vendredi 11 mai 2012
Ces économistes farfelus qui pensent qu'on peut facilement réduire le chômage à zéro
Cette semaine, le "nettoyeur" Pascal
Emmanuel Gobry, propose de découvrir une des écoles de pensées qui a été
ravigorée par la crise : le chartalisme. Pour eux, il ne faut pas juste
réduire le chômage mais l'abolir.
Une des vertus de la crise
financière aura été de donner un coup de fouet aux théories économiques
hétérodoxes, et ainsi d'enrichir le débat économique. Une des écoles de
pensées qui a été ravigorée par la crise s'appelle le chartalisme, ou théorie monétaire moderne, qui a bien expliqué les effets des politiques monétaires entreprises après la crise.
Le
chartalisme étudie les conséquences du fait que dans une économie
moderne, c'est l'Etat qui crée la monnaie. Puisque l'Etat crée la
monnaie, il peut se financer indéfiniment : l'objectif de l'impôt n'est
pas de financer l'Etat, mais d'obliger les citoyens à utiliser la
monnaie et donc de lui donner cours. Dans ces conditions, les déficits
et la dette publique ne sont pas un problème, puisque l'Etat peut toujours créer de la monnaie pour rembourser sa dette.
Ce cadre théorique explique très bien pourquoi l'Europe subit une crise
monétaire et non une crise de la dette, et pourquoi les Etats même très
endettés n'ont pas de mal à se financer.
Mais ce qu'il y a peut être de plus intéressant dans le chartalisme, c'est ses préconisations au sujet du chômage. Pour les chartalistes, il faut abolir le chômage. Pas juste le réduire : l'abolir.
Pour
l'école économique dominante, le néo-keynésianisme, le taux “optimal”
de chômage est aux alentours de 5%, pour prendre en compte le fait que
les gens mettent du temps à retrouver un emploi même lorsque l'économie
fonctionne bien. Si le taux de chômage est proche de zéro, c'est un
signe de surchauffe et que le marché du travail n'arrive pas à répondre
aux demandes d'emploi.
Pour les
chartalistes, tolérer le chômage c'est tolérer les récessions :
lorsqu'il y a du chômage, ça veut dire que la demande des ménages est
plus faible qu'elle ne pourrait l'être, et donc que l'économie est en
sous-régime. L'Etat doit donc, par la loi, garantir un emploi à chacun.
En ce faisant, il garantit un certain niveau de demande et empêche donc
les récessions prolongées. Cette idée de garantie d'emploi est encore
plus controversée que les idées monétaires des chartalistes.
La
critique néo-keynésienne de la garantie d'emploi est essentiellement
microéconomique : en garantissant un emploi à chacun, l'Etat pourrait
créer de l'assistanat, et empêcher les entreprises de créer des emplois
productifs en les remplaçant comme employeur de dernier ressort. Pour
mettre en place cette garantie d'emploi, il faudrait créer une
bureaucratie gigantesque.
Pour les
chartalistes, les néo-keynésiens sont cruels et manquent d'ambition.
Cruels parce que les travailleurs font les frais d'ajustements
macroéconomiques dont ils ne sont pas responsables, et manquent
d'ambition parce que l'objectif de la politique économique devrait être
le plein emploi au lieu de se résigner à des cycles de récessions et de
chômage. Les néo-keynésiens voient les cycles économiques comme une loi
de la nature à subir, comme les marées ou la levée du soleil, alors que
pour les chartalistes il n'y a pas de malédiction.
Qui a raison ? Une garantie d'emploi est fort probablement irréaliste à l'heure actuelle.
Mais là où les chartalistes ont raison est qu'ils ont montré
l'importance de la demande pour relancer une économie en récession.
L'austerité est entrain de fusiller la zone euro, et les Etats-Unis, qui
ont eu une politique modérée de relance de la demande, ont une reprise
modérée. La garantie d'emploi est la version la plus extrême d'une
stimulation de la demande, mais l'idée qu'il faut stimuler la demande va
rester avec nous pendant longtemps. Ainsi, surtout, que l'idée qu'il faut chercher du côté des économistes hétérodoxes...
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