vendredi 11 mai 2012
Quels contre-pouvoirs dans une France entièrement administrée par la gauche ?
Présidence de la République, Sénat,
Parlement, régions : en cas de succès aux législatives, la gauche
pourrait détenir l'essentiel du pouvoir en France. Il reste néanmoins
quelques contres-pouvoirs...
Serge Berstein :
La droite a perdu l’Elysée, elle tente donc d’expliquer que si la
gauche l’emporte aux législatives, il n’y aura plus de contre-pouvoirs.
La gauche a dit la même chose lors des dernières élections. C'est de
bonne guerre.
En vérité, nous sommes dans
un régime politique où, entre deux élections, il n’y a pratiquement pas
de contre-pouvoirs. Cela dure presque depuis le début de la Vème
République. Le centre et la droite dominent le Sénat jusqu’au
retournement de l’automne 2011. La majorité de l’Assemblée nationale est
de droite. Le président pouvait par conséquence nommer un Premier
ministre de droite. Nous pouvons même ajouter que le Conseil
constitutionnel est composé d’éminents juristes nommés par des pouvoirs
politiques de droite, même s’ils ont condamné un certain nombre de
propositions émanant du pouvoir exécutif.
C’est
une réalité propre à la Vème République qui a été encore renforcée par
le passage au quinquennat qui devait permettre de réduire le risque de
cohabitation, à savoir un contre-pouvoir au sein même de l’exécutif, le
Premier ministre pouvant être un opposant au Président de la République
et réciproquement. Depuis 1962, le Président de la République est élu au
suffrage universel et il nomme un Premier ministre afin de mettre en
œuvre ses initiatives. L’exécutif est donc constitué d’un seul bloc. Par
conséquent, de fait, il s’avère que la majorité de l’Assemblée
nationale est systématiquement en accord avec le Président ou le Premier
ministre en cas de cohabitation. Autrement dit, la possibilité qui
existait au cours des IIIème et IVème Républiques de faire du pouvoir
législatif un contre-pouvoir du pouvoir exécutif a été totalement
effacée.
La Vème République repose sur une sorte de monarchie, temporaire et élective certes, mais composée d’un exécutif tout puissant. Le seul contre-pouvoir, limité mais réel, est le Conseil constitutionnel. Actuellement,
tous ses membres ont été nommés par des personnalités de droite. Ce
sont des juristes qui ne sont pas toujours très marqués mais qui
n’apportent pas un franc soutien au nouveau Président élu.
Ils
jouent un rôle important car ils peuvent être saisis dès lors que 60
parlementaires demandent à leur déférer n’importe quel texte législatif.
Nicolas Sarkozy a même élargi cette possibilité aux simples citoyens à
partir du moment où ils sont suffisamment nombreux.
Le
Conseil constitutionnel dispose d’un pouvoir considérable : il peut
censurer une loi prise par la majorité parlementaire sur demande du
gouvernement. C’est le contre-pouvoir le plus solide dans le
système institutionnel français. La récente abrogation de la loi sur le
harcèlement sexuel en est un parfait exemple.
En d’autres occasions, c’est le Sénat qui a été un important contre-pouvoir, notamment sous François Mitterrand.
En étant plus orienté vers le centre et la droite modérée, il a obligé
le gouvernement à modifier un certain nombre de textes de loi.
Les syndicats, enfin, ont la possibilité de s’exprimer au nom des travailleurs,
même sans pouvoir délibératif. En faisant descendre des gens dans la
rue, ils peuvent manifester l’opposition à un certain nombre de
décisions gouvernementales. C'est ensuite au gouvernement de décider
d’en tenir compte ou pas. Lorsqu’un million de personnes sont
descendues dans la rue sous François Mitterrand pour protester contre le
projet de loi scolaire qui semblait mettre en cause l’autonomie de
l’enseignement catholique, le président socialiste avait reculé,
estimant que c’était un nombre dont il fallait tenir compte. A
l’opposé, les manifestations contre la réforme des retraites n’ont pas
convaincu Nicolas Sarkozy que la colère populaire l’emportai
Je
ne le crois pas. Des mesures prises par le gouvernement de François
Hollande qui ne plairont pas aux syndicats, au vu de la situation, il y
en aura. Je ne vois pas pourquoi ils ne protesteraient pas. Il y a eu un
certain nombre de mobilisations importantes sous les gouvernements de
François Mitterrand. La proximité politique ne devrait pas amener les
syndicats à s’abstenir de protester contre des mesures qui pourraient
paraître néfastes à leurs clientèles.
Incontestablement
oui. Cela fait bien longtemps que dans notre système institutionnel,
les décisions européennes l’emportent sur le droit national. Il y a
nécessité pour les différents Etats qui composent l’Union européenne
d’aligner leurs législations sur celle de l’Europe.
Au
cas où des mesures prises par le gouvernement de François Hollande
s’opposeraient au droit européen, les institutions communautaires
pourraient alors prendre des sanctions financières contre la France.
Il est donc bien possible qu’il y ait un certain nombre de difficultés
pour notre pouvoir exécutif de faire passer certaines mesures.
Sauf
évidemment si le Conseil européen venait à modifier son propre
fonctionnement au vu de l’opposition d’un certain nombre d’Etats
membres. Une question sous-jacente à la question de l’indépendance de la
Banque centrale européenne aujourd’hui.
t sur
l’urgence de la décision.
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