La chancelière a réitéré jeudi son refus de financer la croissance par les déficits.
«Une croissance par des réformes structurelles est importante et nécessaire. Une croissance à crédit nous ramènerait au début de la crise. Nous ne le voulons pas, nous ne le ferons pas», a prévenu Angela Merkel, suscitant des applaudissements au Bundestag. Elle a estimé que le prochain sommet du G8 aux États-Unis, prévu les 18 et 19 mai, aborderait les «prochaines mesures» pour la consolidation des finances publiques, ainsi que «les mesures de croissance» actuellement discutées en Europe. Ce sont «les deux piliers de notre stratégie» de lutte contre la crise, a-t-elle rappelé.
Pour Berlin, la croissance doit se fonder sur la discipline budgétaire. La chancelière allemande le répète depuis le début de la tempête dans la zone euro: il n'existe pas de «solution magique» à la crise. Sa résolution passe par une politique de petits pas successifs visant à restaurer la confiance. Jeudi, elle a jugé crucial que chacun accepte l'idée que «la sortie de crise sera un processus long» et qu'elle nécessite de s'attaquer aux problèmes essentiels de certains pays européens: «un endettement catastrophique» et «un manque de compétitivité».
Prendre à bras-le-corps les problèmes de compétitivité
Son message est un rappel à l'ordre à François Hollande. La chancelière juge que le président socialiste n'a pas les moyens de la politique qu'il a défendue pendant sa campagne électorale. Il est hors de question pour elle d'ouvrir son porte-monnaie pour financer les promesses électorales du socialiste français. Berlin souhaite avoir à Paris un partenaire fort sur lequel s'appuyer pour conduire la zone euro hors des turbulences et prendre à bras-le-corps ses problèmes de compétitivité. L'Allemagne redoute d'être entraînée dans une spirale négative par la France si la politique «d'esquive des réformes» du président français était sanctionnée par les marchés.Le coup de sifflet de la chancelière s'adressait aussi aux sociaux-démocrates allemands. Encouragés par la victoire de la gauche en France, le SPD est passé à l'offensive contre la politique d'austérité prônée en Europe par la chancelière. Jusqu'ici, le SPD s'était gardé d'attaquer ouvertement Merkel sur sa politique de discipline budgétaire, approuvée par une majorité écrasante d'Allemands. Mais le résultat des législatives en Grèce a changé la donne.
«Nous voyons les résultats de cette politique en Grèce, où la droite radicale et les ennemis de l'Europe entrent au Parlement», se fâche Sigmar Gabriel, patron du SPD dans une interview à l'hebdomadaire Die Zeit. Espérant tirer profit d'un revirement dans la stratégie contre la crise aux élections législatives de septembre 2013, les sociaux-démocrates font pression sur Merkel, pour la pousser au compromis avec Hollande.
La clé de voûte de la stratégie anticrise allemande
Afin de déjouer les risques d'isolement, la chancelière cherche à rallier autour de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Autriche, un nombre significatif de pays pour ratifier rapidement le pacte budgétaire sans se plier à la renégociation réclamée par le président français. Pour Berlin, les initiatives visant à stimuler la croissance, qui pourront faire l'objet d'un nouveau pacte, ne doivent pas retarder la mise en œuvre du traité, considéré comme la clé de voûte de la stratégie anticrise allemande. Cependant, sans l'appui du SPD, elle ne pourra pas faire voter le texte au Bundestag, ni au Bundesrat, la chambre haute du Parlement, où il lui faut rassembler une majorité des deux tiers.Lancée dans sa contre-offensive, Merkel a ouvert un autre front. Jeudi au Bundestag, elle a appelé à respecter le calendrier de retrait des troupes internationales d'Afghanistan fixé par l'Otan à fin 2014, alors que le président français élu défend un retrait anticipé. «Nous sommes entrés ensemble, nous sortirons ensemble», a-t-elle dit. Le coup tactique est limpide. En se rangeant du côté de ses alliés les plus forts, Merkel cherche à enfermer Hollande et le SPD dans le club des pays du sud de l'Europe les plus vulnérables.
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