De l'émotion. De la gravité aussi.
Nicolas Sarkozy a
reçu son comité de campagne lundi à 14 heures, à l'Élysée. Une
vingtaine de personnes, dont François Fillon, Jean-François Copé, et les
représentants des différentes sensibilités, ainsi que des ministres et
ses principaux collaborateurs, dont sa plume Henri Guaino. Le président
sortant les a reçus à l'heure dite. La réunion a duré une heure.
Fatigué, le teint gris et les traits marqués, Sarkozy a toutefois fait
bonne figure en se montrant calme et serein, au lendemain d'une défaite à
laquelle il a cru jusqu'au bout pouvoir échapper. Il a une nouvelle
fois confirmé qu'il arrêtait la politique: «Une page se tourne pour moi,
a-t-il confié. Je ne serai pas candidat aux législatives, ni aux
élections à venir.» Il a ajouté, dans un sourire: «Soyez rassurés, je
renouvellerai ma carte (de l'UMP) et je payerai ma cotisation. Mais je
quitte l'opérationnel.»
Pour être bien sûr qu'il avait compris, un
ministre s'est tourné vers un proche collaborateur du président: «Ça
veut dire qu'il arrête définitivement, c'est ça?» «Oui, c'est très
clair, tu n'avais pas compris?», a répondu ce proche du président. «Il
n'a pas voulu que cela soit brutal, comme Lionel Jospin, il l'a donc
annoncé différemment dimanche soir aux militants», décrypte un ancien
ministre.
«Ne vous divisez pas»
Le président sortant ne
s'est pas montré amer. Il a jugé qu'il ne s'en était pas si mal sorti,
eu égard à ses homologues européens, tous balayés par la crise. «Bien
sûr, cela aurait été mieux de gagner, mais voyez comment ont perdu tous
les sortants. Notre échec n'a pas été une humiliation, ce que
prédisaient pourtant toute la presse et les sondeurs, dimanche compris…»
Il a ajouté qu'il «aimait trop la vie pour être amer». Et recommandé à
ses troupes de se montrer unies, en vue des législatives. «Ne vous
divisez pas: des petits chefs, des petites équipes, ça tire tout le
monde vers le bas.»
Sarkozy a reconnu que s'il ne tenait qu'à lui,
il serait parti plus vite: «Si j'avais pu, je serais parti dès demain,
mais il y a des traditions à respecter. Je les respecterai et
la passation des pouvoirs aura lieu avec
François Hollande,
comme elle a eu lieu entre Jacques Chirac et moi», a-t-il noté en
substance. Il a expliqué qu'il avait invité son successeur à venir à la
cérémonie du 8 mai: «Quand on prend de la hauteur, on tire tout le monde
vers le haut», a-t-il souligné.
Le président sortant est revenu
sur la campagne: «une campagne dure, avec beaucoup de coups reçus». Mais
il s'est félicité du résultat serré entre Hollande et lui. «Je vous
l'avais dit, ça a été presque possible. Ce qui prouve que je ne vous
avais pas menti. On n'était pas si loin.»
Nicolas Sarkozy a
souhaité que la presse le laisse tranquille rapidement. «J'espère vivre
un peu normalement, a-t-il conclu. J'ai perdu les élections mais les
journalistes continuent de m'empêcher de faire un pas. Impossible de
déjeuner au restaurant en famille. Je suis épié… J'espère qu'on me
laissera un peu tranquille.» Il a conclu en disant: «On ne se quitte pas
tout à fait, j'aurai le plaisir de vous revoir, pour parler du bon
vieux temps.»
Nicolas Sarkozy a 57 ans. En se référant à la
réforme des retraites qu'il a lui-même voulu, il n'a donc pas encore
l'âge de partir à la retraite et, à l'instar de Valéry Giscard-d'Estaing
qui a quitté l'Elysée à 55 ans, le président sortant peut encore faire
quelques projets. Dimanche soir, devant ses militants de la Mutualité à
Paris, il a expliqué que son "engagement" serait "différent", qu'il
"serait toujours à leurs côtés". Les mots sont suffisamment ambigus pour
laisser planer le doute. VGE ne s'était pas reconverti, poursuivant sa
carrière à la tête de l'UDF et dans les arcanes de l'Assemblée
nationale, où il occupait encore la présidence de la commission des
Affaires étrangères en 1997, avant l'arrivée de la gauche aux affaires.
De 2001 à 2004, la figure centriste avait même porté le projet de
Constitution européenne, rejeté par voie référendaire en France et aux
Pays-Bas.
Nicolas Sarkozy peut-il en faire autant?
En coulisses, le choix du président-candidat est clair. "Je ne serai
plus jamais candidat aux mêmes fonctions et je ne mènerai pas la
bataille des législatives", a-t-il déclaré aux cadres de l'UMP, dimanche
après-midi, selon un ministre cité par l'AFP. Cette affirmation, prise
au sens strict, indique que Nicolas Sarkozy ne participera à aucune
campagne à venir. A l'exception d'une campagne en 2014 pour un mandat
d'eurodéputé, seule fonction élue au suffrage universel direct qu'il n'a
jamais occupée.
"J'aurai fait une très belle vie politique"
Le
président sortant n'a en effet pas annoncé son retrait de la vie
politique. A en croire un proche collaborateur interrogé par
Le Point,
"il ne peut pas couper les ponts à la façon de Jospin comme en 2002",
l'UMP risquant l'implosion dans le cas contraire. "Le parti repose sur
deux jambes, la droite humaniste et la droite populaire, qui doivent
s'élancer dans la même direction pour pouvoir courir", confiait
Jean-Pierre Raffarin dimanche soir au
JDD.fr, avant de
mettre en garde contre les conflits internes.
Nicolas Sarkozy a su réconcilier ces deux familles en 2007, avant de
privilégier la seconde lors du tournant sécuritaire de son mandat, à
l'été 2010. S'il quitte sa famille, il compte donc assurer sa
succession, Jean-François Copé, François Fillon et Xavier Bertrand se
disputant déjà les clés du parti.
Quid de Nicolas
Sarkozy? Dès le début de l'année, il n'avait pas fait de mystère sur une
possible reconversion en cas de défaite. "Si les Français devaient ne
pas me faire confiance, est-ce que je devrais continuer dans la vie
politique? La réponse est non. Ces carrières qui n'en finissent pas,
cela aboutit à des jeunes qui ne peuvent pas monter. Si tel n'est pas
votre choix, je m'inclinerai et j'aurai fait une très belle vie
politique", expliquait-il alors à Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV-RMC.
Le désir de l'argent
Avocat de formation, Nicolas Sarkozy n'a jamais renié son envie de travailler dans le monde des grandes entreprises.
"Moi aussi, dans le futur, je voudrais gagner de l'argent
", avait-il déclaré en novembre 2011, lors d'un sommet du G20 à Cannes, cité par
Le Monde.
Et de préciser, à l'adresse de ses proches : "Je suis avocat, j'ai
toujours eu un cabinet et je suis passionné de tas de choses. En tout
cas, je changerai de vie complètement, vous n'entendrez plus parler de
moi!" Philippe Ridet, dans son livre
Le Président et moi (Albin
Michel, 2008), évoquait déjà une confidence, datant de 2005, de celui
qui était encore ministre de l'Intérieur : Nicolas Sarkozy se vantait
alors de pouvoir être embauché par Martin Bouygues "du jour au
lendemain".
En 2008, un indiscret du
Point faisait écho d'une autre confidence du chef de l'Etat :
"Quand
je vois les milliards que gagne Clinton! (…) Je fais (président)
pendant cinq ans et, ensuite, je pars faire du fric, comme Clinton."
Mais, depuis cette date, Nicolas Sarkozy s'est vanté d'être devenu
président, d'avoir appris de ses présidences successives de l'Union
européenne et du G8-G20. Et son discours de dimanche soir laisse la
porte ouverte à une carrière dans les institutions politiques
internationales.
"Nicolas Sarkozy est un homme d’action, pas de débat", analyse
pour leJDD.fr Gero Von Random, correspondant pour le journal allemand
Die Zeit à Paris. Nicolas Sarkozy pourrait toujours être tenté par un retour en 2017.
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