TOUT EST DIT

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lundi 7 mai 2012

La victoire molle de François Hollande

Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 8 h 20 pour sa chronique politique "Le parti pris".
François Hollande a été élu hier soir. Son succès est plus étroit que prévu. Votre parti pris : l'élection de François Hollande, une victoire molle...
C'est une victoire attendue, puisqu'il était le favori - dès avant et plus encore après le premier tour. Mais au vu de la campagne, on avait pu penser que ce serait un triomphe, ou au moins un succès très net. Ce n'est pas le cas. Mis à part l'élection de Giscard en 1974 (50,81 %), c'est le score le plus étroit de la Ve république. C'est la preuve que François Hollande n'a finalement pas créé une dynamique aussi forte qu'il l'espérait ; et aussi que Nicolas Sarkozy a réussi à atténuer le rejet personnel qui s'est focalisé sur lui durant cinq ans. Si l'on considère que l'axe principal de la campagne de François Hollande a été l'anti-sarkozysme, on peut en effet parler d'un succès mitigé. Cela dit, François Hollande a souvent été présenté comme un candidat indécis ; il a fait la décision. Ce n'est peut-être pas un candidat mou, mais c'est sa victoire qui est molle.
Il n'empêche qu'il est élu, alors que personne ne misait sur lui quand il s'est lancé dans la course...
Il est sûr qu'il a fait preuve d'un tempérament exceptionnel. On a beaucoup dit que c'est un homme qui a de la chance - et c'est vrai, la façon dont DSK s'est auto-éliminé l'a bien montré. Mais la campagne a aussi mis en évidence sa constance et son habileté. Il s'est posé en candidat proche des Français avec son fameux slogan du "président normal". En fait, il est sûrement l'antithèse de Nicolas Sarkozy dans le style, la façon d'être ; mais il ne colle pas vraiment non plus à l'image d'un président simple et moderne. C'est un énarque qui a commencé sa carrière - devinez où ? - à l'Élysée, auprès de François Mitterrand en 1981 ; et c'est un homme d'appareil de la plus belle eau, qui a dirigé le PS pendant onze ans. Énarque et chef de parti, a priori, ce ne sont pas des qualités plébiscitées par les Français pour un politique idéal ; à l'usage, ce ne sont pas des défauts non plus...
Ce qui lui est souvent reproché, c'est de ne jamais avoir été ministre. Il est le seul président dans ce cas. Est-ce que c'est un handicap ?
C'est en tout cas la marque d'une inexpérience réelle - qui risque d'être renforcée s'il choisit de nommer Jean-Marc Ayrault à Matignon, parce que lui non plus n'a jamais été ministre. Cela dit, il a autour de lui assez de bons connaisseurs de la machine administrative et des rouages de l'État, et il a lui-même assez fréquenté les allées du pouvoir pour ne pas se sentir complètement dépaysé. Et puis Nicolas Sarkozy a dit en fin de campagne qu'il regrettait d'avoir parfois confondu le rôle du président avec celui d'un super-ministre. C'est au moins une erreur que François Hollande ne risque pas de commettre ! Il lui reste maintenant à lever bien des doutes, à prouver qu'il peut sortir des postures tacticiennes et des équivoques de la campagne, à démontrer que l'action politique peut encore avoir un sens, qu'elle n'est pas soumise aux marchés financiers ni à la technocratie européenne. De ce point de vue, une élection plus large lui aurait donné davantage de force, d'autorité - notamment pour discuter avec Angela Merkel. L'un de ses atouts durant la campagne a été de persuader une partie de l'opinion qu'il y avait une alternative à l'austérité qui pèse sur tous les pays d'Europe. Ça aussi, il va falloir désormais le démontrer dans les faits. Car la victoire de François Hollande est molle, mais les temps sont durs.

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