vendredi 11 janvier 2013
En France, on n’a toujours pas de pétrole... et bientôt nous n’aurons plus celui des Russes
Le pétrole reste l'énergie indispensable à nos sociétés modernes. L'approvisionnement de la France repose essentiellement sur la production de la Russie. Notre fournisseur russe se dote des moyens de privilégier d’autres clients comme la Chine et le Japon et de livrer son pétrole à l’Est plutôt qu’à l’Ouest.
Une sombre affaire de tuyauterie a plus de chance de faire monter votre litre d’essence au-delà des 2 euros que tous les conflits en cours et en devenir au Moyen-Orient. C’est une histoire de pipeline dans le fin fond de la Sibérie, plutôt connue pour ses goulags que pour ses rois du pétrole. En France, on n’a toujours pas de pétrole... et bientôt nous n’aurons plus celui des Russes.
Il s’agit d'un oléoduc qui vient de s’ouvrir entre Taishet et Kozmino. Le point de départ se trouve en Sibérie orientale et l’arrivée donne sur la mer du Japon. Je vous présente ESPO, le East Siberia-Pacific Ocean pipeline.
C’est un projet titanesque : 25 Mds$ et quatre ans de travaux dont la dernière phase vient de s’achever. Au final, plus de 4 700 km de tuyaux relient maintenant le pétrole sibérien à l’Asie et même l’Amérique. C’est un projet d’une telle importance qu’un blend de pétrole a été créé spécialement pour ce pipeline et porte le même nom ESPO. De grande qualité et disponible partout dans le monde, il est en passe de devenir une référence qui concurrencera le Brent et le WTI. A ce jour, l’Europe importe 20% de son pétrole de Russie – qui est d’ailleurs le premier partenaire de l’Europe en matière d’hydrocarbures. Et comme le note un rapport d’information du Sénat dont l’encre n’est pas encore sèche :
« La dépendance énergétique à l'égard de la Russie devrait fortement s'accroître dans les prochaines années. La Commission européenne estime que, d'ici vingt ou trente ans, 70 % des besoins énergétiques de l'Union européenne devront être assurés par les importations, contre 50 % aujourd'hui. »
Or que se passe-t-il avec ce nouveau pipeline ?
Regardons un instant la carte :
A priori pas de problème : les gisements de Sibérie orientale pour l’Asie, l’Oural pour l’Europe et la Sibérie occidentale pour le premier qui y investit. Chacun chez soi et les moutons seront bien gardés.
Sauf que… Transneft – l’opérateur d’ESPO – a annoncé comme objectif 36 millions de tonnes de pétrole transportées en 2013 et, à terme, 80 millions de tonnes. Pour cela, il faudra augmenter la production des gisements de Sibérie orientale en 2013 et nécessairement transférer du brut de Sibérie occidentale et de l’Oural.
Et paf la gifle… voici donc que la Russie se prépare à nous sucrer notre fix de pétrole pour le donner aux junkies chinois, japonais et américains.
Ce pipeline de 25 Mds$ qui a vu le jour en quatre ans en est le premier exemple concret. Dans le même temps, le joint-venture entre Total et Gazprom pour exploiter le gisement géant de Shtokman en mer de Barents a échoué misérablement. Après quatre ans de patinage, les 450 salariés du projet ont finalement été remerciés en juin dernier. Ce n’est donc pas la mauvaise volonté des Russes qu’il faut ici juger mais bien l’incapacité de l’Europe à sécuriser ses approvisionnements en énergie sur le long terme.
Nous avons l’habitude de voir les prix de l’essence s’envoler à chaque crise politique au Moyen-Orient, il faut maintenant se faire à la concurrence de notre – ancienne – chasse gardée russe. Ce nouvel éclairage devrait nous pousser à repenser en profondeur notre approvisionnement énergétique pour les 30 prochaines années.
Dans ce contexte plus que tendu, la porte que nous avons fermée sur nos propres gisements de gaz de schistes paraît bien irresponsable. En France, on n’a pas de pétrole mais pas vraiment d’idées non plus. Je ne peux que vous conseiller de lire ce récent article de Florent Detroy sur le sujet : Gaz, ne vous trompez pas de cible.
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