vendredi 2 mars 2012
Les Russes en quête d'avenir
Douze ans. Voilà douze ans que la Russie est gouvernée par Vladimir Poutine ou par son homme de paille, Dmitri Medvedev. Douze ans que cet ancien espion propulsé au sommet du pouvoir par le clan Eltsine domine la scène en autocrate ; qu'il a fait table rase des oppositions, des indépendantistes caucasiens, des oligarques trop ambitieux, des médias encombrants. Douze ans qu'il sème, à tous les postes névralgiques de l'appareil militaire, de l'économie, de la finance, de l'industrie, un réseau de fidèles amis cooptés, comme il le fut lui-même, sur la base de leur loyauté. Et pourtant, même si la réélection de Poutine ne fait guère de doute, jamais l'homme fort du Kremlin n'a paru aussi vulnérable.
Si l'image de l'homme de glace au regard invincible s'est embuée depuis quelques mois, c'est d'abord sous le feu d'une contestation inédite depuis la chute de l'empire soviétique. On manifeste à Moscou comme on ne l'a jamais fait depuis le temps d'Eltsine. Sur Internet, la dérision fuse. La classe moyenne, née du boom économique des années 2000, se politise. Elle connaît l'Occident, réclame des droits, veut construire un avenir à ses enfants. L'argent facile n'est pas son credo. Les corruptions, petites et grandes, imposées quotidiennement par tous les fonctionnaires des « ministères de force », lui sont désormais insupportables.
Enquêtes sociologiques, données économiques, revendications politiques : tout porte à penser qu'une bourgeoisie nouvelle est en action et qu'elle réclame un modèle d'État adapté à son propre développement. Ce rendez-vous, la Russie l'a déjà manqué à trois reprises en un siècle. La cécité des tsars le rendit impossible il y a cent ans. L'aveuglement communiste en congela l'hypothèse pendant soixante-dix ans. L'accaparement mafieux des ressources qui a suivi depuis vingt ans l'a rendu impossible. Le moment serait-il venu ? De nombreux indices indiquent une poussée en ce sens, bien que minoritaire. Les jeunes exigent la liberté d'expression et des élections libres. Tout un monde associatif, demandeur d'un État de droit, a vu le jour. Les nouveaux entrepreneurs, convertis à la concurrence ¯ une nouveauté, en Russie ¯ veulent une vraie lutte contre la corruption. Les économistes libéraux, y compris au sommet, aimeraient voir l'État moins envahissant.
Or, c'est justement sur la bureaucratie et sa puissance clientéliste que le système oligarchique recadré par Poutine a prospéré depuis douze ans, propulsé par un baril de pétrole à plus de cent dollars. Les Russes sont plus prospères ; beaucoup l'attribuent à Poutine, mais l'ordre n'est qu'apparent. Ce qui fragilise l'homme fort du régime, c'est que le pouvoir hybride qu'il a créé, mêlant développement économique et poigne soviétique, pourrait atteindre un point limite. Même si la constitution l'autorise à gouverner encore douze ans, c'est pour de plus en plus de Russes un homme du passé qui va gagner cette élection. On ne connaît pas à ce jour, chez Vladimir Poutine, de penchant naturel pour la démocratie. Face à la contestation, on peut donc s'attendre à le voir, passé le vote, se raidir. À l'intérieur comme à l'international.
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