Angela Merkel pourra s'inspirer
pour ses relations avec François Hollande de celles qu'elle a
construites avec Nicolas Sarkozy. Elle a su alors faire des concessions
utiles, mais sans grandes conséquences, pour imposer ses vues tout en
ménageant son partenaire français.
Eviter l'affrontement avec Paris
Impossible évidemment pour la chancelière de ne pas tenir compte de cette nouvelle donne. D'où ce ton plus apaisé dans la forme envers le nouveau locataire de l'Elysée. Cette volonté d'en venir « rapidement à de bonnes relations de travail », ces ouvertures sur un « pacte européen de croissance », cette assurance que « la coopération franco-allemande est essentielle pour l'Europe, cette invitation de François Hollande à Berlin dès le 15 mai, date de son entrée en fonction... Tout ceci montre la volonté de la chancelière de ne pas aller à l'affrontement avec Paris.
Situation intérieure allemande
Pour autant, toutes ces ouvertures sont d'abord formelles. La marge de manœuvre d'Angela Merkel est extrêmement faible sur le plan intérieur. Son électorat ne supporterait aucune relance de type keynésienne, aucun type d'Eurobonds, aucune anicroche à la sacro-sainte indépendance de la BCE. Bref, l'électeur conservateur allemand est allergique au programme de François Hollande. Un coup d'œil à la presse de ce lundi outre-Rhin suffira à s'en convaincre.
Or, la seule force actuelle de la chancelière, ce sont ces électeurs traditionnels de la CDU et de la CSU qui aujourd'hui représentent entre 33 et 37 % de l'électorat. Tant qu'ils lui restent fidèles, Angela Merkel semble assurée l'an prochain de demeurer en place. Elle pourra changer de coalition, s'allier avec les Sociaux-démocrates plutôt qu'avec les Libéraux, mais elle restera le leader de la première force politique du pays. Et les alternatives, soit une alliance à trois avec le SPD, les Verts et les Pirates ou les Libéraux semblent peu crédibles aujourd'hui.
Angela Merkel ne cédera pas sur le fond
Cet électorat n'est pas entièrement acquis. Lorsque Angela Merkel a dû accepter de verser une aide à la Grèce et un système permanent de sauvetage de l'euro, la côte de la CDU a nettement reculé. En octobre dernier, la CDU était à 31 % d'intentions de vote selon le sondage hebdomadaire de Stern. Grâce à la fermeté affichée sur le nouveau traité budgétaire, les Chrétiens-démocrates sont remontés jusqu'à 38 % en mars. Ils sont aujourd'hui à 35 %. Il est essentiel pour la chancelière de se renforcer dans cet électorat. Elle ne peut donc en aucun cas lâcher du lest face à François Hollande sur le traité budgétaire. C'est pourquoi elle a réaffirmé ce lundi que toute renégociation était exclue et qu'elle rejetait tout plan de relance keynésien.
Certes, Angela Merkel est une pragmatique pure et dure. Pour parvenir à ses objectifs, elle est capable de brûler les idoles qu'elle avait érigées elle-même peu auparavant. C'est ce qui surprend toujours les observateurs internationaux. Elue en 2005 sur un programme « thatchérien », elle a gouverné à merveille jusqu'en 2009 avec les Sociaux-démocrates. Elle avait alors organisé deux plans de relance d'envergure avant de se convertir aux baisses d'impôts massives au début de son alliance avec les Libéraux, puis d'affirmer l'austérité à partir de mai 2010.
S'inspirer du modèle « Merkozy »
Verra-t-on alors bientôt une Angela Merkel convertie à la croissance façon François Hollande ? C'est peu probable, car ce n'est pas son intérêt et aujourd'hui et il peut lui dicter de faire volte-face. Pour autant, il ne peut être question d'entrer dans un conflit ouvert avec la France qui déstabiliserait la zone euro et donnerait surtout l'impression toujours fâcheuse d'une domination allemande. L'équilibre du couple Paris-Berlin est indispensable à la politique européenne allemande pour repousser toute accusation d'hégémonisme. Pour Angela Merkel, le modèle de sa relation avec François Hollande, ce sera sa relation avec Nicolas Sarkozy.
Un couple très chahuté
Qu'on se souvienne en 2007 : le nouveau président français avait frôlé l'incident avec le ministre allemand des Finances d'alors qui lui reprochait sa politique budgétaire. En 2008, nouveau coup de froid entre Paris et Berlin sur la question de la relance de l'activité après la faillite de Lehman Brothers. En 2010 enfin, la crise grecque avait ravivé les différends entre les deux pays sur la stratégie à mener. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ne s'appréciaient alors guère. Mais la chancelière a su renverser la vapeur : elle a adopté des mots de son partenaire français, comme la « gouvernance économique » pour y mettre son propre contenu.
Là où Paris entendait une gestion étatique de l'économie, Berlin y a mis du contrôle budgétaire strict et une règle d'or européenne à l'allemande. Ajoutez à la présentation de propositions communes et quelques concessions sans conséquences majeures (pas de contrôle européen des règles d'or, mais une inscription dans les constitutions) et le tour est joué : Merkozy était né. Nicolas Sarkozy pouvait avancer la tête haute comme le restaurateur de l'amitié franco-allemande et Angela Merkel pouvait présenter à ces compatriotes les résultats obtenus.
En attendant Merkollande
Nul doute que la chancelière va tenter le même tour de passe-passe cette fois avec François Hollande. On ne touchera pas au traité budgétaire, mais on préparera un « pacte pour la croissance et l'emploi » où l'on distribuera quelques milliards des fonds structurels non utilisés et où l'on promettra quelques réformes favorables à la croissance. Sans doute ceci sera suffisamment vague et sans conséquences. Mais François Hollande pourra se vanter d'avoir converti la chancelière à la croissance tandis qu'Angela Merkel aura sauvé l'essentiel avant le scrutin fédéral d'octobre 2013. Il est vrai que, malgré le succès électoral de ce week-end des opposants à la politique allemande, la faiblesse de la situation française ne donne guère au nouveau locataire de l'Elysée le poids de faire fléchir réellement la chancelière.
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