lundi 29 octobre 2012
Le quinquennat et les bouleversements des institutions ont-ils tué le Premier ministre ?
L'élection du Président de la
république au suffrage universel direct fête ses cinquante ans le 28
octobre. Malgré la distribution des rôles dans la Constitution, les
relations entre le Président et son Premier ministre restent fortement
dépendantes de la personnalité du chef de l'Etat.
Didier Maus :
Rien n’a vraiment changé pour le général de Gaulle. Tout a changé pour
ses successeurs. En 1962 le général de Gaulle a été, de fait, confirmé
par le référendum du 28 octobre et la victoire de l’UNR-UDT aux
élections législatives de novembre. Il a exercé son pouvoir de la même
manière avant et après le référendum, mais avec un horizon plus dégagé.
La séquence de l’automne 1962 (renversement du gouvernent Pompidou,
dissolution de l’Assemblée nationale, référendum, élections
législatives, le tout en moins de deux mois) est la dernière étape de la
crise politique et institutionnelle ouverte le 13 mai 1958. Raymond
Aron a d’ailleurs considéré qu’il s’agissait de la deuxième naissance,
la vraie, de la Ve République. Avant le référendum, il y avait un risque de retour vers la IVe République,
même avec la Constitution de 1958 ; après il y a une confirmation de
l’adhésion des Français au nouvel équilibre des pouvoirs.
Il
n’en demeure pas moins que c’est à cause du changement de mode
d’élection du Président de la République que le général de Gaulle a été
mis en ballotage en décembre 1965, qu’il a été obligé de faire campagne
au second tour contre François Mitterrand et que, même s’il a gagné, il
n’est plus « au-dessus » des partis. Le parcours ultérieur de François
Mitterrand (le Programme commun de la gauche de 1972, sa victoire en
1981) découle directement de sa position de chef de l’opposition, née de
ses 44,5% le 19 décembre 1965.
L’élection
du Président de la République au suffrage universel direct a
profondément transformé non seulement le statut du Président, mais a
bouleversé la vie politique française. Elle est devenue l’élection
centrale, reléguant, sauf périodes de cohabitation, les élections
législatives au second rang. Désormais le Président de la
République est obligé de tirer la logique de son extraordinaire
légitimité démocratique. Il ne peut plus se mettre en retrait. Son
dialogue avec les Françaises et les Français constitue nécessairement le
socle de son programme et engage sa responsabilité s’il se représente à
l’élection suivante. Les défaites de Valéry Giscard d’Estaing en 1981
et de Nicolas Sarkozy en 2012 répondent à cette logique.
La
modification essentielle est la coïncidence des calendriers. Le
Président de la République, la majorité de l’Assemblée nationale et le
Gouvernement ont désormais le même horizon. La disparition, pour
l’instant, des élections politiques intermédiaires aligne la durée de
l’exercice du pouvoir en France sur la moyenne des autres pays
européens. Il est évident que si le Président de la République envisage
de se représenter, il est obligé de « diriger » l’action du Premier
ministre et du Gouvernement. Il leur appartient, ensuite, d’aménager
leurs relations en fonction des circonstances et, surtout, de leurs
tempéraments. Le Premier ministre demeure responsable devant l’Assemblée
nationale, c’est-à-dire en fait de devant sa majorité.
Il sera intéressant, un jour, après 2017 peut-être,
de voir comment fonctionne la relation Président/Premier ministre lors
du second mandat du Président, puisqu’il sera dans l’impossibilité de se
représenter et que le Premier ministre aura une tendance naturelle à se
considérer come un candidat potentiel.
Il
y a nécessairement conjugaison entre le statut constitutionnel et la
personnalité. Il est incontestable que Nicolas Sarkozy s’est comporté en
véritable chef de gouvernement et de majorité. Il a poussé le plus loin
possible l’emprise du Président de la République sur le système de
décision, au risque, parfois, d’aller vraiment trop vite et trop loin. A
partir du moment où la majorité de l’Assemblée nationale est obligée (à
tort ou à raison) d’être disciplinée autour du Président et que
l’existence du Gouvernement, à la fois dans son être collectif et dans
les situations individuelles, dépend totalement du Président de la
République, il y a une situation de fait qui dépasse les mécanismes
constitutionels.
Non. Je crois que les
difficultés d’aujourd’hui, réelles, proviennent avant tout d’un
fonctionnement encore mal organisé du processus de décision interne au
trio Président/Gouvernement/Majorité. Il y a des différences
fondamentales entre la manière dont l’autorité s’exerce dans un parti
politique, surtout dans l’opposition, et la manière dont fonctionne
l’État. Il est indispensable que le Président bénéficie d’une autorité
non seulement constitutionnelle, mais également naturelle à l’égard du
Gouvernement, de la majorité et des partis de la majorité. Lorsqu’il est
devenu Président de la République en 1981 François Mitterrand était le
chef incontesté de l’Union de la gauche. Il savait incarner le pouvoir à
l’égard de sa majorité et, le cas échéant, faire preuve d’autorité, par
exemple en 1983/1984, avec les changements de gouvernement et le départ
des ministres communistes.
Soit il faut que les
décisions essentielles soient véritablement prises par le Président,
soit que celles du Premier ministre bénéficient automatiquement du
soutien du Président.
J’ai toujours considéré que le
régime présidentiel « à l’américaine », qui n’existe dans aucun pays de
l’Union européenne, est impossible en France. Il y a une différence
fondamentale entre la France et les États-Unis : le fédéralisme. Les
États-Unis sont une fédération de 50 entités (les Etats) qui ont délégué
une partie de leurs compétences (le moins possible) aux institutions
centrales, Président, Congrès et Cour suprême. La réalité du pouvoir
politique (fiscalité, droit civil, droit pénal, services sociaux,…)
quotidien se trouve dans les états. Il y a aux États-Unis une crainte
maladive d’un trop grand pouvoir central.
L’histoire de la France est totalement différente.
Elle s’est faite autour d’un pouvoir central fort, même parfois très
fort. On voit bien que même les plus ardents partisans de la
décentralisation veulent mettre en place des mécanismes nationaux de
solidarité. Dans ces conditions le régime présidentiel, qui est plus
faible que l’on le croit, n’est pas l’idéal de la République. Il
serait bien préférable de se demander comment évoluer vers un régime
parlementaire stable et efficace. C’est impossible, en France, avec
l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.
AVEC HOLLANDE LE SUFFRAGE UNIVERSEL A TOUCHÉ LE FOND.
CHANGEONS DE MODE DE SCRUTIN.
ABATTONS L'ERREUR ET RECOMMENÇONS DE ZÉRO
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