TOUT EST DIT

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mercredi 21 novembre 2012

Crédibilité sur les marchés ? Ces taux bas qui enchantent Najat Vallaud Belkacem mais qui s’expliquent surtout par la violence fiscale que la France impose à ses classes moyennes

Moody’s vient de dégrader la France. Certains s’en offusquent, d’autres s’en réjouissent. Le Gouvernement s’en moque. Notre Commissaire des Peuples à l’Economie Moscovici estime que la France « est toujours bien notée». La ministre et porte-parole du gouvernement français, Najat Vallaud-Belkacem a relativisé "la portée de cette décision""Les investisseurs, aujourd'hui encore, prêtent à la France dans des conditions qui sont très favorables. Nous empruntons par exemple sur les emprunts à court terme à des taux négatifs, ce qui n'était pas arrivé depuis bien longtemps et cela va durer."
Cette suffisance, voire cette arrogance, pourrait surprendre de la part d’un pays moribond. Pourtant, notre madame Claude de la finance n’a peut-être pas tort. Mais pas pour les raisons qu’elle avance.
Non, les marchés ne font pas confiance à la France pour redresser ses comptes. Toutes les institutions internationales émettent des doutes sur un 3% de déficit illusoire. Non, les analystes ne croient pas que ce gouvernement fera les réformes de fond dont la France a besoin pour se sortir de la spirale infernale de l’endettement. Non, les partenaires de notre pays ne considèrent plus la France comme un pilier solide de l’Europe. Les craintes proviennent de Berlin, de Londres, de Rome et de Washington. Bientôt de Pékin. A demi-mots ou à pleines pages dans les journaux étrangers. Mais les signaux sont tous les mêmes : la France inquiète.
La ratonne illuminée
Et pourtant, il est vrai qu’aujourd’hui, elle peut se financer à 2% l’an pour un prêt sur 10 ans. Pas cher. Car la France est en banqueroute de fait, et n’offre que des produits toxiques aux investisseurs internationaux. Ses obligations financières, elle ne les honorera que grâce à deux moyens : le revolving et la violence.
Les chiffres sont accablantsLa France emprunte aujourd’hui 170 milliards (PLF 2013) pour en rembourser 100. Avec un budget de 300 milliards, elle emprunte donc 56% de son budget ! Essayez avec votre salaire… et allez voir un banquier pour demander un prêt (s’il n’est pas cardiaque). La France ne rembourse aujourd’hui ses dettes, ni par sa croissance, aussi molle que son hypo-président, ni par un excédent budgétaire inatteignable, mais bien par le revolving, cette pratique quasiment interdite pour tout acteur privé. Nous empruntons pour rembourser. C’est la définition même d’un ménage en faillite. C’est ainsi que le ratio dette / PIB augmente chaque jour pour atteindre bientôt 90%. Mais cela, tout le monde le sait.
Et pourtant, les marchés « rationnels » continuent à soutenir notre déficit à coups de taux étrangement bas. Qu’offre donc la France en garantie à ses emprunteurs ? De la terre, des ambassades, des contrats juteux ? Non, rien de tout cela. La France offre à ses créanciers ce que peu de démocraties modernes peuvent offrir : une violence fiscale sans précédent. Et cela, pour un prêteur souverain, ça n’a pas de prix. On ne parle plus de coercition, ni même d’inégalité devant l’impôt. Cela existe dans tous les pays. Et l’évasion fiscale est fortement punie, et fort justement, par exemple, aux Etats-Unis. Non, la France offre aux marchés son monopole légitime de la violence dans ce qu’il a de plus remarquable : un pot fiscal gras, soumis et totalement docile.
Alors que les Grecs s’évadaient fiscalement dans leur propre pays, que les Italiens payaient leurs impôts quand bon leur chantaient, que les Irlandais attiraient les sièges sociaux européens à coups de 12.5% d’impôt sur les sociétés, les Français, eux, continuaient à payer leurs impôts – les plus élevés de l’OCDE - rubis sur ongle. Pire ! Alors que les riches louvoyaient avec les niches fiscales et les pauvres restaient de fait exonérés, la classe moyenne française se retrouvait à payer le gros de ce poids phénoménal sans sourciller. Notre classe moyenne, si revendicatrice dès lors que l’on touche aux « acquis sociaux » de quelques corporations, ou à quelques « annuités et demi » pour faire valoir ses droits à la retraite, est paradoxalement muette, voire tétanisée, lorsque l’on réduit de 10 ou 20% son pouvoir d’achat par une augmentation de la CSG, de la TVA ou de l’IR. Jusqu’au point où la théorie économique elle-même ne fonctionne plus. Car en France, trop d’impôt ne tue pas l’impôt, contrairement à ce que nous enseignait Laffer. Trop d’impôt tue les ambitions, l’ascenseur social, toute velléité de créer, de risquer, d’innover, ou d’investir.
Mais hélas, l’impôt ne se suicide pas lui-même en gonflant comme le crapaud de la fable. Les Français ont été dressés pour cela. Taxés de fascisme dès qu’ils s’insurgent (Tixier-Vignancourt), d’égoïsme dès qu’ils s’en vont (amalgame entre exilés fiscaux, expatriés et évasion fiscale), voire, pire, d’ultra-libéralisme dès qu’ils font remarquer que l’économie souffre d’une pression fiscale trop importante, les contribuables français sont atrophiés, acceptant calmement les incompétences, les délires, les gâchis et les iniquités, au nom d’une justice sociale rabâchée à longueurs d’hebdos. Ils payent, ayant trop à perdre en partant, et pas assez à gagner en rejoignant des cieux plus cléments. En «classe-moyennisant » l’impôt à l’extrême, l’état français a réussi le putsch fiscal parfait.
A chaque fois que nos gouvernants raillent le riche à 4,000 euros par mois (en fait, la classe moyenne), le menacent, l’humilient, le soupçonnent, le traquent, le reniflent, les marchés se rassurent. Leur débiteur fera cracher les classes moyennes. Ça vaut bien quelques points de base de rabais ! C’est ce que Najat Vallaud-Belkacem ne comprend pas. Les taux bas français ne s’expliquent pas par notre capacité à créer de la croissance, mais par la capacité de l’état à violenter ses citoyens. Les investisseurs n’investissent pas sur l’avenir de la France, mais sur son passé. Les preuves données aux marchés sont nombreuses : depuis trente ans, les taxes les plus injustes socialement, les plus folles politiquement, les plus mortifères économiquement ont été introduites dans ce mille-feuille incompréhensible. Et l’Etat PS se porte garant de cette violence fiscale. Les marchés l’ont compris et récompensent cette mise au pas de nos concitoyens.
Pourtant, ce jeu est dangereux. Dès lors que la classe moyenne devra emprunter à court terme chez Cofidis pour couvrir ses besoins quotidiens, alors, peut-être que les marchés internationaux verront les obligations françaises pour ce qu’elles sont : des Junk Bonds sans valeur fondés sur une violence de moins en moins supportable. Et alors, ce ne sera plus l’impôt sur le revenu qui sera siphonné par les marchés chaque année, mais la TVA. Et le pot docile risque de tomber en se fracassant.

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