D'où vient cette nouvelle polémique sur un brevet d'Apple ?
Si le brevet d'Apple sur le rectangle aux bouts arrondis a pu faire rire, celui permettant de désactiver un appareil sans fil à distance fait plutôt hurler. Déposé en juin 2008, ce brevet (U.S. Patent No. 8.254.902) a été accordé à Apple en août dernier. Dévoilé dès le début septembre par plusieurs sites spécialisés anglo-saxons, comme ZDNet, ou hexagonaux, comme Numerama, il suscite un début de polémique en France depuis la publication jeudi d'un article du Daily Mail en raison des atteintes potentielles aux libertés individuelles. Au point que le site Reflet.info a publié
un post au vitriol ouvrant sur cet appel : " Journalistes, citoyens,
jetez vos putains d'iPhone... Maintenant ". Aussitôt suivi par une vague
de commentaires sur les réseaux sociaux...
Et il est si terrible que ça, ce brevet ?D'après
son intitulé, il définit des " méthodes et des moyens pour appliquer
des mesures de police sur un appareil sans fil ". Il s'agit notamment de
pouvoir " changer un ou plusieurs aspect fonctionnel ou opérationnel
(...) dans certaines circonstances ". Si vous ne comprenez pas ce
jargon, sachez que l'objectif est concrètement de pouvoir désactiver à
distance des fonctionnalités de l'iPhone, comme son appareil photo ou sa
camera par exemple, ou de lui fermer carrément l'accès au réseau.
Comment ? En envoyant un signal capable de bloquer sélectivement telle
ou telle fonctionnalité d'un smartphone se trouvant dans un certain
périmètre. Apple affirme qu'il s'agit principalement de prévenir des
atteintes au droit d'auteur (enregistrer un concert ou capter un film
dans une salle de cinéma), d'empêcher la prise de photo dans des
endroits inappropriés (des cabines d'essayage) ou des communications
dans une salle d'examen. Parmi les autres motifs de recourir à une telle
fonctionnalité, le groupe évoque la gêne occasionnée par les sonneries
et les risques d'interférences dans les avions ou les hôpitaux. Le
brevet précise clairement qu'Apple ne ferait qu'implémenter cet
interrupteur à distance : la décision de l'utiliser ou non revenant
entièrement aux autorités, aux entreprises ou aux opérateurs télécoms...
C'est donc pour la bonne cause alors... Chacun
appréciera ce qui peut justifier ou pas une limitation à l'usage de son
smartphone... Mais ce qui inquiète surtout les défenseurs des droits de
l'homme, c'est qu'Apple indique tout aussi clairement que son brevet "
couvre les opérations de police ou du gouvernement qui peuvent requérir
un blackout complet ". Autrement dit, la fonctionnalité pourrait servir à
empêcher des manifestants de communiquer entre eux ou de prendre des
photos ou des vidéos d'exactions des forces de l'ordre. Le Daily Mail
rappelle ainsi le rôle important joué par les téléphones mobiles dans
les révolutions arabes et pointe les risques de mettre une telle arme à
disposition de la police... et pas seulement dans les dictatures. Le
journal évoque aussi le cas d'une manifestation d'étudiants de
l'Université Davis de Californie, aspergés de gaz au poivre par un
policier, et indemnisés à hauteur de 30.000 dollars par personne grâce à
une vidéo tournée avec un smartphone.
Faut-il jeter son iPhone?Ce
n'est pas la première fois qu'Apple est mis en cause pour des atteintes
à la vie privée des utilisateurs d'iPhone. On se souvient de la
polémique sur l'archivage des données géolocalisée. Le problème, c'est
qu'il n'y a pas forcément de gentille alternative facilement disponible.
Si Apple a déjà prévu la possibilité de supprimer des applications à
distance sur ses iPhone actuels, Google a déjà procédé à de telles
suppressions. Et on se souvient du scandale provoqué par Amazon quand il
a effacé des livres sur les Kindle de ses clients. iGeneration.fr rappelle qu'un employé de Microsoft a révélé que " Windows Phone est aussi doté
d'une telle fonction kill switch ". Et qu'il l'avait utilisé en 2011
pour désinstaller des versions pirates de jeux sur les smartphones de
ses clients. Enfin, les dictatures n'ont pas attendu Apple pour couper
les accès internet. De façon générale, les télécoms et l'informatique
sont connues pour l'installation de portes dérobées permettant
éventuellement aux autorités de contrôler les communications voire les
appareils eux-mêmes. Raison de plus, diront certains, pour ne pas leur
donner des armes supplémentaires. Car si les opérateurs télécoms sont
déjà capables de désactiver les téléphones volés, le brevet d'Apple
permettrait de couper les communications dans une zone donnée. C'est
donc beaucoup plus puissant... Mais là encore, Numerama rappelle que la
firme à la pomme n'est pas la seule : Microsoft a également déposé un
brevet du même type.
dimanche 11 novembre 2012
Un brevet Apple fait polémique
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