”Le mépris typiquement français pour les petits pays et leurs
drames. Mais si ! Mais si, je le vois bien ! Vous ne devriez pas. Votre
grande histoire ne vous donne aucun droit sur nous. Elle a été autant
abîmée que la nôtre, votre grande histoire, seulement vous ne voulez pas
le reconnaître, non ? Je me trompe ? Vous avez cru que votre histoire
vous donnait des droits sur les autres, sur les petits, sur les vaincus.
Vous faites une erreur. Vous faites une erreur grossière depuis des
années. Les petits pays vous voient rapetisser à votre tour, certains,
pour tout dire, avec une certaine jubilation. Et le grand pays vaincu ne
vous reconnaît plus aucun droit sur lui. Vingt ans et quelques mois à
Stuttgart. Je connais suffisamment les Allemands pour vous dire que leur
conscience politique, si vous me permettez ce mot, ne vous accorde plus
le moindre droit sur eux. Ils ne veulent plus que vous vous mêliez de
leurs affaires, point final. Vous dites l’Europe ? Quelle Europe ? Votre
Europe est une excuse pour conserver votre part du gâteau. Plus
personne ne se laissera prendre à votre truc. Y compris les Allemands.
Comprenez une fois pour toutes que les Allemands sont à la fois
puissants et provinciaux, provinciaux et puissants. Quand cela les
arrange, ils se replient sur eux et impossible de leur faire prendre la
mesure de leurs responsabilités. Le lendemain, ils prennent deux ou
trois décisions économiques qui écrasent leurs voisins. En toute bonne
conscience. Et vous qui réclamez de leur part un sens universel ! Une
vision du monde ! Vous êtes prisonniers de votre histoire et vous ne la
connaissez pas. Autant que vous êtes aveugles à l’histoire des autres.”
Bruno Le Maire, Musique absolue, Une répétition avec Carlos Kleiber, Gallimard, NRF, L’infini 2012
samedi 15 décembre 2012
Bruno Le Maire, la France et l’Allemagne
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