Rencontre au sommet pour Angela Merkel
et François Hollande ce jeudi. La discussion doit principalement porter
sur l'assouplissement des conditions d'octroi de l'aide à la Grèce. Un
sauvetage de la Grèce et de la zone euro qui pourrait peut-être
entériner le divorce du couple historique.
Ce jeudi, François Hollande et Angela Merkel se
rencontrent pour discuter de la Grèce, dont on attend qu’elle réalise
11,5 milliards d'euros de coupes budgétaires, alors que son Premier
ministre voudrait obtenir un sursis de deux ans et renvoyer à 2016 le
retour à l'équilibre budgétaire. François Hollande sera-t-il
aussi offensif qu’au début de son mandat ? Y a-t-il eu une évolution
récente par rapport aux premiers sommets ?
Hans Stark : François Hollande devrait être plus ouvert aux positions allemandes qu’il ne l’était pendant la campagne électorale.
Toute campagne a sa logique propre, François Hollande a dû tenir compte
des différentes positions au sein de la gauche, au-delà même du Parti
socialiste. Maintenant qu’il est président, il a sa propre majorité, et,
comme nous l’avons vu lors de la rencontre du 10 juillet dernier, il
existe de la part de Paris et de Berlin une volonté de poursuivre la
relation franco-allemande. Même si cela est difficile du point de vue
politique, puisque les deux gouvernements n’ont pas la même idéologie ;
et si les situations économiques divergent de part et d’autre. Ces
divergences sont bien connues et ne devraient pas empêcher une tentative
d’œuvrer pour le compromis.
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Toi, ta gueule le déplumé, même le ciel ne peut rien pour toi. |
La France joue le rôle d’intermédiaire entre les pays du Sud et l’Allemagne,
qui doit tenir compte de la position des autres pays du Nord de l’Union
Européenne. Mais dans l’ensemble, on s’achemine bel et bien vers davantage de convergence.
Rudolf Balmer : Cette relation a peut-être débuté par un malentendu,
qui était prévisible, au sujet de la promesse qu’avait fait François
Hollande aux Français de renégocier le pacte de stabilité et notamment
la règle d’or. Ce malentendu peut être imputé à un manque de précision
des deux côtés, qui a ouvert la voie de part et d’autre.
Du
côté allemand, on a volontairement exagéré en disant que François
Hollande voulait remettre en cause la totalité du compromis trouvé à 25. Du côté français, on avait volontairement laissé ouverte la question de savoir s’il s’agissait d’un protocole annexe ou effectivement de l’adoption d’un nouveau pacte.
Je
pense que le compromis qui a finalement été trouvé montre que les deux
côtés n’étaient pas si éloignés l’un de l’autre, contrairement à ce
qu’on a pu faire croire pendant la campagne électorale.
Après l’élection, nous sommes sortis de ce contexte de campagne et Angela Merkel a trouvé un partenaire qui s’est avéré tout à fait acceptable.En ce moment-même, il n’y a pas de vrais « couacs ».
La façon qu’a François Hollande d’aller vers la chancelière avec
beaucoup plus de distance et de discrétion, ou, de manière plus exacte,
avec plus de retenue, montre qu’il a tiré des leçons du passé et de Nicolas Sarkozy, qui avait quelque peu froissé la timidité d’Angela Merkel.
Quelles sont les grandes dates qui marquent cette évolution dans la relation Merkel / Hollande ?
Rudolf Balmer :
Je distinguerais deux dates : la première rencontre officielle, où l’on
a vu un François Hollande qui était encore un peu maladroit, qui
cherchait ses marques ; et la rencontre à Reims, dans la
cathédrale, qui a montré que les deux chefs d’Etat appartiennent à cette
grande histoire de l’amitié franco-allemande initiée par Adenauer et De
Gaulle. Je pense que cet événement a démontré que ces derniers
s’inscrivent dans la continuation de cette coopération
franco-allemande, sans vouloir la rupture.
En ce moment, le grand débat est celui de l’aide à la Grèce. Il nous apprend que la divergence ne se situe pas sur le terrain des principes, mais des procédés.
On diverge sur la façon de faire. La France voudrait être un peu plus
souple, afin de ne pas empêcher l’Europe de renouer avec la croissance ;
tandis que pour l’Allemagne, la priorité est de diminuer la dette
maintenant et tout de suite.
La rencontre ne sera pas suivie d’une conférence de presse, comme l’aurait apparemment souhaité l’Elysée. François Hollande tient-il plus à faire la promotion du « couple » franco-allemand qu'Angela Merkel ?
Hans Stark
: Je pense que la réaction d’Angela Merkel s’explique car la réunion de
jeudi est véritablement une réunion de travail qui ne va pas déboucher
sur des propositions concrètes et tangibles. Nous sommes dans une phase
de négociation, M. Samaras se rendra également à Berlin cette semaine,
on reprend en charge le sujet de la crise de l’euro. La décision de la
Cour Constitutionnelle allemande est attendue pour le 12 septembre, et
la question reste assez sensible outre-Rhin. Aussi, Mme Merkel ne voulait pas alourdir le climat avec des déclarations hautes en couleur qui, de toute façon, n’ont aucune chance de déboucher sur des engagements concrets.
Au contraire, pourquoi souhaiterait-on communiquer sur cette rencontre à l'Elysée ?
Hans Stark
: Il n’y a rien de mal à faire une conférence de presse après une
rencontre… C’est sans doute un souci de transparence de la part de
l’Elysée et une volonté de marquer le coup de la rentrée politique. La rentrée politique, c’est maintenant : il s’agir de réinscrire le gouvernement dans l’action et de marquer la rupture avec ces quelques semaines de vacances.
Les
logiques sont différentes. Une conférence de presse, c'est très bien,
mais elle serait moins bien vécue par Mme Merkel compte tenu du
contexte.
Vous le disiez, la réunion
de jeudi n'est pas susceptible de déboucher sur une décision forte.
« Il ne faut pas attendre que l'on prenne les décisions essentielles », a
d’ailleurs averti lundi le porte-parole du gouvernement allemand,
Steffen Seibert. Vue la difficile position de la chancelière vis-à-vis
des membres de sa coalition et de l’opinion, Angela
Merkel cherche-t-elle à gagner du temps pour ne pas subir les foudres de
l’opinion publique et des membres de sa coalition ?
Rudolf Balmer : La chancelière est confrontée à un calendrier électoral qui l’oblige à ménager les susceptibilités allemandes du côté de l’opposition. Elle a besoin du vote des socio-démocrates pour les ratifications, par exemple.
On a vu que François Hollande, de son côté, sait parfaitement jouer cette carte. Tactiquement, il prend contact avec les socio-démocrates allemands pour exercer une pression indirecte sur Angela Merkel.
Cela
dit, ce jeu n’est que limité, parce que sur les grandes questions comme
la règle d’or, la nécessité de faire des économies et de réduire la
dette, Angela Merkel et les socio-démocrates allemands sont plus ou
moins sur la même ligne.
Hans Stark : Je n’irais pas jusque là. L’Allemagne n’est pas encore en campagne : la campagne électorale va débuter au printemps 2013. Evidemment, on se met dès aujourd’hui en position.
Il
est également vrai, du point de vue intérieur, que pendant l’été,
plusieurs sorties politiques ont échauffé les esprits outre-Rhin, comme
celle du ministre de l’Economie Philipp Rösler, qui estimait qu’une
sortie de la Grèce de la zone euro ne serait pas si catastrophique que
cela ; ou celle du partenaire bavarois de Mme Merkel, la CSU, Horst
Seehofer. La chancelière doit en tenir compte.
Pourtant, a priori, les marchés verraient de bonne augure un accord franco-allemand. M. Hollande et Mme Merkel ne sont-ils pas incités à une décision lors de ce sommet par la pression des « marchés » ?
Hans Stark : Même s’il est très important, il ne faut pas surévaluer le rôle de l’entente franco-allemande sur les marchés financiers.
Bien sûr, le CAC 40 profite toujours des lendemains d’accords entre les
deux pays. Mais le marché prend d’autres facteurs en considération : la
situation de la Chine, dont les échos économiques sont assez
alarmistes ; des Etats-Unis ; des autres politiques de la zone euro...
Le
président de la République n’a-t-il pas intérêt à se cacher derrière le
refus de Mme Merkel pour ne pas faire supporter le poids de l’aide
grecque à la France ?
Hans Stark
: De toute façon, il faudra aider la Grèce quoi qu’il arrive. On ne
peut pas ne pas aider Athènes sans risquer de la voir sortir de la zone
euro, ce qui aurait, malgré tout, des conséquences néfastes pour
l’ensemble de la zone. M. Junker l’a dit encore récemment.
La question est de savoir quelles seraient les contreparties de cette aide. Et c’est de cela qu’il s’agit demain. Du côté allemand, on attend des engagements fermes pour des réformes structurelles.
Le but n’est pas d’embêter les Grecs : les Allemands sont simplement
convaincus qu’en-dehors des réformes structurelles, aucun pays ne peut
s’en sortir. L’aide économique, selon eux, ne suffit pas. Les
conditions pour attribuer cette aide sont bien connues : l’austérité, la
rigueur, et au-delà, la mise en œuvre d’une vraie politique fiscale,
qui fait défaut à la Grèce, tout comme le désengorgement de
l’administration grecque, la diminution du nombre de fonctionnaires.
C’est tout l’objet des négociations avec M. Samaras.
Mais, pour l’instant, personne n’envisage de cesser d’aider la Grèce.
Même si celle-ci sortait de la zone euro, elle serait toujours
tributaire d’une aide importante de la part de l’Union Européenne. Quoi qu’il arrive, on continuera d’avoir la Grèce sur les bras.
M.
Hollande plaidait pour le secours à la Grèce. Confronté à une situation
économique délétère dans l’hexagone, le Président pourrait-il se servir
des réticences allemandes afin de ne pas fournir ce coûteux secours à
Athènes ?
Hans Stark :
Bien évidemment, si l’Allemagne décidait d’arrêter toute aide à la
Grèce, la France ne pourrait pas, à elle seule, épauler Athènes. On
pourrait alors peut-être parler d’un alibi, mais c’est surtout une question de réalisme.
La France est le deuxième Etat en termes de soutien au paquet de
solidarité à l’intérieur de la zone euro derrière l’Allemagne.
Si l’Allemagne fait défaut, la France n’a pas d’autre choix que de faire de même. Dès lors, il ne s’agirait pas de se cacher derrière Mme Merkel mais tout simplement d’admettre que la France, étant donnée la situation politico-économique qui est la sienne, ne peut pas soutenir la zone euro à elle toute seule.
Mais, de toute façon, nous n’y sommes pas encore.
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