouer sa chance de réélection, en 2015, sur un thème qu'il aurait préféré éviter : être européen ou pas.
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