vendredi 11 mai 2012
Si l'on pensait vraiment au futur
Force est de constater que la campagne électorale de la
présidentielle n'a pas permis de se projeter vers le futur. Les
incertitudes économiques et financières pèsent lourdement sur toute
réflexion à long terme. Cela exerce des effets délétères dès qu'il
s'agit d'autres enjeux, par exemple culturels ou sociétaux : l'islam,
les immigrés, l'écologie, la nation, la laïcité, etc.
Du coup, les candidats ont navigué entre deux positions. Les uns ont
plutôt abordé ces questions en dramatisant leurs implications, pour
conquérir un électorat tenté par les sirènes de la radicalisation.
D'autres, à l'opposé, les ont esquivées de façon à éviter les tensions
internes à leur propre base électorale.
Entre la crise qui rend difficile de penser l'économie et la finance
sur la longue distance et l'excès ou le défaut s'il s'agit de bien
d'autres enjeux, sommes-nous incapables de construire notre avenir
autrement que sur un mode défensif et à court terme ?
Dans l'entre-deux guerres, divers mouvements politiques avaient mis
l'idée de planification à l'ordre du jour. Et si le régime de Vichy
avait ébauché un Plan, le Conseil national de la Résistance avait, lui
aussi, mené une réflexion qui déboucha, en janvier 1946, sur la création
par le général de Gaulle d'un Commissariat au Plan. Le climat politique
y était alors favorable. Nous sortions de la guerre. Gaullistes et
communistes pouvaient s'entendre sur cet enjeu.
Une planification « souple et incitative »
Contrairement aux formules soviétiques, rigides et impératives, la
planification « à la française » s'est révélée souple et incitative.
Elle reposait sur un travail en profondeur, sur des réflexions et des
concertations auxquelles participaient de nombreux acteurs concernés :
syndicalistes, hauts fonctionnaires, associations, etc.
Puis cet instrument que Pierre Massé (commissaire général du Plan, de
1959 à 1969) qualifiait d'arme « contre la dictature de l'instant »,
fut de plus en plus critiqué. En 1993, le principe des plans
quinquennaux était pratiquement abandonné et, en 2005, Dominique de
Villepin annonça la suppression du commissariat au Plan, remplacé par un
bien pâle Centre d'analyse stratégique.
Il serait absurde de revenir purement et simplement en arrière en
demandant la réouverture du commissariat au Plan tel qu'il était dans
les années 1980. Les acteurs d'aujourd'hui ne sont pas toujours ceux
d'hier. La réflexion dans un cadre national doit être, encore plus
qu'hier, européenne, « globale », mondiale. Les enjeux culturels et
sociétaux sont devenus, eux aussi, source d'incertitude et d'inquiétude.
Il faudrait les ajouter aux préoccupations économiques qui étaient,
dans le passé, au coeur de la planification.
La campagne électorale vient de rendre spectaculairement visible le
manque de capacité de notre pays à se projeter dans le long terme en
s'appuyant sur des repères, sur des réflexions coproduites par des
acteurs concernés et des analystes compétents. Nous avons le plus grand
besoin d'un outil qui apportera aux responsables politiques les moyens
de mieux penser leur action dans divers domaines et pas seulement pour
affronter la crise économique et financière. Un outil qui, de surcroît,
éclairera le débat public, mieux et plus utilement que les idéologies
qui ont prospéré ces dernières années. Le nouveau Président, tout comme
le général de Gaull e en son temps, devrait en faire une « ardente
obligation ».
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