Que de marques d'amitié exprimées ce week-end ! Amitié franco-allemande célébrée en grande pompe par François Hollande et Angela Merkel. Amitié entre les gouverneurs de la Bundesbank et de la BCE. Amitié entre le PS et EELV à propos de la signature du traité européen.
Alors que la ville de Francfort et l’Allemagne célébrait la naissance
de Johann Wolfgang von Goethe, le gouverneur de la Bundesbank Jens
Weidmann – celui dont on a déjà parlé et dont la démission a été
plusieurs fois évoquée ces dernières semaines –, a lâché une véritable
petite bombe en disant que « Goethe avait déjà pris il y a 180 ans toute
la mesure du principal problème économique à savoir que chaque
politique monétaire se termine par un excès de papier-monnaie fatal ».
Mon allemand n’étant pas très évolué, en gros, le patron de la banque
centrale allemande a profité de ces commémorations pour rappeler à tous
que nous avions besoin d’une monnaie stable et de la confiance des
agents économiques dans la pérennité de notre monnaie, et qu’il fallait
protéger la politique monétaire de la tentation de la planche à billets,
et que la voie choisie par la BCE et son gouverneur Mario Draghi, prêt à
acheter des obligations d’États de façon illimitée, n’était pas la
bonne et qu’il n’allait pas se priver de le dire.
Pour la petite histoire, dans l’ouvrage Faust de Goethe, un
long passage est consacré à l’inflation… Qui est un problème récurrent
des monnaies puisque leur espérance de vie est d’environ 18 ans… Et que
cela se termine à chaque fois de la même manière.
Jean-Marc Ayrault veut « donner plus de temps à la Grèce pour s’en sortir »
Pendant ce temps, dans un entretien à Médiapart
diffusé dimanche, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, s’est dit
« favorable » à ce que l’on donne « plus de temps » à la Grèce « pour
s’en sortir », mais « à une condition : qu’(elle) soit sincère dans
l’engagement des réformes, notamment fiscales ».
Interrogé sur la situation de ce pays, M. Ayrault indiquait que « la solution ne peut être la sortie de la Grèce de l’euro ».
« On peut déjà lui donner plus de temps pour s’en sortir ». Ce qui
est extraordinaire, dans cette déclaration, c’est l’idée de sincérité
dans l’engagement des réformes. Cela ne veut strictement rien dire. Il
faut donc retenir que pour la Grèce, comme pour la France, nous aurons
besoin de plus de temps, beaucoup plus de temps. D’ailleurs, si cela
pouvait s’accompagner également de l’impression de beaucoup de billets,
ce serait mieux…
Pour le Premier ministre, ne pas signer le traité européen, c’est sortir de l’euro…
Pendant ce temps, Europe Écologie Les Verts a décidé de rejeter le
traité budgétaire européen… Psychodrame dans la majorité, et d’ailleurs
cela fait désordre. D’un autre côté, cela a le mérite d’une certaine
cohérence puisque ce traité budgétaire est un véritable problème pour
notre pays. Il nous impose de revenir rapidement à l’équilibre financier
et d’y rester. En soi, l’idée est plutôt bonne et ce n’est pas moi qui
dirais le contraire. Le problème, c’est que la politique d’ajustement
qui devrait y mener sera très douloureuse et porteuse de récession,
comme nous avons pu déjà l’expliquer.
Et puis, soyons honnêtes, nous n’avons pas l’air de prendre le chemin
des réductions de dépenses. Quant à celui des augmentations d’impôts,
lorsque l’on nous explique ce week-end, que non, le gouvernement ne sera
pas celui du matraquage fiscal, après nous avoir expliqué qu’il ne
serait pas non plus celui de l’austérité, il y a de quoi commencer à se
gratter sérieusement les capillaires. Point de TVA sociale. Une
augmentation de la CSG ? N’y pensez plus. Bon, il manque bien, pour le
moment, 37 milliards d’euros pour boucler le budget… Enfin boucler,
c’est vite dit, disons pour être moins à découvert que d’habitude. Mais
franchement, 37 milliards, ce n’est rien. Une broutille. C’est plus de
10% des recettes, mais chut.
Donc, du coup, Jean-Marc Ayrault, très prolixe dimanche, met en garde
ceux qui ne veulent pas ratifier le traité budgétaire européen. Pour
lui, « la conséquence logique de leur démarche, c’est la sortie de
l’euro ». Le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, a lancé un «
appel à la raison à la gauche » sur le traité budgétaire européen. « Le
non de soutien » au président Hollande, « ça n’existe pas ». Jean-Marc
Ayrault a précisé que « nous, nous allons jusqu’au bout de la défense de
l’euro. Non par dogmatisme, mais par sens des réalités », et que ni le
président François Hollande ni lui-même « ne prendraient jamais la
responsabilité de laisser disparaître l’euro ». C’est bien de ne pas
vouloir quitter l’euro, mais on ne s’attaque pour le moment à aucune des
causes des difficultés actuelles de la monnaie unique.
La raison majeure reste un problème de conception même.
En réalité, il existe une multitude d’unions monétaires. Le franc en
était une. La lire également, et la peseta aussi ! Dans une union
monétaire, les riches paient pour les pauvres, ou plutôt les régions
riches pour les régions pauvres. Lors de la réunification allemande dans
les années 90, il y avait bien la monnaie de l’Est et celle de l’Ouest.
Et c’est bien l’Ouest riche qui a financé la mise à niveau des régions
défavorisées. Cela est l’exemple même d’une union de transfert.
Cette idée, appliquée au niveau de l’Europe, signifie que les pays
riches doivent payer, pas prêter, ni imprimer des billets, ni demander
quoi que ce soit en échange, non, ils doivent payer à vie, pour
toujours, pour les régions les plus pauvres qui globalement le resteront
pour l’éternité ou presque. L’Italie du Nord est l’une des régions les
plus industrielles du monde et les plus riches. L’Italie du Sud est
toujours fauchée… Même deux siècles et quelques après l’unification
italienne, et ils continuent de payer. C’est bien cela le procès fait à
l’Allemagne. C’est dans ce sens-là que certains disent que les Allemands
ne jouent pas le jeu. D’un autre côté, si on nous demandait, à nous,
Français, de payer à vie, pour que les Grecs se la coulent douce, je ne
suis pas sûr que l’on se sentirait très Européens…
Alors voilà où se trouve l’Europe aujourd’hui. Dans une espèce de
situation figée, comme paralysée, un peu dans l’œil du cyclone. Chacun
s’observe. On a encore gagné du temps. On attend de voir dans quel sens
le vent va se mettre à tourner. Mais au fond de nous, nous savons tous
que les désaccords sont trop profonds et trop graves pour que l’euro
puisse perdurer dans sa forme actuelle.
On ne peut pas demander aux Allemands de payer notre retraite à 60
ans, alors qu’ils travaillent jusqu’à 67… Ce qui tombe bien vu qu’ils
n’ont absolument pas l’intention de payer. En attendant, on fait mine de
ne pas voir le fossé qui nous sépare. Ce fossé, de jour en jour,
grandit. C’est ce que vient de rappeler ce refus d’une partie de la
majorité – sans juger du bien-fondé – de l’austérité imposée par le
voisin allemand.
L’année de l’amitié franco-allemande
Le Président français et la Chancelière allemande
ont lancé, ce week-end, « l’année de l’amitié ». Mais rassurez-vous,
nous sommes amis, on s’aime bien, on n’a plus envie de se faire la
guerre. Non, le problème n’est pas l’amitié. Le problème, c’est la
divergence des deux principales économies de la zone euro alors que
jusqu’en 1995, l’Allemagne et la France étaient relativement proches.
Aujourd’hui, nous nous sommes résolument situés dans le camp de
l’Europe du Sud. Revenir dans le peloton de tête va nous demander des
efforts considérables. Rien ne dit que la France y soit prête.
mardi 25 septembre 2012
Vive l’amitié !
Enfin, comme on est ami, c’est sûr, « tout sera bien qui finira bien »… Ou pas.
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