Moi, Président Je............... |
samedi 15 décembre 2012
Battage sur l'accessoire, flou sur l'essentiel : quand donc François Hollande finira-t-il par s'attaquer aux réformes dont la France a besoin ?
Alors que François Hollande est au plus
bas dans les sondages, Jean-Pierre Chevènement explique que le
président ne s'occupe que de problèmes périphériques. Et les Européens,
les entreprises et les agences de notation de s'impatienter.
Les semaines se suivent et la situation
française n’en finit pas de se dégrader. Personne ne comprend ce qui se
passe au niveau de l’Etat et de la haute administration.
François
Hollande pourrait passer une partie de son week-end à éplucher les
derniers sondages et regretter qu’il ne soit plus soutenu que par moins
d’un tiers des Français que ça n’effacerait pas les erreurs politiques
et l’absence de vraies décisions. C’est Jean-Pierre Chevènement qui a
assez bien résumé la situation vendredi soir en regrettant que le chef
de l’État ne s’occupe que de problèmes périphériques et marginaux. Bref
il amuse la galerie et gagne du temps en permanence. La politique doit
servir à autre chose qu'à dissimuler la poussière sous les tapis.
Et
c’est vrai. Pourquoi se mêler des préoccupations judiciaires de sa
compagne au point d’envoyer une lettre au juge chargé de traiter cette
affaire de diffamation. Plus grave encore, pourquoi demander à son
ministre de l’Intérieur de témoigner par écrit de sa bonne foi. Tout
cela est surréaliste. Pourquoi intervenir aussi maladroitement dans le
dossier des aciéries de Florange au point de discréditer une décision
qui n’était pourtant pas si mauvaise et de se mettre tout le monde à
dos. Pourquoi s’entêter à présenter un projet de loi mal ficelé sur le
mariage pour tous. Pourquoi s’abaisser à critiquer la décision de Gérard
Depardieu de s’expatrier en Belgique sans s’interroger sur les vraies
raisons qui poussent tant de Français à l’exil fiscal. Pourquoi menacer
les riches. Faudra-t-il aussi un jour interdire aux jeunes diplômés
français de partir à l’étranger prendre des jobs qu'ils ne trouvent pas
en France ? (80% des effectifs sortis des grandes écoles en Juin 2012
sont partis s’installer hors de nos frontières). Faudrait-il empêcher
les retraités de la classe moyenne de résider au Maroc comme ils le font
de plus en plus…
Pourquoi accepter que l’équipe
gouvernementale se contredise pratiquement tous les jours sur des sujets
qui ne sont d’ailleurs pas primordiaux ce qui laisse l’impression d’un
énorme désordre. Pourquoi le président accepte-t-il d’être aussi mal
conseillé, d'avoir un entourage aussi absent au point de le laisser
déraper à ce point.
La grande majorité des
Français sont déçus par un gouvernement qui n’a pas pu réaliser les
promesses de campagne mais il fallait s’y attendre. Ils sont surtout
déçus par la politique économique qui ne répond pas aux nécessités de la
situation. Ils sont déçus par la politique sociale qui se délite dans
le nombre de chômeurs qui s’accroît.
L’annonce
faite par Fitch que la France va pouvoir garder sa notation AAA n’a
impressionné personne. D'abord parce que les autres agences ont dégradé
la France depuis plus d’un an, ensuite parce ce que le propriétaire de
l’agence, le Français Marc de la Charrière a été automatiquement
soupçonné de complaisance, ce qui est peut-être injuste. Enfin, quand on
lit les attendus de l’agence, le diagnostic est sévère (on attend les
réformes) et la menace est claire (sans preuve que la dépense publique
va baisser, il faudra dégrader la France). D'où les remarques
cacophoniques gouvernementales. D'un côté Pierre Moscovici qui fait
semblant de ne pas avoir lu les attendus se félicite de ce triple A.
François Hollande, lui, a dû les lire et du coup le prend de haut en
disant que "la France ne se fera pas dicter sa politique par une agence de notation".
Les Français seraient prêts à accepter tous les
efforts budgétaires et les réformes de structures si douloureuses
soient-elles s’ils avaient le sentiment que la politique puisse à terme
améliorer la situation. Mais depuis quelques semaines, les Français ne
comprennent pas que le gouvernement ne fasse rien d’autre que de traiter
des problèmes sociétaux ou des questions de morale et d'éthique (certes
importants mais pas forcément de la première urgence).
L’urgence
des urgences serait de sécuriser l’évolution économique. Ça passe par
la solidarité européenne. François Hollande n’a convaincu personne en
claironnant que le dernier sommet européen avait été un "bon sommet".
Contrairement à ce qu'il a affirmé, ce n’est pas le président français
qui a arraché la mise en place de la régulation bancaire. Cette réforme
très importante avait été initiée par Michel Barnier, le commissaire à
la concurrence, soutenue par Nicolas Sarkozy, puis plus récemment par
Mario Monti. Angela Merkel a accepté de défendre le projet contre la
promesse de ses partenaires qu'ils tiendront leurs engagements de
réformes. Et au final, la réforme a été adoptée grâce à l’habileté de
Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne qui est
ainsi devenu le banquier en dernier ressort. François Hollande aurait pu
se féliciter publiquement de l’action de la Banque centrale qui devrait
nous permettre d’amortir un peu la brutalité de la rigueur allemande et
de mettre en place des systèmes de financements qui sont très proches
des euro bonds.
Mais s’il l’avait fait, c'eût été
reconnaitre publiquement un nouvel abandon de souveraineté inacceptable
pour une grande partie de sa majorité.
Pourtant les faits sont têtus.
Apres
avoir consenti la réforme budgétaire qui contraint les États membres à
soumettre leurs lois de finances au contrôle de Bruxelles, la France a
accepté de déléguer la surveillance de ses banques à la Banque centrale
européenne.
Les choses ne se sont pas très bien
passées à Bruxelles quand le president français a déclaré qu'on était
sorti de la crise… Angela Merkel aurait déclaré pendant le dernier diner
qu'on sortira de la crise quand un pays comme la France nous aura
démontré qu'il est capable d’assainir ses finances publiques à l'image
de ce qui se passe aujourd'hui en Italie… Angela Merkel n'a d’ailleurs
pas ménagé ses efforts pour assurer Mario Monti de son soutien contre
les manœuvres ridicules mais dangereuses de Sylvio Berlusconi. Lequel
agace plus qu'il n'inquiète. Les chefs d'États et de gouvernement
souhaitent et pensent que Mario Monti finira pas se présenter et qu'il
sera élu.
François Hollande aussi et c’est pour
cette raison que du bout des lèvres il a reconnu les efforts faits par
l’Italie pourtant gouvernée par un chef de gouvernement qui n’appartient
pas à la gauche.
Bref les Français trouvent le
temps de plus en plus long à Bruxelles où on leur a reproché une fois de
plus d’être flous sur la strategie de politique économique, vagues sur
les réformes à venir et incertains quant à la capacité de reduire la
dépense publique. Cette attitude a été d'autant plus mal vécue par nos
partenaires quand la délégation française a essayé d’ouvrir des dossiers
de l’harmonisation fiscale.
Pour Francois Hollande et Pierre Moscovici, il
s'agissait bien sûr de profiter du bruit mediatique fait par Gerard
Depardieu et signifier aux militants socialistes français qu'ils
n’allaient pas "se laisser impressionner par quelques riches qui fuient leur responsabilités nationales",
la morale toujours. Mais ils ont précisé que la solution était plus
européenne que francaise. Les Anglais, les Belges, les Allemands et les
Italiens ne se sont pas privés de renvoyer poliment les Français dans
les méandres de leur propre fiscalité. Mario Monti, ancien professeur
d’économie, rappelait le théorème de Laffer : "les hauts taux tuent les
totaux".
On espère à l'Élysée que le dossier va se
refermer. On n’a d’ailleurs modérément apprécié l’émotion de Michel
Sardou qui a complètement oublié les années passées en Floride. On sait
surtout qu'il voulait s'offrir une publicité à bon compte pour remplir
Bercy, ce qui était loin d’être le cas.
Les
"forces vives du pays" comme on dit au moment des vœux ne décolèrent
pas. Les syndicats considèrent que la mauvaise gestion du dossier
Arcelor les met dans une position difficile. Ils sont obligés de durcir
leur position alors qu’ils étaient prêts à finaliser les accords
proposés par Michel Sapin qui va être obligé de mouiller sa chemise une
fois de plus.
Les chefs d'entreprises ne tolèrent
plus d’être ainsi en permanence cloués au pilori. La loi de finances qui
a été votée cette semaine est selon les termes d’un grand patron
français parti à Genève "une loi d’étranglement fiscal, y compris pour
les créateurs de start-up". Et pour cause, contrairement aux promesses,
les pigeons n’ont pas obtenu une modification de la taxation des
plus-values. Finalement les pigeons vont donc se faire plumer. La
majorité des chefs d’entreprises ne peuvent pas déménager mais tous y
pensent. Les états-majors des grandes entreprises du CAC 40 ont informé
François Hollande qu'ils étudiaient des déménagements soit en
Grande-Bretagne soit aux Pays-Bas où beaucoup ont déjà acheté des
locaux.
Fidèle à sa méthode, le président de la République va essayer la semaine prochaine de calmer le jeu et de gagner du temps.
Au
niveau du parti socialiste, il reçoit dès lundi matin Bruno Leroux qui a
de plus en mal à tenir le groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
L’offensive des députés fidèles a Ségolène Royal pour préparer une
arrivée au gouvernement empoissonne les conseillers de l’Elysée qui
n’avaient vraiment pas besoin de cela pour brouiller encore plus les
cartes. D’autant que Jean-Marc Ayrault est de plus en plus handicapé.
Sur Arcelor, comme sur l’affaire de l’aéroport de Nantes, il n’a pas
réussi à reprendre la main.
Au niveau des
entreprises, François Hollande a cédé à l’invitation pressante de
l'Afep de venir s’expliquer. L’Afep, l’association française des
entreprises privées, est le cœur du réacteur patronal. Créée en 1982 par
Amboise Roux au lendemain de l’élection de François Mitterrand, l’Afep
est une association discrète des patrons des plus grandes entreprises
françaises. Elle est devenue l’association la plus influente à Paris
comme à Bruxelles pour peser sur les décisions politiques.
Les diners ne sont pas publics. François Hollande va
donc rencontrer à huis clos les membres de l’Afep mardi soir et de
l’avis de tous ça risque d’être sportif. Pierre Pringuet, le PDG de
Pernod Ricard qui a succédé à Maurice Levy pour animer cette société
secrète, a été mandaté pour prévenir François Hollande de l’urgence de
la situation. Tout va donc y passer, la fiscalité, le droit du travail,
les déficits budgétaires, et surtout le climat d’hostilité permanente à
l’encontre des chefs d’entreprise.
Les hasards de
l’agenda ne permettront pas au président de terminer la semaine en toute
quiétude. Jeudi, la visite officielle en Algérie, provoque et énerve.
C’est une promesse faite pendant la campagne électorale mais le voyage
indispose les autres pays du Maghreb qui ont beaucoup de mal à contenir
la montée du radicalisme religieux. La Tunisie, la Libye, et le Maroc où
François Hollande a envoyé Jean-Marc Ayrault pour rassurer les libéraux
marocains. En vain.
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