lundi 29 octobre 2012
François Hollande a-t-il déjà démissionné ?
Cette semaine, Serge Federbusch revient
sur les accords conclus entre la France et l'Allemagne lors du Sommet
européen, et s'interroge sur les réelles ambitions de François Hollande.
Victoire
! avait crié un peu tôt Moi-Président à l’occasion d’un sommet européen
où l’Allemagne devait se ranger à ses vues sur la supervision bancaire
en zone euro. Le Nouvel Obs mettait immédiatement ce succès en «une» accompagné d’une photographie de son idole tout sourire.
Hélas,
la révélation progressive du contenu de l’accord laissa place à une
triste réalité : l’Allemagne n’avait presque rien cédé mais obtenu tout
ce qu’elle voulait. Le contrôle de ses banques régionales reste de facto
dévolu à la Bundesbank et l’aide apportée aux établissement financiers
en difficulté ne sera pas versée avant au plus tôt la fin 2013, le temps
que les élections teutoniques soient passées. Les banques espagnoles
devront attendre et avec elles leurs créanciers français. Quant au thème
des Eurobonds, qui saisit notre chef suprême comme une maladie
périodique, il est enterré aussi vite qu’il était réapparu.
Le rêve d’une Allemagne payant les dettes des clientèles électorales de la gauche française est de plus en plus évanescent. La
réalité est prosaïque : d’ici aux élections allemandes, Merkel fera ce
qu’elle jugera nécessaire à son succès et, après cela, c’est Hollande
dont le mandat sera le plus avancé et la situation politique la plus
fragile. Notre président normal se gargarisait d’une position de force
liée au calendrier politique. Il capitule déjà sur tous les sujets.
En
réalité, le «pouvoir» (il va bientôt falloir utiliser ce mot avec des
guillemets) socialiste, une fois passée la mise un oeuvre de son projet
cauteleux, en porte-à-faux avec l’ampleur de la crise et truffé de
mauvaises idées, doit se contenter de croiser les doigts en espérant que
la reprise s’amorce en Europe en 2013. Il s’abandonne aux événements,
fait adopter une règle d’or en espérant ne pas avoir à l’appliquer, prie
pour que les créanciers du Trésor public ne deviennent pas plus
regardants. Jusqu’à aujourd’hui, loin d’être son ennemie, la finance a
été sa seule amie, se contentant de faibles taux d’intérêt sur la dette
française. Mais pour combien de temps encore ? Qu’il est dur d’être à ce
point dépendant de son adversaire proclamé ...
Adepte
de la méthode Coué, Hollande en a profité pour se rassurer en
proclamant que «le pire de la crise européenne est passé». Hélas, il
n’en est rien. L’une des principales difficultés auxquelles se
heurte l’Euroland est que le taux de change de l’euro se cale sur les
performances de l’économie la plus solide, celle de l’Allemagne. Pis
encore, plus les marchés anticipent que la discipline germanique
s’imposera aux autres pays, plus ils valorisent l’euro, rendant la
reprise des économies du Sud quasiment impossible. L’édifice de l‘union
monétaire est fondé sur cette dissymétrie et menace ruine.
C’est
pourtant sur cette construction bancale qu’Hollande fait reposer son
avenir et, malheureusement, le nôtre. Renonçant à toute action autonome
faute de réformer vraiment la France, il a déjà démissionné de toute
ambition.
Autre
illustration de ce renoncement, le fameux «choc de compétitivité», qui
s’est d’abord transformé en simple «trajectoire de compétitivité » dans
le vocabulaire d’Ayrault puis traduit par un enterrement de troisième
classe pour le futur rapport Gallois qui «n’engage pas le président, ni
le gouvernement». Il faut dire que Gallois est suspecté de vouloir
réduire drastiquement les dépenses publiques, crime suprême en
Socialie. Les rapports administratifs ensevelis, la République
en est coutumière. Mais les enterrements avant publication, c’est une
première. De tergiversations face aux choix difficiles en
abdications devant les décisions courageuses, à quand une démission pour
de vrai ?
S’emparant
désormais, comme son prédécesseur, des faits divers qui émeuvent
l’opinion, le président de proximité a demandé qu’une enquête soit faite
sur l’accouchement sur l’A20 où une malheureuse mère n’est pas arrivée à
temps pour mettre au monde son enfant à l’hôpital de Brive. François
Hollande a évoqué cette affaire, samedi 20 octobre, alors qu’il
s’exprimait devant le congrès de la mutualité française à Nice : « Le
drame qui s’est produit hier où une femme a perdu l’enfant qu’elle
portait nous appelle une nouvelle fois, encore, à ne rien accepter en
matière de désert médical. »
Cette
présidentielle remarque tombe mal car la mère déclare désormais que rien
ne pouvait être fait et s’indigne «de la récupération politique» de ce
triste sujet. Quel est le nom du principal récupérateur ?
La
nomination d’un second couteau à la direction de la BPI laisse le champ
libre à Jouyet, président et chef réel du nouvel établissement. La
création du fameux bras armé de la ré-industrialisation à la sauce
«hollandaise» se traduit donc par la simple absorption d’Oséo,
d’Ubifrance et du Fonds stratégique d’investissement par la Caisse des
Dépôts et Consignations. L’Inspection des finances y détiendra
tous les postes-clés, preuve supplémentaire que le régime « hollandais »
s’apparente à la restauration du pouvoir sans partage des grands corps
de l’Etat. Tout ça pour ça ?
Comme
il faut bien donner des compensations aux élus locaux, second pilier du
nouveau régime, les Régions auront siège au conseil d’administration.
Conscient du danger que sa méga-banque se transforme en hôpital régional
de campagne pour entreprises malades de l’industrie française, Jouyet,
nouveau tsar de toutes les réindustrialisations, a d’emblée écarté
l’idée d’un renflouement de Gandrange, choisissant mal son exemple et
contraignant son compère de 35 ans, Hollande, à le démentir à moitié.
Son sentiment de culpabilité d’ancien ministre de Sarkozy, lui ferait-il
inconsciemment torpiller son nouveau chef ?
Ennuis
avec les Pigeons des Start-Up, problèmes avec les jeunes Moineaux des
PME, difficultés avec les Canards boiteux : la réalité est durement
volatile pour notre gouvernement.
Puisqu’il
faut trouver de l’argent pour aider la presse française, exsangue pour
cause de médiocrité éditoriale mais qui rend tant de services à la
gauche, et que les caisses sont vides, pourquoi ne pas inventer un
nouvel impôt sur chaque renvoi, par les moteurs de recherche, à des
contenus disponibles sur Internet ? Cela revient à taxer celui qui
aménage le chemin qui mène à votre domicile et doit bien se financer
quelque part. La société d’autoroute va payer le péage en quelque sorte.
Mais qu’importe, puisqu’il faut trouver des sous.
Google réagit-il en menaçant de déréférencer les sites français ? Après
tout, ces journaux n’ont qu’à trouver leur propre algorithme et
l’entretenir eux-mêmes, peut plaider l’Américain. Son monopole ne tient
qu’à son excellence. C’est ce qu’on appelle un « marché contestable » en
science économique. Aussitôt, c’est l’union sacrée des médias et des politiciens, le tollé des subventionnés.
Comme
avec Arnault et les autres «riches» qui décident d’aller vers des cieux
fiscaux moins sombres, comme pour le message de bienvenue de Cameron
aux surtaxés qui s’exilent, comme face à un Mittal qui n’a cure des
roulements de mécanique de Montebourg, le gouvernement se heurte à la
dure loi de l’économie ouverte. Les petits arrangements deviennent
difficiles, les faiseurs d’opinion salariés sont irritables et les
oligarques nerveux.
Grâce
à Mélenchon, nous savions qui pilote le pédalo «France». Grâce à une
photographie en « une » du Parisien Magazine et un pull marinier, nous
savons désormais que Montebourg est mousse sur cette embarcation.
Il serait malséant de passer brutalement d’un anti-sarkozysme névrotique à une critique cinglante de Hollande. Conscient que «le changement c’est consternant»,
Emmanuel Todd a trouvé la parade intellectuelle qui le rassure :
«Moi-président» sera l’instrument plus ou moins volontaire de la rupture
avec l’ordre mondialisateur honni. Echouant à le faire accepter aux
Français, il en sera le fossoyeur, prédit Todd avec la clarté qu’il
trouve dans sa boule de cristal. C’est la théorie du « hollandisme
révolutionnaire ».
Ce raisonnement
reviendrait, transposé dans l’Histoire, à prétendre que Louis XVI fut le
plus grand des Sans-culottes. La politique fait perdre la tête.
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